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Critiques de José Lezama Lima (16)
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Le jeu des décapitations

Certains livres, malgré toute notre bonne volonté, nous échappent, nous glissent entre les mains, se dérobent à notre entendement, se refusent à notre pénétration.

Trop de « très » et de « trop » nous les rendent hermétiques, abscons, aussi impénétrables qu’une forêt de lianes, aussi nébuleux qu’un grand ciel orageux, aussi obscurs qu’une nuit sans lune.

Allégorique à l’excès, poétisée jusqu’à la sensation d’étouffement, la plume de l’auteur cubain José Lezama Lima (1910-1976) est un entrelacement sans fin d’images et de comparaisons, un réseau sinueux de métaphores parcouru d’un lacis infini de mots noueux et complexes.



« De neuf oiseaux neigeux laissent choir leur bec sur les mandolines qui épellent des élégies cadencées. Lentement, le sommeil s’épaissit dans le souvenir de cette vague ultime qui se figea en un marbre définitif. La vague est ce monstre qui guette la vasque d’albâtre quand deux mains voyageuses décident de débarquer à la même heure »…



Pour Lezama Lima, tout est image, le monde et l’univers aussi bien que les mots.

Son écriture bohême et surprenante s’invente dans un entrecroisement de représentations fantasmagoriques, de tissages d’emblèmes, de symboles, de projections oniriques, de perceptions excentriques et extravagantes des choses qui l’entourent.

Les mots sont des images qui renvoient à d’autres images, et d’autres encore, ces dernières en générant de nouvelles, et ainsi de suite, à l’infini, en un tourbillon fou dont on ressort l’esprit confus, perdu dans la forêt des métaphores, aveuglé par le côté bariolé et sensuel des phrases, par ce feu de couleurs vives chatoyant comme plumes de perroquet mais hélas si souvent égaré, que l’on finit par ne plus savoir de quoi l’on parle et par désespérer de trouver son chemin dans cette jungle aussi féconde que fourrageuse.



« Le martin-pêcheur s’obstinait à passer son corps à travers un anneau martelé d’argent. Le faucon, noble maître de sa propre chute, ouvrait la circularité, jusqu’à la changer et cours et recours, la métamorphosant en esprit des steppes. L’autre faucon, petit et mordoré, grattait avec fureur un doigt à la rotation incessante. »



Il est toujours frustrant de rester sur le seuil d’un monde littéraire, de se trouver dépossédé des clés qui nous en permettraient l’accès. Le fait est là, l’œuvre de ce grand écrivain cubain que l’on a qualifié tour à tour de « Proust des Caraïbes », de « Góngora des Tropiques » ou de « Joyce cubain », est restée inaccessible à nos tentatives et nos assauts de lecture. Malgré la beauté enluminée des phrases, la compréhension nous a fait défaut et le surréalisme de la prose par trop déconcerté.



«Les vagues acérées sautaient autour d’un poing que leur prêtait un squelette de fer et d’algue. »

Que peut apporter une œuvre littéraire, si belle soit-elle, si elle n’est pas accompagnée de discernement et d’entendement ?

Entrevoir le chaos volontaire qui règne au cœur de cet entrelacs de sons, d’images, de figures disparates et sibyllines dont l’auteur s’entoure pour bâtir son univers baroque et protéiforme n’est hélas pas suffisant pour apprécier cette œuvre amphigourique quand bien même elle a influencé de grands écrivains de langue espagnole tels Octavio Paz ou Julio Cortazar.



Les cinq nouvelles écrites dans les années 1940 qui composent « Le jeu des décapitations » et brassent les cultures en un savant métissage sino-afro-cubain, ne nous ont malheureusement pas permis d’entrer dans le petit cercle d’initiés capables d’appréhender l’imagination débridée et l’érudition phénoménale de l’auteur. Soit, l’on pourra arguer que l’on n’était pas prêt…il nous faudra cependant laisser s’écouler beaucoup de temps avant qu’on ne se décide à affronter « Paradiso », le roman phare de José Lezama Lima.

