José Acquelin Anthologie affective.
Lecture du poète José Acquelin lors du colloque Le souffle long, à Toulouse, du 14 au 16 mars 2013.
l'art n'est pas une libération
de la condition humaine
mais une condition humaine
de libération
Soleil
je suis donc sans rêves
je reste sous mes paupières translucides
le monde redevient une orange sanguine
flux et reflux je ne refuse pas
le fruit qui me fait pleurer
le poids suspendu de la joie
et la responsabilité de tout
à l’instant où je ne fais rien
il n’y a pas de nuit
juste un peu d’espace
entre les étoiles
coda
le zéro doit passer par l’infini
pour s’identifier à ce qu’il n’est pas
et échanger son rien contre tout
ce qu’il ne peut encercler
entre le dire et le faire
beaucoup en ont dit trop sans le faire
beaucoup en ont trop fait sans le dire
je propose que l’on s’arrête
que l’on fasse l’arbre
en attendant le prochain oiseau
pour lui donner nos yeux
même si comme dit un Pilote :
les oiseaux ne prennent pas la liberté
qu’on rêve qu’on prendrait
si on avait des ailes
je crois tout aussi bien que les humains
ne prennent pas la liberté à laquelle
les oiseaux n’ont pas besoin de rêver
puisqu’ils ont été gratifiés d’ailes
Buffet ouvert
l’amour est le degré zéro de l’infini
l’infini est le degré zéro de l’amour
l’amour est la puissance infinie du zéro
le zéro est la puissance infinie de l’amour
l’infini est l’énergie d’amour du zéro
le zéro est l’énergie d’amour de l’infini
Festival
plus je vis
moins je sais ce que je suis
donc plus je suis identique
à ce qui n’a pas d’identité
des corneilles craillent à la lune
le soleil use le cuivre du clocher
les arbres colorient doucement leurs pages
des hommes voyagent de peau en peau
puis un jour sans le savoir
ils traversent le bleu du ciel
pour aller relier la lumière
des étoiles entre elles
Quiconque écrit a quelque chose à coeur de taire. Il est si rarissime que l'on ne soit pas un tunnel. Je ne me diluerai pas à vous contredire; je vous continuerai à me dire rien d'autre que ce que je ne suis jamais tout à fait: une passerelle de neurones en passereaux.
La musique, celle qui évacue le langage, donc le vêtement, construit une passerelle, la seule apte à ne plus chercher à traduire verbeusement le silence, là où il n’y a plus d’arrière-monde ni d’après-monde.
Le poème est le don qui nous dérobe aux spoliations organisées de chaque société. Il déverrouille l’usure. Il fait périr le pourrissement, il fait voler en éclats les identités fausses.
Même les paupières closes, je vois le soleil incarnat. J’imagine alors un livre à lire les yeux fermés. À partir de notre nuit intime. Avec quelques persistances rétiniennes comme seuls éclairages. Et aussi avec cette question récurrente : que peut-on retenir de ce monde pour traverser les jours restants ?