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Critiques de José Ortega y Gasset (20)
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La déshumanisation de l'art

Lorsque j’ai vu la date de première parution de ce petit essai -1925- les yeux m’en sont tombés des orbites, tant les questions qu’il soulève sont encore d’actualité.

Qu’est que la majorité des gens entend par «plaisir esthétique» ? Que recherchent-ils lorsqu’ils écoutent une musique, regardent une peinture, ou lisent un poème ? Pourquoi l’art d’aujourd’hui est-il déshumanisé ? Pourquoi les oeuvres contemporaines irritent et ne plaisent pas au plus grand nombre?

Les propositions de réponses de l’auteur risquent fort de déplaire elles aussi... et c’est cet aspect polémique qui fait tout l’intérêt de ce petit livre, en nous amenant à réfléchir sur notre relation à l'oeuvre d'art.
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L'Histoire comme système

Ma notation correspond davantage à mon plaisir de lecture qu'à la profondeur du propos tenu par cet auteur espagnol.



C'est en effet une lecture un peu ardue, philosophique et qui, contrairement à ce qu'indique son titre -ne vous laissez pas induire en erreur à ma suite-, ne traite pas d'histoire en tant que telle, mais de l'impossibilité pour la raison de tenir encore lieu de foi permettant la relégation des croyances transcendantes à un second plan. Pour faire très bref.



Cet ouvrage est d'autant plus intéressant qu'il date du début du 20e siècle et que le propos est très actuel.



Il nous faut une nouvelle révélation, martèle l'auteur, comme celle que fut la raison en son temps. L'auteur propose alors l'histoire, à nous y voici quand même, l'histoire au sens d'Auguste Conte, à savoir une doctrine qui peut suffisamment expliquer le passé pour acquérir "la présidence mentale de l'avenir", l'histoire donc à instaurer comme raison historique qui dépasserait l'homme, véritable système des expériences humaines, qui formeraient une chaîne inexorable et unique selon l'auteur, et qui permettraient aux individus de mieux comprendre dans quelle perspective s'inscrivent leurs actes. Un peu trop déterministe à mon goût peut-être.



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La révolte des masses

Ortega y Gasset, c'est un espagnol qui s'est beaucoup abreuvé aux idées de la philosophie allemande. Lorsqu'il parle de l'Europe, d'ailleurs, il pense essentiellement à la trinité Allemagne-France-Angleterre (« Par Europe, on entend, avant tout et surtout, la trinité France, Angleterre, Allemagne »). Lorsque les européistes actuels nous citent donc l'Ortega comme porte-parole assurant la légitimité de leurs opinions, ils omettent sciemment de mentionner cette légère distinction entre une Europe centrale entre nations partageant une culture et une histoire presque fusionnelles et notre Europe actuelle, avec sa myriade d'états inconnus les uns aux autres, que l'on soupçonne en outre d'être fortement soumise aux injonctions des Etats-Unis d'Amérique.





Bon, et c'est quoi le rapport avec cette révolte des masses ? Ah oui. La révolte des masses, c'est le cercle vicieux de la dégénérescence dans la civilisation moderne (d'ailleurs, c'est'y pas diablement grave de nous qualifier de « modernes », comme si nous étions les représentants achevés d'une époque ? « contemporain » passerait encore, aux oreilles de notre cher Ortega, mais « moderne », c'est la pulsion de mort qui traverse nos bouches de chair fanée).





Le début de cette période commence au milieu du 18e siècle, avec la France qui se pâme de sa tradition révolutionnaire. Pour Ortega, la révolution a « surtout servi à faire vivre la France […] sous des formes politiques plus autoritaires et plus contre-révolutionnaires qu'en presque aucun autre pays » en permettant à la bourgeoisie d'accéder au pouvoir par le biais d'un Etat d'autant plus écrasant qu'il se sait pas-vraiment-légitime. « Les démagogues ont été les grands étrangleurs des civilisations ». La mascarade du suffrage universel s'est mise en place : « dans le suffrage universel, ce ne sont pas les masses qui décident ; leur rôle consiste à adhérer à la décision de l'une ou de l'autre minorité. […] le pouvoir public se trouve aux mains d'un représentant des masses. Celles-ci sont si puissantes qu'elles ont anéanti toute opposition possible. Elles sont maîtresses du pouvoir public d'une manière si incontestée, si absolue, qu'il serait difficile de trouver dans l'histoire des modes de gouvernement aussi puissants qu'elles ».