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Paradiso

Livre irrésumable, irracontable, un univers à lui tout seul. Nous suivons, plus ou moins comme un fil rouge mais un fil rouge qui se dérobe, et menace de se rompre à chaque instant, même si finalement à la dernière extrémité il n'en est rien, José Cemi, d'abord enfant, puis adolescent, enfin jeune homme. Mais on ne vient pas de nulle part, et José Cemi est pourvu de famille, de plusieurs familles même, il y a un Basque, des Portugais, des arbres généalogiques complexes, et une parentèle nombreuse, excentrique et étrange. Et il y a les parents de José Cemi, sa mère Rialta, et son père ingénieur et colonel mort jeune, dont le souvenir plane sur la famille bien après sa disparition. Et il y a des lieux, comme certains quartiers de la Havane. Et tout cela s'enchevêtre dans un mélange baroque, part dans tous les sens, pour revenir finalement à un endroit que l'on pensait perdu définitivement. C'est pétri de culture, de références, d'idées, mais aussi d'images, de sensations, d'odeurs. Un voyage intellectuel et sensuel, dans lequel le langage est le véhicule enchanté qui amène le lecteur dans des coins et recoins qu'il ne connaîtrait jamais sans cela. Un langage poétique, touffu, d'une richesse et d'un rythme magique, vraiment caractéristique de l'écrivain. Une merveilleuse découverte, dont je me sens incapable de parler comme il le faudrait.



C'est un livre univers dans lequel on se perd, sans se perdre vraiment, il faut abandonner un peu la raison et la stabilité pour se laisser embarquer par l'auteur. Un livre qui ne conviendra pas à tous, trop atypique et dérangeant pour cela, certains le trouveront obscure, voire ésotérique, mais si le lecteur succombe à son charme, il fera une lecture inoubliable.
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Paradiso

Fiction poétique, autobiographique, romanesque, le chef d'oeuvre du maître incontesté de la littérature cubaine, aux accents proustiens, est sans intrigue. C'est un extraordinaire cheminement le long d'un paysage personnel : la vie du héros, José Cemi, double de Lezama Lima. Dédales mythologiques et ruelles intellectuelles nous mènent dans son passé, ses ancêtres, son destin, ses rencontres où tout est reflet de lui-même, avec une obsession lancinante, qui forge sa destinée : la chute du paradis, l'extinction d'un monde. le passé perdu construit un présent perdu qui promettra un avenir tout aussi égaré, présent constellé de tentatives d'appropriation de la flèche du temps et de décryptage des signes envoyés par les événements de l'existence.

D'une densité inouïe, Paradiso de Lezama Lima invite le lecteur à sa propre initiation, au décodage de son propre mystère.
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La Havane

La Havane fut une lecture des plus atypiques et laborieuse pour moi.



Il ne s'agit pas d'un roman, d'un recueil de nouvelles, d'une biographie, d'une non-fiction, non, c'est un recueil de chroniques parues dans un quotidien Cubain entre décembre 1949 et mars 1950.



Pas évident de résumé ce livre, de par la diversité des thèmes abordés. Pour une fois, je peux dire que le résumé se suffit à lui-même et je vous invite à le lire si vous voulez vous faire une idée précise.



L'auteur va ici au fil des jours faire une chronique, d'environ 1 page et demi, sur un thème en relation à l'actualité, du sport, une fête, une exposition, l'anniversaire d'une date importante pour les Cubains.



Évidemment, je savais ce que j'allais lire, et vous vous demandez pourquoi j'ai choisi cette lecture. Parce que l'auteur est vendu comme le Proust Cubain, puis aussi que j'aime bien la littérature sud-américaine toujours très colorée et presque lyrique (enfin des auteurs que j'ai lus).

Les traducteurs expliquent en préambule leur travail pour arriver à traduire et à réunir les articles de Monsieur Lima, et ce ne fut pas simple, du fait que cette plume part loin des fois très loin dans des formulations de phrase presque incompréhensible. de plus, l'auteur aime inventer des mots pour traduire son ressenti, ce qui rend parfois la lecture d'une phrase ardue demandant une ou deux relectures pour parfaitement comprendre le ton souhaité par l'auteur.



J'ai aimé découvrir la Havane et Cuba des années 50 en général, à travers ces courts textes, mais leur valeur est inégal. Par moments, j'étais en parfaite harmonie avec le sujet et des fois interdit devant le sens de ce que je lisais. Il faut cependant souligner les qualités de l'auteur qui dispose d'une culture particulièrement riche, pouvant citer des peintres, des auteurs, philosophes, cinéastes, danseurs, sculpteurs des quatre coins du monde et plein d'autres sujet non-évident pour un initié.



