LE MAGNIFIQUE FILM TEASER BANDE ANNONCE
Le S.R. et ses annexes avaient remplacé les Allemands dans ce grand hôtel de la rue de Rivoli. Le décor un peu désuet n'avait pas d'époque. Le service de renseignements que dirigeait le commandant Adrien Rove occupait une partie du quatrième étage. Comme il y avait de quoi coucher sur place, les agents du service travaillaient parfois vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
L'épuration du territoire n'allait pas sans heurts avec la haute politique qui les stoppait ça et là dans leurs ardeurs. Ainsi le dossier de la Gestapo ne se compléta jamais, ne se fermant jamais non plus. Certains actes, certains noms, eussent fait reculer les âmes les plus solides. Qui a dénoncé Jean Moulin?...
Dans la cour de l'école un groupe de jeunes vengeurs, mitraillette Sten en bandoulière, réchauffaient leurs couilles molles autour d'un brasero. Les vrais étaient morts et les survivants valables se battaient dans les Ardennes.
Lino Ventura est brutalement resté vers l'enfance des enfances. On l'a prié de rappeler une clinique. J'attends son retour. C'est juste avant le tournage de l'après-midi. Il apparaît derrière une double porte vitrée, Il oscille légèrement d'une jambe sur l'autre comme un boxeur KO debout. Un satané uppercut que la mort de sa mère. Je suis là, près de la voiture. Son ami.
Il est contre moi pour répéter sans cesse : »Elle est morte... Elle est morte... » Il avait déjà cette mort dans ses jambes de l'autre côté des vitres.
Je n'ai pas cherché mes mots. Ils sont venus simplement comme s'ils répondaient à une question informulée... Tu as été un bon fils, Lino... Un bon fils.
Dans les bras l'un de l'autre, des secondes à la fois brèves et éternelles, il se revoyait sans doute enfant pauvre émigré, avec sa mère, son îlot dans leur naufrage, son rempart contre un peuple pas tellement gentil envers les Ritals.
Mais vous feriez mieux d'écrire me dit-il.
-Ecrire ?... Pourquoi ?...
-Vous cherchez du piment contre la fadeur de votre vie... Revivez vos aventures en les écrivant... Je ne vous parle pa de jouer à l'écrivain...Ecrivez comme une longue lettre, sans chercher à pondre de grandes phrases... Ecrivez comme vous m'écrivez... Comme le journal tenu pendant votre séjour dans le couloir de la mort. »
Il me rassure. Pas question d'écrire un livre destiné aux vitrines des librairies. Je n'ai qu'un certificat d'études primaires et je crois encore qu'une licence de philo ou de lettres est nécessaire pour prétendre intéresser un éditeur.
Nous absorbons tous les milieux, nous avons besoin des nonnes et des putes, des pères tranquilles et des samouraïs, des bons artistes et des bons faussaires, des directeurs de banque et des perceurs de coffre.
Je relis le testament de mon père : « quoi qu'un enfant fasse contre la société, quoi qu'il fasse contre toi, tu n'abandonneras jamais ton enfant, Il est ta chair, il est ton sang, »
- Les écrits restent restent M.Cazeneuve
- et les fonctionnaires passent...
("film deux hommes dans la ville" _ réponse de Gabin au juge lorsque ce dernier s'engage par écrit a affirmer que Gino, joué par Delon, ne récidivera pas)
Tout me renvoie à la prison. Quand on négociait l'échange de nos livres à la criée, d'une fenêtre à l'autre, avant la promenade, ça donnait :
« Ici la 32... j'ai un 410 pages... », « ici la 24...j'échange avec 2, un de 200 et un de 205... », »Hé mec ! Tes 410, elles sont complètes ?... Y en a pas qu'ont servi de papier cul ?... »
De la lecture, oui. De la haute littérature ?...
Nous demandions d'abord à un livre de nous aider à vaincre, le plus longtemps possible, nos insomnies sous la lumière électrique blessante du quarter de haute surveillance,
La misère débordait des bâtiments pour ruisseler dans les grandes cours. La guerre n'était pas toujours sur les champs de bataille. La facture était alourdie par les infirmes, la jeunesse déboussolée et surtout la France divisée.
" à force de chercher un coupable on le fabrique " (film "deux hommes dans la ville"-réponse de Gabin au commissaire de police)