Voici un auteur que je ne connaissais pas jusqu'à ce que dans un catalogue des nouveautés de la rentrée, mon oeil soit attiré par une couverture magnifique, un titre splendide, et un résumé des plus alléchants. Quel bonheur donc d'avoir pu le lire grâce à Babelio. Cependant mon avis face à une telle lecture restera mitigé, même si j'ai longuement réfléchi après coup, c'est un roman assez étrange.
Tout d'abord, je pense qu'il s'agit d'un roman sur le roman, sur l'écriture. Jonathan Buckley enchaîne les belles tournures de phrases, des moments poétiques, des moments philosophiques, des moments de dialogues longs, des scènes souvent froides amenant de la distance entre les personnages, plus particulièrement les deux soeurs qui s'opposent à la fois dans les actes et dans les paroles. Le faire et l'agir. Au départ, j'avais l'impression de me retrouver dans une sorte de famille dysfonctionnelle à la "Little miss sunshine", vous savez, le film magnifique de Dayton et Faris. Sauf que c'est tout le contraire, c'est un roman très peu chaleureux, jusque dans l'aspect descriptif, comme celle des lieux où se déroule le récit.
Par conséquent, on s'attache peu aux personnages même si l'auteur a tout de même réussi à me rendre curieuse. J'étais curieuse en effet, du processus intellectuel de chacune des soeurs. L'une répondant à des instincts maternels et rationalisés, tentant de répertorier sa vie, de s'immerger dans une écriture du réel, qu'elle pense une écriture du vrai alors qu'elle écrit un roman. L'autre soeur est dans la théorie du new age, sa vie est un long fil fragile, elle se laisse capturer par la pensée par des personnages manipulateurs.
Le ton du roman est dans l'ensemble très fluide, les longs dialogues sont à la fois brefs et longs. L'auteur réussit une sorte de mise en abîme de l'écrivain-auteur-créateur, en arguant que son roman est écrit par l'une des soeurs (Kate) et non par l'auteur lui-même, on comprend qu'il alimente le récit avec des parties légèrement décousues (dialogues, puis réflexions, réflexions puis dialogues, puis digressions,... comme des fragments de moments de vie assemblés les uns avec les autres). Cela pourrait rapidement perdre le lecteur, voire rendre l'entreprise présomptueuse, mais Jonathan Buckley a, il me semble, juste tenté d'analyser un processus de création.
On ne pourra donc pas reprocher à l'auteur d'avoir une plume glaciale mais riche, on ne pourra pas lui reprocher d'avoir tenté d'écrire sur ce que c'est d'écrire. On pourra juste lui reprocher d'avoir construit une sorte d' "imposture", un roman qui se voudrait plutôt un roman fleuve et grand public alors qu'en fait de "fleuve", il n'en est rien et de grand public encore moins. Le fleuve ici, c'est le flot de pensées, le flots de discours, de positionnements des deux soeurs, c'est le flux de la vie, continu et discontinu, c'est l'inverse du roman fleuve :
Un roman-fleuve est un vaste roman en plusieurs tomes (souvent plus d'une dizaine). Ils forment un tout, dans lequel se retrouvent les mêmes personnages d'un tome à l'autre, mais peuvent néanmoins se lire séparément. Ils constituent souvent la fresque d'une famille bourgeoise sur un fond d'histoire contemporaine. (wikipédia)
Le roman de Jonathan Buckley est court et long à la fois, fluide et abrupt en même temps, une sorte d'interrogation sans réponse, une intrigue sans résolution, il est un éclatement de pensées sur l'écriture et le roman plutôt que sur la vie. C'est un O.V.N.I. et il ne va pas plaire à tout le monde. Mais je dois dire que je l'ai apprécié!
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