AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de lanard


La veille, deux mots douteux l'avaient arrêté au seuil de la Poétique. Ces mots étaient tragoedia et comoedia. Il les avait déjà rencontré, des années auparavant, au livre troisième de la Rhétorique; personne dans l'Islam n'entrevoyait ce qu'ils voulaient dire. En vain, il avait fatigué les traités d'Alexandre d'Aphrodisie. En vain, compulsé les versions du nestorien Hunain ibn-Ishaq et Abu Basher Meta. Les deux mots arcanes pullulaient dans le texte de la Poétique; impossible de les éluder.
Averroës laissa la plume. Il se dit (sans trop y croire) que ce que nous cherchons est souvent à notre portée, rangean le manuscrit de Tahafut et se dirigea vers le rayon où étaient alignés, copiés par des calligraphes persans, les nombreux volumes de Mohkam de l'aveugle Abensida. C'était ridicule d'imaginer qu'il ne les avait pas consulté, mais il était tenté par le vain plaisir d'en tourner les pages. Il fut tiré de cette distraction studieuse par une espèce de mélodie. Il regarda à travers les grilles du balcon: des enfants demi-nus s'amusaient en bas, dans l'étroite cour de terre. L'un, debout sur les épaules de l'autre, jouait évidemment le rôle du muezzin. Les yeux bien fermés, il psalmodiait; "Il n'y a pas d'autre dieu que Dieu". Celui qui le portait, immobile, représentait le minaret; un autre, prosterné dans la poussière et agenouillé, l'assemblé des fidèles. Le jeu s'interrompit vite; tous voulaient être le muezzin, personne la tour ou les fidèles. Averroës les entendit discuter en dialecte grossier, c'est-à-dire dans l'espagnol naissant de la plèbe musulmane de la Péninsule.
Commenter  J’apprécie          80





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}