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Critiques de José Carlos Llop (39)
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Rois d'Alexandrie

“Ce livre traite d'un voyage dans le temps. Un temps qui fut tous les temps pour disparaître ensuite dans le temps. Ce livre traite donc de nous, et je dois raconter qui nous étions. Ou plutôt qui nous avons cessé d'être pour disparaître dans le temps que nous fûmes et que nous recherchons maintenant parmi nos objets.....",

Une jeunesse entre Palma et Barcelone, dans une Espagne encore sous le joug de Franco, dans les années 70.....bien qu'il disparaîtra bientôt.

La bande son de Creedence Clearwater Revival, Eric Clapton, Lou Reed, Johnny Cash, Bob Dylan, Joan Baez, Leonard Cohen....et toute une multitude de musique de l'époque, omniprésente, accompagne ce long poème en prose, ode à la Vie, à l'insouciance d'une jeunesse qui vécu au jour le jour, suivant son instinct, au temps d'un bonheur entraperçu, dont on rêvera encore, mais qu'on n'entreverra plus jamais.

Une nostalgie tenace pour ce temps révolu, qui donne sa profondeur aux souvenirs que Llop nous fait revivre à travers,

Des vers d'Ezra Pound ("J'ajuste ces mots pour quatre personnes, / Quelques autres les entendront peut-être, / Ô monde, je suis navré pour toi : / Tu ne connais pas ces quatre personnes."),



Des paroles de chanson (« Close your eyes, close the door, / you don't have to worry anymore, / I'll be… your baby tonight. »), NorahJones/Bob Dylan,



Des scènes d'amours éphémères ("Pendant ces jours de vacances, je l'ai tenue entre mes bras. Elle avait une peau brune et soyeuse et des lèvres fruitées et un rire épanoui et une curiosité infinie pour un monde, le mien, qui n'était pas le sien"),



De nombreuses références littéraires précieuses (Les Pierres de Venise de Ruskin ou les Poèmes et antipoèmes de Nicanor Parra, Ferrater , Francesc Parcerisas....),



Et des références politiques sur l'Espagne franquiste et ses démons,



Bref, la caverne d'Ali Baba de Llop est à consommer sans modération !



C'est son troisième livre que je viens de lire. Un livre court, très bien écrit, et si vous avez plus de cinquante ans, vous vous y retrouverez 😊, avec nostalgie et plaisir.



"Je me suis souvenu, ces années-là, du poème de Cavafy et des éphémères rois d'Alexandrie que nous avions été, en d'autres jours, qui avaient été lumineux et le ciel d'un bleu éclatant.......soudain, l'argent devint cool, la mesure de toute chose, le mètre de platine iridié. L'art, une pièce de vêtement, et les mots une autre forme du mensonge......".



"Il tempo cambia molte cose nella vita

Il senso le amicizie le opinioni ...."

Franco Battiato

( le temps change beaucoup de choses dans la vie

le sens les amitiés les opinions...)

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Solstice

Une Simca couleur cerise, début août. Comme chaque été. Comme chaque année. Elle est le signe d'un mois de vacances sous le soleil de Majorque. Le petit José se souvient, devenu écrivain. Il prend sa plume, face à la mer, cette Méditerranée d'un bleu azur, souvenirs d'enfance des années soixante. Et avec cette quête d'enfance et d'antan, ressort toujours un brin de nostalgie conjuguée à de la mélancolie.



De Majorque, il y a cette caserne, son père lieutenant, et cette distinction de deux mondes. Le sien, zone militaire interdite au public, et celui extérieur, avec ses civils. Il y a ce soleil brûlant qui impose les siestes avant d'aller se baigner dans le bleu profond. Il y a cette sécheresse autour de lui, un sol brûlé qui fait penser au début du Maroc. Il y a ces cactus, ces herbacées, ces fleurs, ces plantes et le bruit des cigales. Les souvenirs deviennent un moment de nature-writing, à l'image des écrivains américains. A cette évocation, il y a aussi cette plume solaire pour ce « solstice » d'été.



