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Citations de José Carlos Llop (118)


.....aux lèvres un enthousiasme à la Pound : « surveiller les Vénitiens », un vers perdu de quelque Canto, au rythme des premiers accords du Concerto pour violon de Tchaïkovski, que ma mère écoutait à la maison et que je comparais à Hey Joe, de Hendrix. Je les comparais en lui disant que Hendrix faisait avec la guitare ce que son Russe avait fait avec le violon et elle me répondait « Laisse donc, où penses-tu aller, avec ton vacarme ».
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De Barcelone arrivaient* en renfort des putains qu’on appelait les mouettes, parce qu’elles suivaient le sillage des bateaux.

* à Palma.
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Le soleil brille avec une puissance écrasante ; les papillons tricotent l'air en tâches de couleur jusqu'au milieu du mois d'août et alors les libellules les remplacent ; les oiseaux recherchent l'ombre et chantent avec force (sauf à l'heure de la sieste, où ils se taisent, anesthésiés par la chaleur) ; les chrysalides sont vides, abandonnées comme des costumes d'une autre saison ; les insectes usurpent n’importe quel territoire, faisant démonstration de la puissance de leur infanterie, de leur cavalerie et de leur aviation, pour que les choses soient claires ; la chair, fraîche et rouge, des pastèques dispute à la figue le titre de meilleur symbole de sensualité de cette saison ; le melon est un parfum raffiné qui fond dans la bouche pour apaiser notre soif ; le raisin en grappes est à partager, mais quand on est enfant on ne le sait pas ; la mer est un palais baroque – sous-marin, naturellement -, dont le toit en verrière atteint à la dimension de grande fresque picturale où les lumières varient au fil de la journée. Ses habitants sont parés de leurs plus beaux habits et de leurs cuirasses et se promènent sous l'eau comme des dames babyloniennes, des scribes assyriens et des prêtres égyptiens. Les requins bleus et les requins-taupes sont les barbares qui guettent la civilisation. Ou les détachements avancés aux frontières, qui les protègent. La mer est la splendeur et le retour à la maison, mais aussi l'immensité de la tragédie : personnelle (quand elle atrophie) et collective (quand elle est une saignée). Bref, la tragédie méditerranéenne, à laquelle, pourtant, elle survit toujours.
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Il y avait deux mers dans la baie. La première était placide et silencieuse, bleu pâle, presque blanche, veinée de différents tons de vert quand on s'en approchait. Les barques, peu nombreuses, flottaient de telle façon qu'elles avaient l'air de montgolfières et le fond sous-marin, d'une masse d'air emprisonnée par un merveilleux scénographe dans un grand récipient de cristal liquide. L'autre mer était tempétueuse et rugissante, bleu foncé, à la surface éclaboussée de bave blanche et avec de grandes vagues rageuses qui vomissaient des giclées d'écume blanche en arrivant à la côte, comme sur une estampe d'Hokusai.
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Les nuits de lune nous entendions les rats aller et venir nerveusement sur les branches de pin, et les jours de soleil - c'est à dire tous les jours - les abeilles se gorgeaient de nectar sédatif de la passiflore, dans la chaleur du mois d'août. La tonnelle avait un petit air japonais - Art déco japonais, même si à la maison personne ne m'avait parlé de l'Art déco - et quelque chose de la peinture moderniste, de Fortuny, par exemple, ce qui contrastait avec son côté mystique. Les pistils lilas de la fleur formaient la couronne du Christ et les étamines safranées, les cinq plaies. La fleur, outre le blanc, avait des tonalités de carême et le nombre de pétales et de sépales avait également un rapport avec la Passion.
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Tous les étés étaient le même été. Toutes les mers étaient la même mer. Notre vie était identique chaque mois d’août. Et c'était justement cela qu'on recherchait dans ma famille (et dans tant d'autres familles à l'époque). Ou du moins ce que recherchait mon père. Grâce à lui, j'ai découvert l'unité de temps, ou plutôt j'ai ébauché ma première conception de cette unité : en été il n'y avait pas de passé, ni de futur ; seulement le présent, et ce présent se projetait sur le reste de la vie comme un royaume ancien se projette sur les civilisations qui lui succèdent. Un présent solaire, méditerranéen, classique.
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À la maison, nous n’avions pas l’habitude de nous rendre dans les cimetières. Les morts étaient morts, disait ma mère.....La messe et la prière étaient le moyen d’accéder aux morts.....Cette attitude n’était pas fondée sur des superstitions ataviques –la crainte des morts, par exemple, à l’origine de toute une mauvaise littérature gothique, ou une prévention contre les cimetières –mais était une façon d’affirmer la force de la vie face à la mort.
