L’île
TANDIS QU’UN NOM DANS MA TÊTE CHANTONNE…
Tandis qu’un nom
dans ma tête chantonne
et que glisse
la poussière
écume grise
penchée dans l’ombre
je compte et recompte
une à une les amandes
j’aligne mes pommes
sur les dalles de pierre
coiffe et recoiffe les heures
et je tresse l’éphémère
Sous l’avant-toit
la lumière
pendue
comme un piment
L'île
Pain sec
ballotté
par les vagues
rongé
de part en part
l'île
Cuite et recuite
poreuse
sa lignite a noirci
les gencives roses
de la mer
p.51
Infaillible
le torrent monte
déchire l'épais brouillard
traverse tout l'espace
tendu
vers la lumière
perdue
Il suffit juste de tendre l’oreille
Il suffit juste
de tendre l’oreille
de capter sous la lave des rêves
quelques syllabes
dans l’ouïe
leurs notes légères
comme pluie
Faut-il tenir l'espoir par l'anse pour ne pas le briser ?
Aussi mince qu’un mouchoir…
Aussi mince qu’un mouchoir
ma page, je la frotte et la nettoie,
jusqu’à l’obscurité qui la détruit,
plus forte que les mots
tandis qu’elle, tôt levée,
tel un clou qui s’enfonce,
brave le froid, avance,
toutes ses pensées accumulées
en un point silencieux
un seul point qui fait mal
(...)
Petite, elle se sauvait pour échapper…
Petite, elle se sauvait pour échapper
aux ombres — reflets trompeurs,
vieilles faces édentées — rejoignant
d'un seul battement de cils
le soleil des rues vides
aujourd'hui, dans le doute,
elle vérifie, redresse les pieux
des clôtures qui penchent, entourant
d'une enceinte fictive quelques fruits
à venir, encore noués dans sa pensée
Plutôt prévenir, qu'abandonner les choses
au pire. Sinon qui l'aiderait, elle,
à rassembler les planches, éparpillées
par les rafales, d'une si vétuste
embarcation ?
LES PYLONES
Extrait 1
Jusqu’à l’aube, jusqu’à la pointe laiteuse
du jour, jusqu’au bord de nos lèvres,
tout un pays s’approche derrière la nuit
et vient d’une langue avide
lécher nos mains, redonner vie
aux ombres mortes
[…]
C’est l’heure où
les jardins encore humides
sous les arbres en fleurs
déplient leurs couvertures
comme une terre promise
avant que monte avec le jour
l’amertume poussiéreuse
des fenouils
Tombeau
Extrait 2
MÊME PAR POIGNÉES LES ALLUMETTES…
Loin des nuits explosives
et sous les pierres,
loin, très loin de leur empilement,
sous les pieds nus et sous les bruits,
à l’écart de toute lumière,
dans un lieu qu’aucune étoile
ne peut rejoindre ni troubler,
tu dors, recouvert de plumes,
de pellicules d’ombre, de couches
et de couches d’ombre, édredon
de pétales noirs
laisse-le partir
Le silence …
Le silence pour elle
ne connaît plus d’obstacles,
elle le regarde monter
sans impatience,
comme une urgence sans fin