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Citation de AnitaDANIEL


Anniversaire à Saint-Omer
Mes dix ans, je les "fête" pendant le premier procès de l'affaire d'Outreau. Drôle de cadeau. Il s'ouvre à la cour d'assises de Saint-Omer le 4 mai 2004 et se termine le 2 juillet. Il vise à juger dix-sept personnes pour des faits de maltraitance, de corruption de mineurs, de viols sur enfants, de réalisation de prises de vues et vidéos à caractère pornographique en vue de revente, de proxénétisme et de mise à disposition tarifée d'enfants pour activités sexuelles et de meurtres de jeunes enfants.
Il marquera les esprits par la façon dont il a été géré et restera dans les annales de l'institution judiciaire française. Mon objectif n'est pas de le raconter en détail ni de faire le procès du procès, mais de livrer quelques séquences, dont certaines m'ont marqué.
C'est sans aucune préparation que je dois affronter cette épreuve. Tant de monde s'agite autour de nous que ma tête tourbillonne. Sont notamment présents mes frères, les référentes sociales, les assistantes maternelles, la directrice du Conseil général, nos avocats, des policiers... Heureusement, nous ne sommes pas présents tous les jours.
Selon le motif officiel du nombre élevé de mis en cause, nous, les enfants, sommes placés dans... le box des accusés. Je ne comprends toujours pas comment la Justice a pu prendre cette décision. Même nos avocats ne s'y sont pas opposés. Les enfants victimes dans le box des accusés, quel symbole ! C'est nous qui sommes exposés... Tout le monde le sait, la première chose à laquelle on porte attention en pénétrant dans une salle d'audience est cette "cage", ceux ayant vécu l'expérience vous le confirmeront. C'est une première erreur qui, malheureusement, ne jouera pas en notre faveur.
Les accusés, eux, sont dans la salle, accompagnés de leurs avocats. Ils semblent libres comme l'air et peuvent se promener au milieu des dizaines de journalistes venus couvrir l'événement.
Comment ne pas se sentir affreusement mal à l'aise face à cette situation ? Je ressens encore aujourd'hui cette impression d'être la bête de foire. L'attraction du jour que l'on paie pour venir voir.
Croiser le regard de ceux qui m'ont abusé me terrifie aussi. Même si je sais qu 'ici je ne risque rien, une angoisse incontrôlable me monte à la gorge à chaque instant. Je mettrai des années à m'en débarrasser.
Lors de mon audition par l'Inspection générale des services judiciaires de la Justice le 20 janvier 2006, déjà citée ci-dessus, Jean-Claude Monier, président de cette cour d'assises, soulignera un autre biais généré par cette disposition :
Selon M. Monier, une telle configuration des lieux a eu un effet négatif sur le procès, personne n'étant à sa place : les parties civiles étaient à la place des accusés et ces derniers se trouvant comme fondus dans le public. La symbolique était ainsi inversée voire totalement brouillée, puisque cela donnait l'impression d'une justice qui accuse la société. En outre, la disposition des lieux était déstabilisante pour les enfants. Lorsqu'un enfant présumé victime était invité à reconnaître l'un des accusés, il se tournait vers une salle de 200 personnes et pouvait chercher plusieurs minutes avant même de reconnaître ses parents.
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