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Après avoir pris son café sur la terrasse, face à la mer ou aux montagnes, dans la première lumière du jour, elle prépare le déjeuner. Tôt, pour être prête au plus vite, dit-elle, comme si elle devait être prête pour quelque chose, et chez elle ce quelque chose c’est exister : sans entraves, sans obligations.
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Je crois que la prière est un moyen d'être en contact avec les morts, en effet, mais aussi que les rêves - une autre forme de littérature - sont un territoire des morts et que parfois, dans les rêves, on instaure ou on reprend une conversation interrompue par la mort. Je suis de ceux qui pensent qu’on ne connait pas un lieu si on n’a pas visité son marché et son cimetière. Et je pense que fréquenter les tombes familiales est un rite de la mémoire et une façon d’affirmer que la vie sur la terre ne doit pas être la pâture de l’oubli, bien qu’elle le soit.
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J'avais l'impression d'avoir intériorisé le paysage et que ce paysage et aucun autre serait toujours le paysage du bonheur. Un bonheur dont je n'ai jamais imaginé qu'il pourrait être interrompu, comme je n'ai jamais imaginé le contraire, qu'il serait éternel.
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"Le temps de Betlem fut le temps de la vérité. Le temps où il n'y avait pas de faux pas et où tout était vérité, où tout était essentiel. Je veux dire que l'envers de la vérité -s'il y en avait un - n'était pas le mensonge mais le silence. Le mensonge viendrait plus tard. Après le début de la jeunesse et de ses faux départs. Dans le temps dont je parle, avant l'entrée dans le royaume inconnu des faux-semblants, il n'y avait pas d'écriture. La lecture oui, il y a toujours eu de la lecture. Mais pas l'écriture. Si le paysage mégalithique des environs était un paysage d'avant la littérature, il se produisait quelque chose de semblable avec mon paysage intérieur. Je n'étais pas encore écriture - et je ne savais pas, je ne soupçonnais pas que je le serais un jour. Comme les hommes des talayots et des dolmens à moitié recouverts par la rude végétation, dont la vie était étrangère à l'écriture, la mienne aussi l'était ; mais, à cause de mon père elle n'était pas étrangère aux Écritures. De la protohistoire à la protolittérature. Mais il y a aussi le pressentiment que c'est là que toute a littérature a pris naissance. Dans toutes ces années et dans leur perte : la perte du lieu, plus que tu temps. Ensuite, je suppose que d'autres pertes ont suffi - et la vie était une succession de pertes - pour que s'articule à travers l'écriture une façon de comprendre la vie et, surtout, de la vivre. Parce que la vie de quelqu'un qui revient tout les étés à l'endroit des étés de son enfance n'est pas la même que celle de celui qui ne revient jamais, ce qui déclenche la perte définitive et spéculaire de deux paradis de la mémoire. Je veux parler de paradis préservés uniquement par la mémoire, comme nous conservons des livres qui nous ont rendus heureux mais que nous refusons de relire, pour en garder cela, justement : les dons qui ont rendu notre vie différente de ce qu'elle aurait pu être. Comme l'ont fait, dans la civilisation, les grand maîtres de la peinture, les maîtres primitifs ; mais la prose marque la distance. Il y a un parallèle entre la vie d'un homme et l'histoire de la civilisation à laquelle elle appartient. Un parallèle et une symbiose. C'est pourquoi ce livre naît aussi du désir de défendre un caractère indéchiffrable de la beauté. Son mystère. Un livre réactionnaire, dans la mesure où il s'inscrit en faux contre la liquidation de l'art promue par le XXe siècle. Le siècle de la mégamort, également insatiable dans son acharnement à détruire la beauté en désarticulant son mystère, en une constante leçon d'anatomie menée par des gens qui ne connaissent même pas l'anatomie. Oui, c'est pourquoi ce livre est un livre ancien qui revendique son besoin d'être ancien pour être. Il est né dans son paysage, un paysage propre, noble et ascétique, qui de tout temps a fini dans la mer."
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Collectionner, c'est une façon de faire son autobiographie et cette maison,maintenant est un livre sans pages:une reliure qui contient du vide.
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C'est dans ton désir que je suis vivante.
La passion amoureuse est un pays inventé par le désir.