La collaboration entre l'écrivain et le journal dura plus ou moins 4 mois, c'est compréhensible à a lecture des textes, bien loin d'un écrit populaire compréhensible par tous sans la culture approprié.
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Paradiso

Etoiles notabénistes : *****



Paradiso

Traduction : Didier Coste



ISBN : 9782020364232





Paru en 1966, voici l'un des ouvrages les plus curieux que, si vous parvenez à vous y introduire, vous aurez jamais lu. Officiellement, c'est un roman. Pour certains - et ils ont raison - un roman poétique. Pour d'autres - ils n'ont pas tort non plus - un roman philosophique. Et, en ce qui me concerne, une espèce de collage rousselien. Le langage utilisé est particulièrement soutenu (d'où, je suppose, le rapprochement avec Marcel Proust, bien que, il faut l'avouer, Lima possède également une façon très particulière de traiter le temps - celle de Proust restant cependant plus cartésienne et bien plus linéaire) et contribue, avec l'évocation colorée d'un Cuba et d'une La Havane pré-castristes, à façonner une ambiance onirique à souhait.



Grosso modo, "Paradiso" se divise en trois parties. Mais sachez d'abord que l'axe central en est José Cemí, le fils du Colonel, d'origine basque, et de Rialta. C'est vous dire que la première partie, entièrement consacrée à l'histoire de cette union et des origines de la famille, avec description détaillée de ses nombreux membres, dont l'extraordinaire grand-mère maternelle, Mme Augusta, relève, sans conteste, du genre réaliste. Le tout jeune José y apparaît comme un enfant timide, introverti, déjà profondément rêveur, et asthmatique, ce qui, à cette époque qui ignorait la ventoline, était, pour un fils de roi comme pour un fils de berger, un véritable handicap, voire une authentique épée de Damoclès éternellement suspendue au-dessus de celui qui en souffrait.



L'asthme étant un trouble qui, en dépit de ses manifestations physiques, puise ses origines dans le psychisme, le lecteur en conclut très tôt que le petit José est doué d'une sensibilité particulièrement affûtée.



Se déroule alors tout un cortège de personnages hauts en couleur, Blancs d'origine espagnole et mulâtres, brossés non pas à grands coups révélateurs mais de façon quasi pointilliste. Tout un paysage, celui du Cuba rural et urbain du début du XXème siècle, se dessine peu à peu, dans une floraison de mots qui évoquent irrésistiblement l'extraordinaire jubilation avec laquelle, sous ces latitudes, la Nature part à l'assaut des jardins, des forêts et des moindres petits creux abritant herbe et insectes. Dès le départ, on perçoit la puissance indéniable de cette terre enchantée mais où les contrastes sont si tranchés, aussi bien matériellement que socialement. Le but de l'auteur est de nous faire ressentir combien, au-delà l'exubérance de leur taille, de leur apparence et de leurs couleurs, les élément cubains dans leur ensemble, hommes, animaux, végétaux ..., puisent leurs forces - et leur âme - dans des racines étonnamment profondes dont certaines sont importées du Vieux Continent.



Réaliste, soit. Mais attention, il faut déjà s'accrocher. "Paradiso" n'est pas un livre qui se lit facilement, fût-ce dans cette partie - la plus longue, à mon sens - qui repose sur les descriptions de la réalité et se veut plus objective que subjective.



Pour la deuxième partie, où nous retrouvons un José Cemí jeune homme et étudiant à La Havane, mieux vaut avoir étudié la civilisation et les philosophes grecs. Mieux vaut aussi ouvrir une oreille tolérante à l'authentique plaidoyer pour la pédérastie que nous y présente, accompagné de différentes sauces, le personnage énigmatique de Foción, (dont on se demande si Montherlant n'est pas le modèle non avoué), un Foción qui finira dans un Centre psychiatrique (mais ne savons-nous pas que la période castriste, qui succédera à ce "Paradis", ne se montra guère indulgente pour les homosexuels ?) Foción est amoureux fou d'un étudiant plus jeune et ami de José Cemí, Fronesis. Toute la seconde partie, qui commence à ouvrir la porte à un univers et surtout à une façon d'étaler ou de rétrécir le temps qui font irrésistiblement penser à Raymond Roussel, se concentre sur ces trois personnages, Cemí, Fronesis et Foción. Sans se renier, le langage poétique de Lima y glisse plus d'une fois vers l'abstraction, voire vers une complexité utilisée à dessein pour désorienter un lecteur qui, dans la plupart des cas, laissera à mon sens tomber l'ouvrage en se demandant pourquoi, puisqu'il semblait au départ raconter l'histoire d'une famille, l'auteur se perd maintenant dans des directions aussi subjectives et pour le moins gênantes.