De Majorque, avec ce soleil qui me cogne sur la cabeza, je décapsule una San Miguel. Olé ! La bière est fraîche et la poésie de José Carlos Llop se fait lumineuse. Proche de la nature, les parfums du soleil s'évaporent des pages, odeur de paella et de moules fraîches. Je plonge dans l'eau chaude et légèrement salée. Une autre époque y est décrite, les touristes en bikinis colorés ou en strings unis n’avaient pas encore envahis les plages, les discothèques ne déversaient pas encore le bruit de leur musique devant chaque plage, les bars où les serveuses ne servaient pas encore en mini-short jouaient la carte de l’intimité solaire permettant une fusion avec sa propre choppe de cerveza.



Tous ces étés n'en font qu'un, un seul unique, un moment présent, une vie de l'instant. Le passé n'existe plus, le futur n'est pas encore présent. Juste cette envie de profiter de ces jours d'août, de ce soleil profond, de cette mer azure. Et de ces étés, naquit probablement un écrivain, José Carlos Llop.
Lien : https://memoiresdebison.blog..
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Solstice

"Le paradis est toujours une métaphore du bonheur et Proust disait que tous les paradis sont des paradis perdus. Comme l’est l’enfance", dit José Carlos Llop qui nous raconte dans ce court roman, le paradis des étés de son enfance, Majorque.



Fils d'un militaire , il y passe l'été avec ses parents et ses frères, à Betlem, au sud de l'île,dans une zone militaire interdit au public. Un endroit désert, au climat âpre, où hormis la famille, quelques soldats, un mulet fou, des rats, des lézards et des grillons, il n'y pas âme qui vive.



Un roman solaire poétique, riche en sensations qui relate la découverte de la vie et du monde à travers le regard d'un enfant,

regard sensuel d'un écrivain en herbe sur la nature, la mer, la maison -la Batterie-,et le paysage sec et biblique qu'il appelle " un fragment d'Afrique au milieu de la Méditerranée",

regard émerveillé sur les parents , le père, un homme détenteur d’un bonheur serein / la mère qui "irradie une force de même nature que la force aimantée du centre de la terre......".

Et regard imaginatif, truffé de références mythologiques et littéraires, de l'adulte qui se souvient de ce paradis perdu le temps de l'été, "époque de consolidation et de jouissance de la vie qui a éclaté au printemps", où l'on prend conscience de l'essentiel, ("Le temps de Betlem fut le temps de la vérité. Le temps où il n’y avait pas de faux pas et où tout était vérité, où tout était essentiel. Je veux dire que l’envers de la vérité –s’il y en avait un –n’était pas le mensonge mais le silence").



À la recherche de la pièce manquante du grand puzzle de La Vie, Llop nous emmène loin, à une époque révolue, celle d'une enfance à jamais disparue, la sienne....et la nôtre.



Très beau texte foisonnant de couleurs,d'odeurs et de sensations, et de très belles réflexions sur la vie et la mort.



"Quand le paradis disparaît, souvent la littérature apparaît ".



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Parle-moi du troisième homme

1949, dans une garnison espagnole dans les Pyrénées. Un garçon, fils d'un officier, en train de devenir un adolescent, vit des moments essentiels de sa maturation.



Comme beaucoup d'autres, j'ai été terriblement séduite par le style, l'écriture de José Carlos Llop, faite de petites touches, d'élégantes volutes, de subtiles juxtapositions. Il est l'outil idéal pour évoquer des images, des sensations, troubles ou délicieuses, faire naître la douce nostalgie du souvenir. L'auteur réussi à rendre le vécu du jeune garçon, ses ressentis et émotions, ses questionnements d'une façon quasi parfaite. Il dépeint aussi à merveille l'atmosphère de la garnison, avec sa routine un peu ennuyeuse, cette société fermée sur elle-même ou tout le monde se connaît et s'observe, de même que la maison familiale de la mère du héros, tellement bien qu'après quelques pages nous avons la sensation que nous connaissons ces gens depuis toujours.