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Elle s’est mise à parler et sa voix était une voix pensée avant d’être dite, une voix qui articulait les mots avec le plaisir conscient de faire de la parole un art. Un art mineur, mais un art. Tout au fond, cette voix prenait une teinte sombre et chaude qui contrastait avec la luminosité froide de sa peau. Elle me dit qu’elle avait déjà choisi le sujet de son mémoire de fin d’année dans ma matière et qu’elle souhaitait que je la dirige.
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On dit que la guerre excite les sens et pousse les émotions au paroxysme, comme l’amour. C’est possi­ble : la guerre fournit des décors et des atmosphères propices à toutes sortes de passions, mais moi, alors, j’étais amoureuse, et il n’y a pas meilleure atmosphère ou meilleure ville – en guerre ou pas – que celle où l’on vit quand on est amoureux.
Mon mari était attaché de presse. Il passait son temps dans les cafés, avec leurs hautes baies vitrées, leurs samovars en argent et leurs verrières à motifs floraux. Il n’avait pas beaucoup de travail et du peu qu’il fournissait, très peu de nouvelles étaient publiées. La censure était encore rigoureuse et à Madrid personne ne voulait entendre parler des échecs de nos alliés (la guerre commençait à décliner). On ne voulait pas qu’on en parle. La vie était un rideau de pluie et ce qu’il y avait de l’autre côté, il fallait le deviner.
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La tromperie est-elle essentielle dans l’adultère ? N’est-ce pas la vérité – celle de l’amour –, ce qui s’impose avec une force démesurée ? Et cette force introduit le désordre dans la vie quotidienne et celle-ci se défend en l’accusant de mensonge et de tromperie. Ceux qui accusent l’amour d’être fallacieux et irréel, une invention des troubadours, un délire des romantiques, un malheur qui s’est abattu sur la maison et la famille, ceux-là ne sont qu’à moitié dans le vrai. Ils agissent selon les commandements de l’ordre nécessaire pour survivre. Vivre, c’est autre chose, et cela devrait être très différent de survivre : il faut savoir partir.
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"Nous inventions la ville, mais pas sans modèle. Nous cherchions en elle, je l'ai dit, d'autres villes possibles pour échapper à la nôtre. Nous ne voulions rien savoir de son histoire : c'était une tare. Soupçonnée ou avérée. Parce que cette tare se respirait : elle était dense comme la fumée et comme la fumée elle teintait l'air que nous respirions. Le monde commençait avec nous, mais pas sans modèle. La ville sous la pluie, et une crémerie était un coin de Paris photographié en noir et blanc par la Nouvelle Vague. Une échoppe de barbier ouverte sur le soleil nous transportait à Naples. L'ombre d'une cave à vin, à Marseille. Un atelier d'orfèvrerie, chez les juifs de Vienne ou de Galicie. Un bar du Barrio Chino, à Istanbul. Une voile bleu foncé et une barque au soleil, sur des planches, à une cale sèche du Caire. Je me rappelle que j'écoutais beaucoup la radio : uniquement des stations d'Afrique du Nord, les chants arabes et les matins bleus, et quand je fumais un caillou de hasch émietté dans du tabac - le parfum de la terre humide sur mes doigts -, la ville était Tanger et j'étais, du moins le croyais-je, qui je voulais être. Je m'étais échappé - et je m'échapperais encore d'avantage -, comme dans ce vers de Pavese qu'emploierait le poète barcelonais Josep Elias pour un livre de vers alors mémorables : traversare une strada per spappare di casa, traverser une rue pour s'échapper de chez soi."
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Mes grands-parents disaient que seuls les gens qui avaient quelque chose à cacher habitaient extra-muros.
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Quand, vous sortirez d'ici, on vous parlera de Hegel, un casse-pieds, ce Hegel, de la camelote fumeuse et de mauvais goût.Rappelez-vous que c'est à partir de Hegel qu'on prétend nier l'existence de Dieu. Eh bien, vous savez ce que j'en fais, moi de toute cette camelote hégélienne? Je fais un tas de ses bouquins, j'allume une allumette et j'y mets le feu...Et alors, il en reste quoi de Hégel? Il en reste rien:rien que des cendres, et les cendres sont incapables de prouver l'existence ou la non-existence de quoi que ce soit.
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J'ai toujours aimé les femmes élégantes,au long cou et aux mouvements lents et précis,comme ceux d'un animal aux aguets.Ces femmes qui,au début,passent inaperçues en raison,précisément,de l'harmonie et de la discrétion de leurs postures et de leurs gestes,mais qui ensuite,peu à peu, s'approprient l'espace qu'elles occuppent, avec une sérénité particulière,qui embellit tous leurs traits,même si ces traits ne répondent pas aux canons classiques-ou à la mode-de la beauté.
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