La troisième et dernière partie fut, pour moi, une apothéose roussélienne dans le plus pur sens du terme. Rythmée par la mort de Mme Augusta, maintenant bien veille et atteinte d'un cancer, et par la réapparition d'une connaissance de José Cemí, Licario, la tourmente se lève et le temps s'emballe. Le lecteur, ravi ou épouvanté, heureux d'avoir tenu jusqu'à ce paroxysme même s'il n'en a compris que la moitié ou, au contraire, furibond de s'être fourvoyé dans cette équipée surréaliste où les tramways fonctionnent avec des têtes de taureau montées sur pignon, n'a plus qu'à se laisser emporter. Les images, du passé, du présent, du futur (?) défilent, les personnages, vivants ou morts, se télescopent, les événements, les sensations, les pensées se mêlent, s'entrelacent, s'imbriquent, se fondent ...



On ferme le livre complètement déboussolé, en se demandant ce qu'on a lu et en estimant très sincèrement que, après "Paradiso", l'"Ulysse" de Joyce est d'une simplicité exemplaire. Les uns seront frustrés, c'est certain. Les autres, tout en avouant n'avoir saisi que la moitié de ce que l'auteur a tenté d'exprimer, garderont une impression de soleil rayonnant, de Nature triomphante, de discours philosophiques prétentieux à plaisir afin de dissimuler les tristes réalités de la chair, et d'une folie joyeuse et triste, grotesque et hallucinante qui, si l'on y réfléchit bien, convient à merveille à Cuba et à son Histoire. Enfin, pour les lecteurs férus d'onirisme et de poésie, ce livre, qui dut certainement être peu aisé à traduire, constitue une pure merveille, un peu alambiquée par moments, soit, mais qui recèle bien souvent de vrais bijoux. N'ayant lu aucun autre ouvrage de José Lezama Lima, je ne saurais dire s'il s'agit là de son écriture habituelle ou s'il s'est livré à un exercice de style. En tout cas, sur le plan poétique et recherche de l'écriture, parfois au mépris de la compréhension première du lecteur, ce livre vaut largement le détour. Il contraint en effet le lecteur curieux ou qui aime relever les défis à aller plus loin, à chercher, à rechercher, y compris en lui-même ... Sans qu'il trouve jamais la réponse à cette unique question : pourquoi Lima a-t-il écrit "Paradiso" de cette façon qui se déconstruit peu à peu ? Du coup, comme l'on pense aussi au prodigieux Faulkner, on est tenté d'en apprendre un peu plus sur José Lezama Lima car son "Paradiso" n'est pas une copie mais bel et bien l'aboutissement d'un parcours d'écriture dont on voudrait bien connaître les étapes.



A ne réserver toutefois qu'aux lecteurs chevronnés et qui ne se laissent pas facilement déstabiliser par la forme. ;o)

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Paradiso

PARADISO de JOSÉ LEZAMA LiMA

Ce roman, qui n’en est pas vraiment un, s’ouvre sur la description de la naissance de José Cemi, de sa famille proche, et de son environnement à Cuba. Souvent malade, asthmatique, couvert de pustules, il ne s’en sortira que grâce aux sortilèges d’une magie ancestrale, mélange de croix de bois et de remèdes à la composition incertaine qui le firent pisser un liquide rouge orangé vaguement écailleux! On n’entendît plus parler de ces pustules, seul l’asthme perdurera. Il gardera de son enfance l’évocation de termes étranges à ses oreilles, « émigration » ou »là bas à Jacksonville »qui sonnaient comme des temps magiques désormais révolus. Son père, le Colonel, homme important mourra jeune laissant José orphelin à 10 ans. Si José est le fil rouge de la première partie du livre, ce sont plus tard ses deux amis, Focion et Fronesis qui prendront le relais avec lui. Mais Paradiso n’est pas un roman au sens propre du terme, il n’y a pas d’histoire, seuls des fils qui traînent et permettent de suivre vaguement cette famille, prétexte à une longue et surtout totalement baroque aventure autour d‘un paradis perdu. Lequel? Celui de la noblesse cubaine peut-être mais aussi la fin d’un monde dont la destruction totale approche.