J'ai été toutefois un peu frustrée à la fin du roman, je trouvais que l'auteur a esquissé beaucoup de thèmes, de pistes, que nous ne faisons qu'entrevoir, sans savoir exactement ce qui s'est passé réellement. Je ne sais pas si le choix de parler par la bouche d'un jeune garçon, qui ne comprend pas toute la situation, qui n 'a qu'un esprit critique réduit de la situation, n'apporte pas en fin de compte une limitation à la portée du livre. Nous sommes quand même en Espagne en 1949, Franco est dans la plénitude de son pouvoir, les officiers que nous voyons si sympathiques et bonhommes, sont tout de même ceux qui ont participé à la guerre civile espagnole et ses horreurs, et cette image si sereine, policée, esthétisante de cette société, a quand même à partir d'un moment provoqué chez moi un certain malaise.
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Le rapport Stein

Le quatrième de couverture indique que ce livre pourrait faire penser au Grand Meaulnes d'Alain-Fournier, aux Désarrois de l'élève Törless de Musil, comme c'est étrange, j'ai trouvé, pour ma part, que les premières pages me replongeaient dans l'atmosphère du début de Demian, d'Herman Hesse, avec l'arrivée dans un collège d'un élève à part, exentrique et original qui va interpeller le protagoniste de l'histoire, qui ne se sent pas tout à fait comme les autres.



Mais au lieu de lui apprendre à vivre, le protagoniste de cette histoire, va plutôt découvrir les secrets de sa propre vie, pourquoi il est le seul à vivre avec ses grands-parents, ses père et mère vivant à l'étranger.



J'ai aimé la répétition de phrases qui donne un rythme au début de l'histoire, répétitions qui s'estompent au fur et à mesure que le lecteur avance dans la trame du livre. Cela confère indéniablement un style à l'écriture de cet auteur des îles Baléares.
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Solstice

Parce qu’on ne peut faire que trois choses avec le paradis : l’aimer, le perdre et s’en souvenir.”



José-Carlos Llop est passé par ces trois étapes dans son paradis des Baléares. Au départ de Palma de Majorque, la famille partait le premier août dans la Simca couleur cerise et ne rentrait que le 31. La destination ? Un lieu de villégiature pour militaires, son père étant lieutenant-colonel.

Là, au milieu des oliviers sauvages, des pins maritimes et des murs blanchis à la chaux, l’enfant qu’il était se souvient. Il ne se passe pas grand chose dans ce court roman car comme il le dit, tous les étés se ressemblaient mais il parvient à capter une atmosphère empreinte de nostalgie dans une écriture poétique et sensuelle.

Le goût des pastèques et des melons donnés par quelques voisins, la senteur du romarin, le chant des cigales nous transportent dans son petit paradis, dans ce petit bout d’Afrique au milieu de la Méditerranée.



Challenge Multi-Défis 2023

Challenge Riquiqui 2023.

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Parle-moi du troisième homme

Dans l'Espagne franquiste,l'époque et les adultes vus des yeux d'un petit garçon .Superbe!
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Solstice

José Carlos Llop je l'ai découvert parce que le philosophe Jean-Louis Bailly m'en avait parlé alors qu'il me rendait visite à la libraire. J'avais donc fait l'acquisition de la Cité engloutie et j'avais ainsi découvert Palma de Majorque par le biais de l'autobiographie discrète de Llop - un enfant de l'île. Mais ce livre était bien plus que cela. En effet, à la façon d'un Sebald ou d'un Benjamin et dans une forme de documentaire littéraire, Llop mêlait les faits historiques concernant Majorque avec des éléments liés au passage sur l'Île de nombreuses personnalités artistiques : Joan Miro, Jean Seberg, Ava Gardner, Ornella Mutti, Errol Flynn… et des écrivains, beaucoup, comme George Sand, Camus, Borges, Giono, Yeats, Cocteau, Gertrude Stein, D.H. Lawrence, Ernst Jünger, Anaïs Nin etc. Le livre laissait ainsi transparaître que l'île devait beaucoup à la littérature et c'est bien ce sentiment que l'on retrouve intact dans ce court texte mémoriel intitulé Solstice, et qui est en quelque sorte un prolongement de La Cité engloutie. José Carlos Llop plonge à nouveau dans ses souvenirs d'enfance et nous fait partager son "paradis" : ce lieu de vacance bien particulier puisqu'il passait quand même ses étés sur un bord de plage idyllique où, paradoxalement, ne résidaient que des militaires (nous sommes encore dans l'Espagne de Franco). L'auteur détaille les paysages, sa famille (son père, militaire gradé ; sa mère, distante du monde mais si proche de ses enfants) ; il décrit l'atmosphère étrange de cet endroit dont il dit que "la beauté avait échoué sur l'île en fuyant un maléfice capricieux auquel elle ne put échapper complètement et qu'elle nous laissa en héritage" ; il parle aussi de l'intrusion de la littérature, de la musique, lors de visite d'amis de ses parents, et il l'indique bien dès les premières lignes de son récit : "En fin de compte, quand le paradis disparaît, c'est toujours la littérature qui apparaît." Vous l'aurez compris, ce livre est aussi le prétexte à penser l'écriture, le souvenir et le temps, et donc la littérature. José Carlos Llop est un écrivain majorquin, outre cette éventuel exotisme, c'est surtout un écrivain qu'il serait bon de lire pour la qualité et l'originalité de ses écrits parce que ses deux derniers livres sont véritablement magnifiques.
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Solstice

