« J'ai toujours écrit sur des vides. C'est quelque chose qui revient toujours dans mes oeuvres. Qu'est-ce qu'il se passe s'il y a un ami, un membre d'une famille, qui est parti, qui est mort [...] Les gens qui restent, qu'est-ce qu'ils font avec ce vide ? Est-ce que c'est possible de remplacer ce vide avec des mots ? Ça c'est une stratégie que j'ai utilisée personnellement chaque fois qu'il y a quelqu'un dans ma vie qui part ou qui meurt. »
Jonas Hassen Khemiri nous parle de son roman **La clause paternelle**, lauréat du prix Médicis étranger 2021 : https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/la-clause-paternelle
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S’il y avait une chose que j’avais apprise c’était de ne pas rester dans une relation qui demandait plus d’énergie qu’elle n’en donnait. Rares sont les gens qui ne sont pas des voleurs d’énergie.
Adossés aux piliers en pierre en bas de la côte, on regardait leurs collègues éteindre les dernières flammes.
-Tout est foutu ? a demandé Samuel à un des pompiers.
-C’est une question de définition.
J’aimerais juste qu’on ait une autre relation toi et moi, dit le fils. Avant, j’étais un enfant et toi un adulte. Aujourd’hui, tu es devenu un enfant et moi un adulte. Ce serait bien si un jour on arrivait à être deux adultes en même temps, avant qu’il ne soit trop tard. (p.189)
La meilleure façon. C’était ça le mot-clé. Il y avait plein de façons différentes. Mais il y avait la meilleure façon. Et c’est celle-là qu’il voulait trouver. Elle a commencé à comprendre qu’il évoluait dans le monde persuadé que celui-ci était composé de milliards de mauvaises façons et d’une seule bonne. C’est alors qu’elle a réalisé pourquoi ce qui était si simple pour les autres était si compliqué pour lui. (p.315)
« Le fils. Qui ressemble à un fils mais, qui, en réalité est un serpent. Comment a t- il pu dire à son père bien-aimé d’aller se faire foutre devant ses enfants, et ça devant ses petits - enfants ?
Comment a t - il pu devenir si dur?
Quand s’est - il transformé en robot faisant passer sa carrière et son argent avant son propre père ?
Incroyable . Le fils est une honte . Le fils est un non- fils » …
C’est pour elle qu’il était venu. C’est pour elle qu’il avait tout quitté. Ce n’était pas un choix délibéré. L’amour c’est l’opposé d’un choix libre. L’amour c’est de la non-démocratie à cent pour cent. (p.32)
Quand on sort du Terminal 5, le vent est constant. Il a la force d'un ouragan.Quelle que soit la saison. Il transforme les foulards en drapeaux. Les vestes en jupes. Il est si puissant que les gens doivent se mettre à l'abri entre les colonnes en ciment pour ne pas être forcés de se livrer à une danse involontaire. Deux pas à gauche. Un pas en avant. Pendant que le vent rit et accélère encore le tempo.
Elle l'a regardé longuement d'un air étrange. Comme s'il avait une grille de mots croisés collée sur le visage.
Comment est mort votre enfant? demande le petit ami. Pardon? Votre troisième enfant, comment il est mort? Elle est morte, c'est tout, répond le père. D'abord elle a vécu. Puis elle est morte. Pourquoi vos voulez savoir ça? Vous êtes de la police? Vous êtes un agent du FBI ou du Mossad?
9782330150990
"La file n’a pas bougé d’un pouce. Personne ne se met en colère. Personne n’élève la voix. Personne n’essaie de doubler. Les gens lèvent juste les yeux au ciel en soupirant. Le grand-père fait pareil. Il se souvient de l’époque où il était un père. Les goûters d’anniversaire et les vacances au soleil, les entraînements de judo et les gastros, les leçons de piano et les fêtes de fin d’année. Il se souvient de la manique que sa fille, ou peut-être son fils, avait fabriquée en travaux manuels, avec le texte brodé : Le meilleur papa du monde. Il était un père formidable. Il est un grand-père formidable. Celui qui prétend le contraire est un menteur"