Épique et baroque dont les deux mots qui caractérisent ce pavé érudit qui nous fait passer des grecs aux romains, de St Thomas d’Aquin à St Augustin, des ballets de Diaghilev à l’Ulysse d’Homère sans oublier Mallarmé, Tolstoï ou Kafka.

Ce livre, le seul publié du vivant de Lima fut censuré par le régime castriste,qu’il avait sûrement oublié d’encenser, mais également pour son incroyable huitième chapitre qui fait la description sur des dizaines de pages de l’initiation sexuelle du jeune José Cemi en des termes pornographiques extrêmement osés pour l’époque et faisant largement appel à la mythologie grecque.

José Lezama Lima est considéré par certains critiques comme aussi important à son époque que Proust ou Joyce! Pour ma part je le vois très proche de son compatriote Alejo Carpentier.
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Le jeu des décapitations

L'écriture narrative de José Lezama Lima sait prendre avec immense talent la forme de nouvelles. Cette œuvre est un travail ciselé comme dans l'orfèvrerie baroque, où se multiplient les effets spéculaires, illustrant à merveille sa prolifique création, irradiante à la fois de cubanité et d'universalité de symboles et de métaphores.

Cinq nouvelles qui jouent l'imaginaire tropical où tout est fantasmatique. Les repères et les allégories s'entrecroisent et on y décapite tout ce qui est important et puissant. Du Lezama Lima cent pour cent pur sucre.
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Paradiso

Fiction poétique, autobiographique, romanesque, le chef d'oeuvre du maître incontesté de la littérature cubaine, aux accents proustiens, est sans intrigue. C'est un extraordinaire cheminement le long d'un paysage personnel : la vie du héros, José Cemi, double de Lezama Lima. Dédales mythologiques et ruelles intellectuelles nous mènent dans son passé, ses ancêtres, son destin, ses rencontres où tout est reflet de lui-même, avec une obsession lancinante, qui forge sa destinée : la chute du paradis, l'extinction d'un monde. le passé perdu construit un présent perdu qui promettra un avenir tout aussi égaré, présent constellé de tentatives d'appropriation de la flèche du temps et de décryptage des signes envoyés par les événements de l'existence.

D'une densité inouïe, Paradiso de Lezama Lima invite le lecteur à sa propre initiation, au décodage de son propre mystère.
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Le jeu des décapitations

Je ne sais pas si c'est la traduction de l'espagnol (cubain) qui rend "Le jeu des décapitations" difficile à lire mais la lecture des nouvelles de José Lezama Lima a été éprouvante pour moi.

Aucune des cinq nouvelles de ce recueil posthume ne m'a inspirée, probablement en raison du style poético-fantastique que j'ai trouvé hermétique.



C'est Fraise et Chocolat (Fresa y chocolate) réalisé en 1993 par Tomás Gutiérrez Alea et Juan Carlos Tabío qui m'a donné envie de découvrir l'écrivain et poète cubain. Dans le film, un hommage est rendu à Lezama par Diego, esthète et homosexuel, qui fera découvrir à David, membre des jeunesses communistes, celui qui a été mis au pilori pour "activités contre-révolutionnaires". La découverte de l'auteur de "Paradiso" était donc prometteuse.

La déception est d'autant plus grande même si la deuxième nouvelle intitulée "École buissonnière" m'a rappelé avec plaisir le Malécon, longue jetée promenade de la Havane. Les deux garçons protagonistes de l'histoire s'y retrouvent.

Sinon, il y a deux textes qui ressemblent à des contes chinois, un autre sur une cour d'évêché où des gamins s'amusent à torturer un perroquet et un texte sur la femme d'un forgeron dont une goutte de sang de viande lui créée une protubérance cramoisie qui l'oblige à aller voir une sorte de marabout. Cela aurait pu être intéressant sur les pratiques du Vaudou à Cuba mais je suis restée à distance ne comprenant pas les métaphores ni le sens de l'histoire.

Dommage.