Récit lumineux d'un insulaire paradis enfantin, accumulation lumineuse de sensations, odeurs et autres différenciations sémantiques, la prose précise de José Carlos Llop recrée les enchantements de ses étés à Majorque. Dans ce court livre délicat, l'écrivain offre une réflexion précieuse sur le temps et l'immuable calme de ses retours.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Solstice

Solstice de José Carlos Llop est un roman traduit de l'espagnol dont l'action se passe sur l'Ile de Majorque. Le titre Solstice n'a rien à voir avec la Saint-Jean, le jour le plus long de l'année, non c'est une sorte de métaphore pour nous dire que la période décrite correspond au point dominant de bonheur de l'auteur, période qu'il qualifie de paradis. En fait, il faut bien classer les œuvres, l'éditeur l'a qualifiée de roman mais en réalité, il n'y a pas de fiction, l'auteur nous raconte puis s'analyse et rapporte le sens d'une période de son enfance. Ce n'est pas non plus une biographie, l'auteur ne nous raconte pas sa vie, seulement le sens de vacances vécues entre l'âge de 5 et 12 ans. C'est pourquoi, il s'agit plus d'un essai une sorte de réflexion philosophique d'un intellectuel adulte sur le bonheur de ces étés de l'enfance. Pourquoi cette période représente-t-elle le Solstice de l'existence de l'auteur ? Il nous le dit avec art mais je retiens un passage qui me semble clé au regard de la compréhension : "Tous les étés étaient le même été. Toutes les mers étaient la même mer. Notre vie était identique chaque mois d'août. Et c'était justement ce qu'on recherchait dans ma famille. Ou du moins ce que recherchait mon père. Grâce à lui, j'ai découvert l'unité du temps, ou plutôt j'ai ébauché ma première conception de cette unité : en été il n'y avait pas de passé, ni de futur ; seulement le présent, et ce présent se projetait sur le reste de la vie comme un royaume ancien se projette sur les civilisations qui lui succèdent. Un présent solaire, méditerranéen, classique." Voilà je ne veux pas en dire plus, il ne faut que donner l'envie de le lire, c'est très beau, puissant et certainement un enseignement qui reste vrai en vue du bonheur des enfants de tous les temps, un bonheur qui laisse la marque d'un solstice dans une vie.
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Le rapport Stein

Majorque à la fin des années soixante. Le héros est dans un collège de jésuites où la vie est scandée par les cours et les offices. Il vit avec ses grands-parents, ses parents étant à l'étranger pour "affaires". C'est un adolescent rêveur et sensible très attaché à son environnement et à ses amis. Quand soudain arrive au collègue un nouveau, Stein, dont la désinvolture et la liberté d'allure étonnent et provoquent l'admiration. Son attitude, sa maison splendide, sa soeur (aussi splendide), tout provoque un choc chez le héros et ses amis. Mais d'où vient-il ? L'un d'entre eux entreprend de faire des recherches sur lui et sa famille, d'où le "rapport Stein" qui replongera dans le passé espagnol proche et encore très douloureux.





