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Citation de ThibaultMarconnet


Jadis, les gens redoutaient plus que tout la faim, le froid et la pauvreté, ils rêvaient d'une vie plus aisée, moins laborieuse, une vie au sec et au chaud où ils auraient du temps pour eux alors qu'ils se tuaient au travail, vivaient dans les maisons sombres et souvent très humides. Il fallait aller loin pour consulter le médecin, et plus encore pour pouvoir étudier, on mourait prématurément après avoir connu quelques rares moments de plaisir, la vie n'était qu'une suite de privations. Vous savez comment ça se passe aujourd'hui, nous avons tout ce dont rêvaient nos ancêtres, nous vivons beaucoup plus longtemps, nous sommes en meilleure santé, nous ne connaissons pas la faim, nous ne la ressentons que lorsque nous faisons un régime ou quand nous restons bloqués un peu trop longtemps dans un interminable bouchon, nous nous soucions de notre ligne, nous subissons des interventions de chirurgie mammaire, nous combattons la calvitie, nous rêvons de dents parfaitement alignées et nous aimerions connaître un plus grand nombre de recettes de cuisine, beaucoup d'entre nous travaillent trop et chez les hommes, la taille du membre est proportionnelle au temps passé au boulot. Nous nageons dans l'opulence, pourtant, nous ne sommes pas heureux, à quoi allons-nous occuper toutes ces journées, cette vie, c'est un véritable casse-tête, pourquoi donc vivons-nous ? Cela dit, la plage de notre village est belle, elle forme un arc de cercle, mesure à peine un kilomètre, c'est apaisant de rester là à regarder une chose plus vaste que nous. La mer est éternelle, lit-on quelque part, c'est hélas n'importe quoi, tout change, le soleil mourra, les mers s'assécheront, les grands hommes sombreront dans l'oubli, mais comparée à la vie d'un être humain, la mer est en effet éternelle. D'ailleurs, il y a trente ans, nous étions persuadés que l'Union soviétique et l'Alliance, la mère de toutes les coopératives, étaient éternelles. (...) C'est incroyable comme tout finit par changer, le Rideau de fer, la télévision noir et blanc, les machines à écrire, quand cela s'arrêtera-t-il, vous n'avez pas besoin de répondre, nous ne faisons que penser à voix haute parce que, aujourd'hui, tout se transforme si vite qu'il suffit de cligner les yeux pour perdre le contact avec le monde. Ce n'est toutefois que lorsque l'Alliance s'est effondrée que nous avons mesuré l'ampleur de la puissance gigantesque de la Coopérative. L'Alliance était aussi vermoulue de l'intérieur que le sont aujourd'hui les États-Unis, le vent qui souffle avec insistance de l'ouest répand d'ailleurs sur l'océan une forte odeur de moisi. On ne perçoit le poids des chaînes que lorsqu'elles se brisent.

(p. 48-50)
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