Challenge Riquiqui 2024

Challenge XXème siècle 2024

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Paradiso

Il faut se méfier car, Paradiso est bel et bien une forêt inextricable, où tous les mots sont vivants : ce qu'on pourrait prendre pour une branche ou une liane pourrait bien être un serpent, la forêt, comme l'écrit Alejo Carpentier*, cache des choses. Lima ne laisse que deux choix à son lecteur, contourne-moi, sans risque, ne me lis pas ou lis-moi sans me lire (il faut être disponible avec Lima). Ou bien, pénètre dans ma forêt et accepte de ne pas tout saisir. Oui Paradiso possède bien une langue qu'il faut apprendre à lire, sans trop hâtivement froncer les sourcils, "ça n'a pas de sens", "c'est du verbiage pédant"... en apparence cette langue pourrait paraître anarchique, confuse, embrouillé : elle est au contraire très articulée, comme un poème dont la beauté m'a par moments fait atteindre le nirvana. Encore que pas si souvent que je ne l'aurais voulu, le texte n'échappant pas à certaines périodes lénifiantes.



Je me suis laissé surprendre à la moitié du livre, complètement débordé par des discussions philosophiques à en perdre le nord. Quand on parle de "métissage" des cultures chez Lima, ce n'est pas une vue de l'esprit. Et de là, le visage déjà monstrueux du récit se démultiplie, comme le cerbère. Je retiendrai cependant une chose qui me semble assez importante : la veine autobiographie de cette langue. C'est comme si le narrateur regardait le film de sa vie, et nous le décrivait en direct, très précisément, mais avec l’art de transformer tous ses éléments en beautés étrangères.



* : Extrait du livre "Le partage des eaux" d'Alejo Carpentier



La forêt vierge était le domaine du mensonge, du piège, du faux-semblant ; tout y était travesti, stratagème, jeu d’apparences, métamorphose. Domaine du lézard-concombre, de la châtaigne-hérisson, de la chrysalide-mille-pattes, de la larve à corps de carotte, du poisson-torpille, qui foudroyait du fond de la vase visqueuse. Lorsqu’on passait près des berges, la pénombre qui tombait de certaines voûtes végétales envoyait vers les pirogues des bouffées de fraîcheur. Mais il suffisait de s’arrêter quelques secondes pour que le soulagement que l’on ressentait se transformât en une insupportable démangeaison causée, eût-on dit, par des insectes. On avait l’impression qu’il y avait des fleurs partout ; mais les couleurs des fleurs étaient imitées presque toujours par des feuilles que l’on voyait sous des aspects divers de maturité ou de décrépitude. On avait l’impression qu’il y avait des fruits ; mais la rondeur, la maturité des fruits, étaient imités par des bulbes qui transpiraient, des velours puants, des vulves de plantes insectivores semblables à des pensées perlées de gouttes de sirop, des cactées tachetées qui dressaient à un empan du sol une tulipe en cire safranée. Et lorsqu’une orchidée apparaissait, tout en haut, au-dessus des bambous et des yopos, elle semblait aussi irréelle et inaccessible que l’edelweiss alpestre au bord du plus vertigineux abîme. Mais il y avait aussi les arbres qui n’étaient pas verts, qui jalonnaient les bords de massifs couleur amarante, s’incendiaient avec des reflets jaunes de buisson ardent. Le ciel lui-même mentait parfois quand, inversant sa hauteur sur le mercure des lagunes, il s’enfonçait dans les profondeurs insondables comme le firmament. Seuls les oiseaux étaient vrais, grâce à la claire identité de leur plumage. Les hérons ne trompaient pas, quand leur cou s’infléchissait en point d’interrogation ; ni quand, au cri du vigilant coq-héron, ils prenaient leur vol effrayé dans un frémissement de plumes blanches.
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Treize poètes de Cuba

Masse critique septembre 2023.



Je remercie infiniment l'Atelier de l'agneau pour son envoi.



Ce petit livret entouré d'un joli ruban de tulle est une anthologie de la poésie cubaine réalisée par Jeanne Marie, journaliste et traductrice.

Son choix s'est porté sur 13 poètes et poétesses cubains du 19ème à nos jours.

Il s'agit d'une édition bilingue qui va intéresser les hispanophones.

Quelques lignes de biographie permettent de présenter chaque poète dont certains semblent très connus et couverts de prix littéraires.

J'ai pris grand plaisir à cette découverte, autant de cette poésie que du travail d'édition de l'Atelier de l'agneau qui m'a également envoyé son catalogue. Vous pouvez le retrouver sur son site internet atelierdelagneau.com



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Le jeu des décapitations

Un livre dans lequel je ne suis jamais rentré. Ensemble de nouvelles qui n'ont strictement aucun lien, univers, personnage, thème commun.

Un style qui ne décolle jamais restant constamment dans la description de situations plutôt que dans le récit d'une histoire.

Peu de construction de dialogues ce qui ne dynamise pas le récit.