Ecrit à la première personne, ce récit est un très beau "roman d'apprentissage" où le héros passe de l'adolescence à l'âge adulte en quelques mois. L'écriture épouse bien les états d'âme d'un adolescent et les questions à propos de Stein donnent envie de ne pas lâcher le récit.
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Le rapport Stein

Ayant chroniqué dernièrement La ville d'ambre et apprécié José Carlos Llop, auteur espagnol (qui a reçu le Prix des meilleures nouvelles en 1999), j'ai eu envie de découvrir Le rapport Stein, un roman dont le personnage "de roman" évoque Le Grand Meaulnes, nouveau dans un collège de Jésuites, qui se démarque par son originalité.

"Un type bizarre", "blond aux yeux bleus avec des taches cuivrées",sans blouse, qui débarque tout de go sur une bicyclette noire et déclare, sans ciller, aux élèves sidérés :"Mon père a connu le comte Ciano et moi je suis un agent secret de sa Sainteté" ne peut qu'inciter les envieux et les curieux à farfouiller dans sa vie pour trouver des traces d'une plausible mythomanie, d'où le rapport sur Guillermo Stein.

Pablo Ridorsa, le jeune narrateur, dont les parents-cartes postales brillent par leur absence, se prend d'amitié pour cet adolescent hors normes dans sa "maison de lumière" et fantasme sur sa soeur Paula qui "a les plus jolies fesses qu'il a vues de toute sa vie".

Le rapport Stein est un roman sur l'adolescence,l'amitié,le premier amour, les rapports dans un groupe d'élèves comportant toujours un niais, un leader et une dynamique parfois explosive, la différence et le rejet.

Parsemé de citations cocasses de profs à élèves, Le rapport Stein qui brosse des portraits hauts en couleurs, est très agréable à lire.
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Le rapport Stein

L’histoire se passe vers la fin des années 60 à Majorque, île Catalane aux nombreux charmes, la plus grande des îles Baléares. J’ai immédiatement été plongée par ce récit que j’ai lu tout d’un trait. C’est un immense crescendo qui nous amène peu à peu à connaître ce personnage énigmatique, Guillaume Stein, dont la personnalité contraste avec tous les autres jeunes hommes du collège jésuite dans lequel il arrive au beau milieu de l’année scolaire. Il se prend d’amitié pour Pablo Ridorsa, le protagoniste, qui vit avec ses grands-parents et où plane le mystère de l’absence de ses parents. Peu de mots, peu de descriptions, un flou demeure sur tous les personnages dont le récit tient en haleine le lecteur.

J’ai été surprise et même un peu agacée par les nombreuses répétitions en début d’histoire. Redire les mêmes mots, les mêmes phrases, un procédé d’écriture qui m’a paru étrange. Mais au fil des pages, cette écriture s’est estompée au profit d’une accélération dans le mouvement. L’auteur nous a fait entrer dans une escalade d’informations sur ce personnage, Guillaume Stein, comme si justement il nous faisait un rapport détaillé: « le rapport Stein », titre pertinent. Ça m’a fait penser à des œuvres musicales où le premier mouvement d’une sonate, l’andante, installe un thème comme un leitmotiv pour nous plonger dans une ambiance enveloppante, suivi d’un mouvement vif, l’allegro, où l’action prend de l’ampleur, de la force.

Un auteur intéressant que j’aimerais davantage découvrir.

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La ville d’ambre

Traduit de l'espagnol par Edmond Raillard



Ce roman étrange baigne du début à la fin dans une atmosphère pesante qui envahit l'esprit comme un suave parfum, ambré et tenace. L'on s'y maintient tout près et avec constance, malgré le relent fétide des désillusions, les rancœurs d'une "génération massacrée", car José Cartlos Llop l'imprègne d'une musicalité espagnole où l'on se plaît.