Avec l'avènement de l'Etat, l'homme-masse s'est imposé et, exponentiellement depuis, il a fait appliquer ses droits qui sont ceux de la médiocrité. Rappelons que « médiocrité » ne veut pas dire nullité mais se rattache à la racine étymologique du mot « moyen ». Est moyen, donc, ce qui vivote sans ambition autre que celle de satisfaire ses pulsions basiques, ce qui pense sans extension, ce qui utilise les outils préexistants sans chercher à les comprendre et sans s'émerveiller de leur présence. L'homme-masse est un enfant gâté qui ne le sait pas. Ce que ses aïeux ont travaillé à élaborer l'entoure depuis sa naissance. L'homme-masse est un homme qui, n'ayant pas cherché la civilisation, considère que celle-ci représente la nature, comme la pierre et le bois pour l'homme préhistorique. « L'homme échoue parce qu'il ne peut rester au niveau du progrès de sa propre civilisation ». Il prend, il utilise, il gâche tout. Son potentiel est grand, mais il ne sait pas quoi en faire.





«La caractéristique du moment, c'est que l'âme médiocre, se sachant médiocre, a la hardiesse d'affirmer les droits de la médiocrité et les impose partout.»





La thèse de cet essai est la suivante : les nations occidentales souffrent d'une grave démoralisation qui se manifeste par la révolte de l'homme-masse pour accéder au pouvoir. Cette démoralisation trouve une de ses raisons dans le déplacement du pouvoir que notre continent exerçait autrefois sur le reste du monde et sur lui-même. La dispersion de la souveraineté historique traduirait une faiblesse des principaux états européens du siècle passé. Ortega propose alors de former des Etats-Unis d'Europe qui résulteraient de la synergie de l'Angleterre, de la France et de l'Allemagne, principalement, pour retrouver ce pouvoir historique qui semble s'être dispersé depuis l'avènement des Etats-Unis d'Amérique et de l'U.R.S.S.





Dans son épilogue de 1938, Ortega se rend bien compte que cette alliance n'aura pas de grand intérêt si elle n'a pas conscience de son âme. Il constate que « l'Europe est aujourd'hui désocialisée ou bien, ce qui revient au même, il lui manque des principes de convivance qui soient en vigueur et auxquels il serait possible de recourir ». L'Europe ne doit pas être l'inter-nation mais la super-nation. On ne voit pas comment cela pourrait se produire puisque, si les nations sont dominées par l'homme-masse, alors la super-nation ne pourra être autre chose que la réunion de la crème de la crème de l'homme-masse -qui reste une bouse quand même. de plus, le droit ne peut régir les rapports entre les êtres vivants qu'à la seule condition qu'ils vivent préalablement en société effective. Ortega prend un exemple qu'il connaît bien, celui de l'Espagne : « L'Espagne et les peuples du centre et du sud de l'Amérique ont un passé commun, une race commune, un langage commun. Cependant, l'Espagne ne forme pas avec eux une nation. Pourquoi ? Parce qu'il leur manque une chose, une seule mais essentielle : l'avenir commun ».





Nous avons brûlé les étapes. Ortega évoque bien la possibilité d'une Europe « des nations isolées » ou d'une Europe « orientale, dissociée jusque dans ses racines de l'Europe occidentale », mais il ne l'évoque qu'en ultime achèvement, à la condition que la santé des nations soit excellente. Conclusion : il ne faut pas mettre la charrue avec les boeufs.





Ortega espérait que l'Europe serait l'avènement de l'homme d'élite, c'est-à-dire « celui qui est plus exigeant pour lui que pour les autres, même lorsqu'il ne parvient pas à réaliser en lui ses aspirations supérieures ». On peut se méprendre sur la nature de cet homme d'élite. N'y voyez aucune allusion à la hiérarchie des classes sociales. L'homme d'élite, comme l'homme-masse, peut se retrouver à n'importe quel étage de la hiérarchie sociale. Ortega postule moins la réalité d'une hiérarchie des classes qu'une hiérarchie des valeurs fondée sur l'inégalité psychologique et intellectuelle de ceux qui la composent. L'homme d'élite, ce n'est donc pas le type qui bénéficie de privilèges, c'est celui qui est capable de porter des valeurs morales profitables au reste du genre humain, c'est celui qui est capable d'une plus grande abnégation pour réaliser le principe spirituel qui devrait être celui d'un Etat réellement vitalisé. A l'inverse de la démagogie, qui affirme l'égalité naturelle entre tous les hommes, Ortega affirme qu'une société vraiment démocratique doit prendre en compte les différences individuelles. L'égalité politique ne doit donc pas s'accompagner d'égalité dans le reste de la vie sociale. L'arrivée de l'homme-masse au pouvoir a donc été permise par l'oubli de cette inégalité fondamentale entre les individus, par la revendication des droits de la médiocratie, et par la démission des élites. A chacun de juger de la situation actuelle à l'aune de ses propres exigences de qualité.