Langage passe partout si ce n'est dans l'utilisation de métaphores parfois belles parfois trop nombreuses.



Vraiment pas convaincu. Je devrais peut être lire ses oeuvres poétiques.

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Treize poètes de Cuba

Masse critique 2023



J'ai eu la chance de recevoir ce livret de treize poètes de Cuba réalisé par la journaliste et traductrice Jeanne Marie. L'hispanophone que je suis a été enchantée de pouvoir lire ces poèmes dans leur langue d'origine ainsi que ses traductions.

Mon bonheur est doublé car je porte un profond attachement pour cette île où je m'y rends assez souvent. La culture, l'histoire, les gens, la musique, les paysages font de cette île un endroit particulier à mes yeux. Les poèmes sont d'ailleurs très révélateurs.

À lire et à relire
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Treize poètes de Cuba

Charmant petit ouvrage par sa présentation très originale certainement confectionnée à la main. Des poètes cubains, leur biographie succincte et une œuvre. Idéal pour un futur voyage à Cuba. Bravo à cette toute petite maison d édition et merci à Babelio et la masse critique pour cette découverte
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Paradiso

La 1ere partie du roman traite des origines généalogiques du protagoniste principal. José Cemí, fils d’un colonel. On déblatère aussi à propos de son asthme .



La 2e partie, José est un jeune adulte. On y retrouve un genre de réflexion sur les différences sexuelles.



Enfin, pour la dernière partie, on se retrouve dans ce dit Paradiso, halluciné?, et entremêlé de mythologie grecque.



Une lecture difficile, difficile à suivre.
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Oppiano Licario

"Oppiano Licario" (1977) est la suite de "Paradiso" (1966), paru un an après le décès de Lezama Lima. C'est une oeuvre inachevée qui comporte 10 chapitres (sur 14) et qui reprend quelques personnages de Paradiso. Oppiano Licario est le nom d'un personnage du livre.



C'est un roman d'initiation à la poésie de Lezama Lima.



Ce fût pour moi une lecture ardue car je ne comprenais pas grand chose au texte, il n'y avait pas de fil conducteur et je n'arrivais pas à trouver les interactions entre les personnages.

C'est un texte hyper-baroque, chargé en références culturelles, avec citations en plusieurs langues, mais sans que l'on puise en saisir le propos. Par moments, je me laissais séduire pas la beauté du langage truffé de néologismes savoureux, mais sans en comprendre le message.

J'ai lu quelque part que l'auteur devenait très irrité quand on lui parlait de cette beauté du langage, car pour lui, c'est clair, il existait un autre dessein.



En finissant la lecture, il m'a fallu partir à la recherche d'informations sur ce texte afin de pouvoir en retirer quelque profit.

J'ai trouvé 2 publications sur le sujet, doctes et clarificatrices. La première de Mr Benabdelouaheb (1994) qui écrit que l'auteur essaie de créer dans le récit une esthétique baroque et une représentation culturelle et nationale du cubain et de sa "cubanité". La vision de la cubanité est donnée par le personnage principal qui introduit dans le texte des éléments historiques, religieux, folkloriques et linguistiques.



Puis, j'ai trouvé le travail de Mme Mataix, une experte, qui explique que Oppiano Licario represente le chemin à parcourir pour arriver au but : l'introduction à la poésie avec une prose en style baroque furioso avec des touches de poésie, métaphysiques, historiques et utopiques. Elle souligne que dans l'écriture de Lezama Lima les mots portent une sonorité, une texture qui nous invitent à les déguster, à les chérir, avant de leur accorder une signification. Dans le baroquisme de l'auteur la phrase est lente, ondulante, proliférante avec un texte surabondant et voluptueux.

Lezama Lima est la conscience centrale du livre, un personnage ubiquitaire qu'on ne voit pas, mais qui domine tout et de là, il domine le récit.

C'est une lecture labyrinthique parce qu'elle exige du lecteur un effort important, un effort de compréhension, un chemin qui va toujours plus loin et qui représenterait l'utilité du difficile. Le monde "lezamiano" est une écriture initiatique qui contient ses propres codes d'interprétation.



Julio Cortazar a beaucoup défendu ce livre qui fut à l'origine d'un quasi scandal en 1977 lors de sa parution. Il a écrit que c'est un livre que l'on ne doit pas lire comme tous les livres, mais qu'il constitue un centre de vibration.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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