"Cette guerre n'avait pas été la nôtre [...]. Je l'ai déjà dit : on hérite aussi des morts". Le narrateur revient dans son île natale où il fut élevé par un oncle décédé, Nicolas Bemberg, qui en a fait son héritier. Le revoici dans cette ville (Palma, qui n'est jamais nommée), cette maison de souvenirs, où il vécut entre l'oncle que ternissait une réputation douteuse (la division Azul pendant la guerre) et la bonne, Emilia, qui marqua le garçon d'une présence affectueuse et d'une sensualité généreuse. Rien des rémanences – «l'ambre porte en lui la mémoire», dit-on – n'est expliqué très ouvertement, ce qui accroît l'ambiance troublante, comme s'il y pesait encore une menace latente : l'histoire espagnole affleure à la surface du marais comme une couleuvre d'eau.



Le poids du passé est un thème cher à Llop. Il le développe subtilement en plusieurs mouvements et particulièrement dans le personnage de l'Écrivain, le vieux voisin de l'oncle, qui a perdu la tête depuis la mort de sa femme. Je proposerai en complément de ces notes un extrait qui raconte le refus de l'Écrivain de voir la ville changer et oublier.

"Une manière d'éviter de perdre complètement est d'écrire", dit José Llop. Et il ajoute dans le même entretien à Libération : "L’autre sujet de mes romans, c’est l’inquiétude devant l’état d’amnésie générale de notre société. L’absence de mémoire fait de nous une société stupide. Et la stupidité mène au chaos." La responsabilité de tous qui se greffe sur un autre sujet récurrent chez Llop, la perte de l'innocence.



S'il se tient au fil conducteur de l'homme revenu sur l'île régler des histoires d'héritage, le roman ne semble pas bâti sur une structure préalable, élaborée et équilibrée, mais répond à des impulsions obsessionnelles de l'écrivain, tantôt prolixe, tantôt elliptique, comme porté par une lame de fond vigoureuse et désordonnée, entre passé et présent. Les instabilités de la narration qui en découlent ne nuisent pas a l'œuvre, mais lui procurent une spontanéité singulière où l'atmosphère prévaut.



Une lecture réussie vaut que je la prolonge : n'ayant pu trouver en bibliothèque "Le rapport Stein", je me tourne vers "Solstice" – il m'attend sur l'étagère – laissant provisoirement de côté le plus volumineux "La cité engloutie" (regard plus concret sur Palma de Majorque, où vit aujourd'hui Llop).

J'espère donc retrouver bientôt l'univers métaphorique dont m'a enveloppé "La ville d'ambre".


Lien : http://christianwery.blogspo..
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Orient

Un roman qui a pour sujet la passion amoureuse et qui explore des histoires d'amour réelles – telles celle d'Ernst Jünger avec Sophie Ravoux, les liaisons de Graham Greene, Ian Flemming ou encore Dionisio Ridruejo – dont la connaissance permet d'approcher celles dont on ne sait rien. Ainsi les amours adultérins des parents du narrateur dont le père disait "Notre famille est une famille dédiée à l'amour, c'est-à-dire au désordre." Et puis Miriam, une élève de son cours à l’université.



Un livre confus, pas facile à suivre, avec des passages remarquables et intenses, notamment ceux qui s'attachent au langage dans la passion : " dans l'érotisme, l'image – beauté qui suscite le désir et désir qui crée de la beauté – ne suffit pas à elle seule et lasse ; d'où l'irruption du langage" ou encore à une particularité des littéraires : "Les écrivains ont la littérature ; leurs maîtresses ne le comprennent pas toujours, bien que ce soit elle, la littérature, qui les ait rapprochés et ensuite emportés et qu'elle ait été la clef de leur compréhension de l'amour".



Le titre du livre, "Orient", est une métaphore évoquée dans un beau passage sur la passion, quand elle attrape à un âge où le temps n'est plus infini. [p 212]



Étrange : le livre est composé de 7 parties et je ne trouve pas trace de la III, je ne vois aucune note à ce sujet. Voilà un texte de lettré, brillant et varié, qui fait un peu bazar – le terme m'est soufflé par "En attendant Nadeau" et je le garde – mais auquel on reste attaché pour son attrait littéraire permanent.
Lien : https://christianwery.blogsp..
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Le rapport Stein

Petite ville de l’île de Majorque, encore marquée par de sombres événements. Notre jeune narrateur, Pablo Ridorsa, vit chez ses grands-parents et fréquente l’austère collège tenu par des pères Jésuites.

