Jonathan Trigell

Il a déjà vu des types se faire éclater le nez pour moins que ça : ces mégots jetés sur le trottoir, c'est du gâchis ; il restait au moins de quoi tirer encore cinq taffes.
Son prénom, c'est Jack. C'est lui qui l'a choisi. Rares sont ceux qui peuvent se choisir un prénom. Il en connaît pas mal qui ont essayé, adoptant des pseudos crasses ou classes, mais en général, ces étiquettes là ne collent pas très longtemps. Jack a déniché le sien dans un bouquin, le Guide des prénoms de garçon, un bon point de départ. Courant, mais cool, il lui a plu tout de suite. Jack, comme le héros de contes et des comptines ; l'univers de l'enfance le poursuit, lui qui a été privé de la sienne, qui en a volé une autre. Comme Jack l'Eventreur aussi, mais celui là, il n'y a pensé que plus tard.

Enfin, Terry comprit qu'on l'avait dépouillé non seulement d'une épouse mais aussi d'un fils. Il n'avait désormais plus le droit de participer à une activité qui lui avait procuré tant de joie pendant si longtemps. Il ne verrait pas son enfant se transformer en homme. Ou du moins, il ne le verrait que de loin. En spectateur occasionnel. Il n'aurait pas la possibilité de revivre sa jeunesse par procuration. Il n'entendrait jamais le récit de ce qui s'était passé dans les fêtes et les pubs. Ne serait jamais un copain, un soutien, une oreille amicale, une personne vers qui se tourner, sur qui on peut compter. Il serait juste un père absent de plus, comme la plupart de ceux des gosses dont il s'occupait.

Elle était persuadée que la primauté du rêve dans l’école freudienne s’expliquait par la manie de la bourgeoisie viennoise de manger de grosses quantités de fromage après le dîner. Elle-même renonça donc à tous les produits laitiers. Sans que son sommeil en fût moins perturbé pour autant.