Hiroshima de
John Hersey
Partout, perçant, escaladant, recouvrant les décombres, dans les caniveaux, sur les berges du delta, s'agrippant et se mêlant aux tuiles et à la tôle des toitures, grimpant le long des troncs d'arbres carbonisés, s'étendait un tapis de verdure fraîche, vivace, luxuriante, optimiste ; il n'était jusqu'aux fondations des maisons en ruine qui ne vissent cette verdeur s'élancer et monter. L'herbe folle dissimulait déjà les cendres ; les fleurs des champs s'épanouissaient sur la carcasse de la ville. La bombe n'avait pas seulement laissé intacts les organes souterrains des plantes ; elle les avait stimulés. Partout, ce n'étaient que bleuets et glaïeuls, ansérines, volubilis et belles-d'un-jour, pois à cosses velues, pourpiers, bardanes, sésames, millets et pyrèthres. En particulier, dans une certaine périphérie, à proximité du centre-ville, le séné renaissait avec une vigueur extraordinaire : non seulement ses tiges se dressaient parmi les cendres des anciennes pousses consumées, mais elles jaillissaient en de nouveaux endroits, au milieu des briques, par les crevasses de l'asphalte. De fait, on eût dit qu'une cargaison de graines de cette plante s'était déversée sur la ville en même temps que la bombe.
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