C`est que j`aime faire des tentatives sur des formes différentes, éviter de me répéter. Après plusieurs livres qui relevaient de l`histoire et de la fiction, j`ai écrit une série de nouvelles dans lesquelles je souhaitais casser les frontières entre la poésie et la prose, des nouvelles écrites en vers, et par la suite vinrent deux livres de non-fiction, le précédent : Examen de mi padre, et un essai et un livre de mémoire en même temps. Ensuite j`ai voulu écrire un roman sans fiction et ce sujet m`est venu très naturellement.
Il s`agit de romans qui se construisent à partir de faits réels. On pourrait remettre en question la terminologie, car il n`existe peut-être aucun roman sans fiction, mais cela signifie que l`auteur revient sur le genre romanesque et utilise ses propres matériaux pour raconter une histoire vraie. Il est peut-être inévitable d`inclure des éléments de fiction, mais l`objectif est différent, il s`agit de raconter un fait réel sous une forme littéraire.
Le vrai déclencheur fut la lecture du livre de la journaliste belge Emmanuelle Steels, Teatro del engaño (non traduit en français). J`ai été séduit par le sujet et par la possibilité de raconter cette histoire d`une façon plus ample. J`ai été mis en contact avec la famille d`Israel Vallarta (l`ex-compagnon de Florence Cassez), et à partir de là la première partie du travail fut la lecture du dossier. Il s`agit d`un travail d`investigation et d`écriture, je repassais et transcrivais dans la foulée les fragments du document qui me paraissaient importants. Par la suite, j`ai commencé à conduire des entretiens, dont les notes ont constitué la base du livre. J`ai lu les enquêtes journalistiques et tout ce que j`ai pu trouver dans la presse, et c`est ainsi que s`est bâti un livre qui a d`abord pris la forme d`un roman de 800 pages.
La première version portait un autre nom, elle s`intitulait Une autre vérité que la nôtre. Je l`ai soumise à la lecture d`amis de confiance et avec lesquels je partage mes écrits. Et tous m`ont dit qu`il était illisible. À ce moment j`ai su que je devais changer la structure, je l`ai réécrit totalement y il est devenu ce qu`il est aujourd`hui.
Il y eut des périodes de l`histoire, je pense aux années soixante ou soixante-dix, au cours desquelles il était quasiment obligatoire d`avoir un engagement social, de changer la réalité à travers la littérature. Ce fut très néfaste à de nombreux égards. Désormais c`est simplement une possibilité de plus de la littérature et c`est aussi valable que d`écrire des histoires de fiction sans rapport avec le réel. L`écrivain a la possibilité, sans obligation, d`assumer cette responsabilité, chaque écrivain choisit. J`ai décidé de le faire dans ce livre, c`est la première fois que je le fais dans un roman, mais en même temps je peux très bien écrire un roman qui n`ait rien à voir avec la réalité ni avec le Mexique.
Le plus invraisemblable, c`est, je crois, la version de la police sur cet évènement. Ce sont des mensonges auxquels il est impossible de croire. Pensons simplement au début de l`affaire telle que la raconte la police : à quatre heures du matin, Florence et Israel sortent en camionnette en direction vers le centre-ville laissant trois otages dans la maison où ils résident, sans surveillance. Il n`y a qu`une heure de la journée pendant laquelle rien ne se passe, c`est entre trois et quatre heures du matin. Pourquoi sont-ils sortis à cette heure-là et comment peuvent-ils laisser trois otages sans surveillance ?
J`ai pensé avant tout à la visibilité que pourrait avoir le livre avec ce prix et à la possibilité d`avoir davantage de lecteurs, en particulier en Amérique latine, vu que les livres circulent très peu d`un pays à l`autre sur notre continent. Si le livre n`avait été publié qu`au Mexique, au-delà du scandale, il n`aurait pas franchi les frontières.
Je crois en un lecteur intelligent, capable de tirer ses propres conclusions. Voilà l`objectif que je recherche en écrivant un roman ainsi.
Il y a une empathie naturelle lorsque l`on voit quantité d`injustices et quand on vit avec ces personnages qui sont aussi des personnes. Avec Israel c`est difficile, car je le vois en prison, dans un parloir réduit, après avoir passé huit contrôles, on a quarante minutes et ils te sortent. Bien sûr c`est intéressant de parler avec lui, mais il est aussi difficile d`avoir trop de proximité. En revanche j`ai vu sa soeur des dizaines de fois. Avec elle et une partie de sa famille, j`ai créé beaucoup plus d`empathie. Néanmoins dans le livre, je ne voulais pas que cette empathie ressorte, mais au contraire que le lecteur ait la version la plus neutre possible, même si comme le dit Roland Barthes “aucun texte n`est innocent”. le point de vue de l`auteur va toujours filtrer, mais au moins en connaissance de cause, en faisant en sorte qu`il ne soit pas là de façon trop marquée.