Ses parents, absents, vivent et voyagent à l’étranger. Il ne sait pas pourquoi et on ne lui dit rien. Des mots toujours retenus et ce lourd silence.

Pablo reçoit de temps en temps une carte postale.



Un jour, le nouvel élève, Guillermo Stein, est arrivé au collège, « blond aux yeux bleus avec des taches cuivrées », un peu différent, moins austère, moins gris et plus ouvert. Et qui deviendra l’ami de Pablo Ridorsa. Chez les Stein la vie est plus aisée, l’environnement familial est plus agréable, une maison cossue en périphérie avec un beau jardin, un monde qui n’a pas l’air étriqué comme celui de Pablo. A priori.



« Stein ». Un nom qui met mal à l’aise sa grand-mère et son grand-père. Un mot qui finit par l’égarer lui-même. On ne lui dit pas qu’il ne doit pas fréquenter Stein.



Très belle lecture. J'avais découvert Llop avec 'Le Messager d'Alger' et je ne suis vraiment pas déçue, bien au contraire !

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Rois d'Alexandrie

"Ce livre traite d'un voyage dans le temps. Un temps qui fut tous les temps pour disparaître ensuite dans le temps." Ainsi commence cette flânerie benjamienne à Majorque et Barcelone, à partir de 1975, lorsque la liberté est encore entravée par l'ombre menaçante du franquisme et que le seul moyen de s'échapper est en terre d'utopie : la musique et la poésie. Un beau roman, une langue magnifique, évocatrice ; idéal pour les amoureux des Doors, de Modiano, de Pound, du Velvet et de Nico...
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Solstice

J'ai eu la chance de lire ce livre en espagnol.

On se dit qu'au début ce ne sera pas facile: un fils de militaire qui passe ses vacances dans un vieux fort militaire avec un papa militaire.

Et pourtant on est ravi par l'écriture, par la lumière, les senteurs…

On sent battre la méditerranée. José Carlos LLop écrit en castillan (un défi aujourd'hui dans le monde catalan) et sa langue nous renvoie à Camus : une petite merveille.
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Solstice

JC Llop est un auteur délicat et avec beaucoup de délicatesse et d’élégance il nous entraîne dans ses souvenirs d’enfance. Ce texte nous parle de ses vacances d’été lorsqu’il était enfant et qu’au mois d’août toute la famille partait à Betlem, une zone militaire au sud de l’ile de Majorque. Le père du narrateur est militaire et sa famille est cantonnée dans une caserne, mais c’est aussi un lieu de découverte de la nature, des sorties à la plage, la visite des environs. L’auteur nous entraîne dans les souvenirs de l’enfance, et c’est aussi un beau portrait de son père et sa mère. Il nous parle aussi de lui et de la période avant l’écriture, la période de l’enfance où il découvre le monde environnant, le monde naturel (de belles pages sur le paysage) et les êtres qui l’entourent : les membres de la famille, les amis…
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Le rapport Stein

Un nouvel élève arrive au collège en milieu d’année. Son allure, façon de s’habiller ne ressemble pas à celle des autres. Il semble plus libre, plus dégagé de l’endoctrinement ambiant que ses camarades, qu’il fascine, tout en provoquant un rejet, parce qu’il remet en cause les valeurs qui semblent communément acceptées. Le narrateur en particulier est attiré, par ce jeune homme atypique. Il découvrira grâce à cette arrivée des éléments concernant son histoire familiale qu’il ignorait jusque là.



Une jolie écriture, une façon de créer une ambiance, tout en maintenant la plus grande partie des faits dans le flou. Je trouve que cette façon de faire convient bien au format de la longue nouvelle (100 toutes petites pages) de ce récit. J’ai été plus convaincu que par Parle moi du troisième homme, du même auteur. Un texte subtil et prenant, une ambiance, un climat étouffant bien rendu. Pas de véritable progression du récit, mais j’ai la sensation que ce n’est pas le point fort de l’auteur. Mais peut être Le messager d’Alger va me faire changer d’avis.

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