La publication du roman a déjà eu un premier effet : l`avocat de Florence Cassez, avec une équipe d`avocats conseille désormais Israel et va présenter ses conclusions. J`espère, indépendamment du fait que l`on croie Florence et Israel coupables ou innocents, que la procédure sera suivie. Il ne peut pas y avoir deux types de justice et si Florence est libérée pour tous ces énormes vices de procédure, Israel devrait être libre également.
Je crois que la littérature et le journalisme recherchent des choses très similaires : certaines vérités. La littérature le fait en cherchant la vérité à travers des mensonges et la “non-fiction” le fait en cherchant la réalité à travers la réalité même. Le problème est que, dans un cas comme celui-ci, la vérité a été tellement séquestrée et occultée par ceux qui étaient chargés de la rechercher, que nous ne la connaitrons peut-être jamais totalement.
Quand j`ai commencé à écrire, j`ai été encouragé par un ami, Eloy Urroz. C`est lui qui m`a poussé à lire les auteurs mexicains. Je n`avais rien lu de littérature mexicaine et j`ai lu Juan Rulfo, Octavio Paz, Carlos Fuentes. C`est ce qui m`a lancé dans l`écriture.
Au contraire, quand j`ai lu Docteur Faust de Thomas Mann, je me suis dit que c`était le roman que j`aurais souhaité écrire. Je ne l`ai pas écrit et je dis cela avec un léger sentiment de frustration.
Le premier livre de littérature que j`ai lu par plaisir, vu que mon père nous parlait toujours de livres et nous disait à mon frère et moi que lire, sans que nous y prêtions attention, ce furent les contes d`Edgar Allan Poe.
À la différence d`autres écrivains, je ne relis presque pas, sauf pour le travail. Quand j`aime un auteur, je préfère lire ses autres livres plutôt que relire un livre qui m`aurait plu.
Il y en a plusieurs. Par exemple, l`auteur favori de mon père était Victor Hugo et il nous répétait sans cesse que nous devions lire son livre favori de cet auteur : L`homme qui rit, que je n`ai pas lu à ce jour.
Il y a quelques auteurs récents que j`ai découverts et que j`apprécie beaucoup : Cancion de tumba de Julian Herbert est pour moi une perle, Trabajos del reino de Yuri Herrera, Temporada de Huracanes de Fernanda Melchor, El animal bajo la piedra de Daniala Tarazona, entre autres.
Je crois également qu`il y en a plusieurs. Jean-Jacques Rousseau par exemple me semble insupportable.
Celle que je répète le plus souvent depuis l`enfance, sans être très original c`est une phrase de Térence “Je suis un homme et rien de ce qui est humain ne m`est étranger”.
Un livre fantastique qui n`est pas encore arrivé en Amérique Latine, mais qui devrait : Ordesa de Manuel Vilas.
UN FESTIVAL PROJETÉ ENTRE LES GOUTTES Dans les conditions sanitaires que l'on sait, ce rendez-vous culturel et annuel latino a eu lieu, malgré des jauges réduites et des réalisateurs parfois retenus au pays. Le cinéma documentaire et de fiction, la littérature d'Amérique latine y ont néanmoins trouvé leur compte, comme depuis près de trois décennies. Et le terme d'"aficionado" convient parfaitement à un public exigeant, souvent hispanophone et marqué par les liens historiques et diasporiques qui unissent le pays basque et l'Amérique latine, notamment l'Argentine, l'Uruguay, la Colombie ou le Chili. Antoine Sebire, dans cette rencontre, évoque les contraintes de la 29ème édition; revient sur une volonté de séduire des publics jeunes et de les sensibiliser au cinéma d'auteurs. Il souligne également les caractères des sélections 2020 : indépendance, façon "ludique" de filmer, luminosité des regards, petits budgets qui limitent l'impact de la crise traversée. On notera que les jurys biarrots n'ont pas de président. Manière démocratique qui singularise également la qualité de ce festival. Ph. L Bonus : Jorge Volpi : un grantécrivain latino-américain et une dénonciation sans concession du roman mexicain https://desmotsdeminuit.francetvinfo.fr/mot-a-mot/jorge-volpi-%f0%9f%93%9a-un-grand-ecrivain-latino-americain-et-une-denonciation-sans-concession-du-roman-mexicain/ LES RENCONTRES de Philippe Lefait au « festival biarritz Amérique latine » https://desmotsdeminuit.francetvinfo.fr/category/festival-biarritz-amerique-latine-cinemas-cultures/
Au fait, Fred Vargas, c'est...