En conclusion, Ortega observait que la vie actuelle est le fruit d'un interrègne, d'un vide entre deux organisations du commandement historique, et c'est la raison pour laquelle il réclamait l'avènement d'une Europe supranationale qui abolirait le totalitarisme de l'homme-masse. Les défauts qu'il soulevait dans l'organisation de l'Etat se sont toutefois propagés à l'organisation de l'Europe et il y a fort à parier qu'Ortega ne s'y reconnaîtrait pas aujourd'hui.
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Misère et splendeur de la traduction

Cet essai publié en 1937 dans le journal argentin La Nación, rédigé par José Ortega y Gasset, est parmi ceux qu'il aurait écrits sur une table de cuisine. C'est un texte important, comme l'écrit Jean-Yves Masson dans la postface, car «il a gardé sa valeur intacte précisément dans la mesure où il nous montre à l'état naissant certaines idées sur la traduction qui ont acquis un grand rayonnement, et d'autres qui appellent la contestation.» Le grand mérite de Misère et splendeur de la traduction est de montrer que les questions de la traduction sont très liées aux grands problèmes des sciences humaines et il leur confère même un enjeu anthropologique. Ceci explique qu'il s'agit bien d'un philosophe[1], non d'un linguiste ou d'un traducteur, qui proposait ces orientations restées au cœur de la traductologie actuelle.



Pourquoi une version française[2] si tardive alors qu'il s'agit d'une référence classique dans d'autres pays ? L'essai est présenté sous forme d'un dialogue fictif entre professeurs lors d'une séance au Collège de France et Ortega y lance sans cesse des piques contre les philosophes et linguistes français. De plus, il considère le français comme une langue claire mais extrêmement normative, à la différence de l'allemand plus souple. Dans un autre texte de la même année, Ortega écrit : «Les langues ont leurs frontières, leurs limites, et leur douane. Lorsqu'il traduit en français, l'auteur note immédiatement que la moitié des bagages sont retenus, et il remarque avec une autre surprise ingénue que, dans cette langue merveilleuse, il y a beaucoup de choses impossibles à dire.»



Voilà qui nous amène au cœur du sujet, la difficulté de traduire, la misère du travail de traduction jamais totalement satisfaisant. Prenons l'exemple du mot allemand Wald (forêt) auquel le dictionnaire fait correspondre bosque en espagnol : les forêts espagnole et allemande sont cependant deux réalités nettement distinctes. La différence est aisément visible et leurs résonances intellectuelles et affectives sont marquées. Il est donc faux de supposer que bosque se rapporte à ce qu'un Allemand appelle Wald. Un peu comme si nous superposions les photos de deux personnes différentes.



Traduire s'avère donc souvent une utopie. Ortega distingue pourtant le bon et le mauvais utopiste. Afin de favoriser la communication entre les peuples et en conséquence une bonne entente, il est souhaitable de corriger le confinement des hommes dans leur langue naturelle. Le mauvais utopiste considère que puisque cela est souhaitable, c'est possible et il ne réfléchira pas plus avant de traduire. «Voilà pourquoi presque toutes les traductions réalisées jusqu'ici sont mauvaises», affirme Ortega. Le bon utopiste pense qu'il est improbable que l'on puisse y parvenir et qu'on n'y arrive que de manière approximative. Mais cette approximation varie de zéro à l'infini et ouvre un champ illimité d'actions qui laisse toujours place à l'amélioration, au dépassement. Bref au progrès. «L'existence humaine a le caractère athlétique d'un effort qui trouve satisfaction en lui-même et non dans son résultat.» Le bon traducteur s'efforce de réformer la réalité dans le sens de l'impossible, le seul acte qui ait un sens. Et l'effort vers inaccessible aboutissement de toute traduction contribue à sa splendeur, dans une tâche à la fois humble et exorbitante.



[...].



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La déshumanisation de l'art

Une approche brillante de l'art moderne décrit comme cherchant à éliminer les ingrédients trop humains au profit d'une matière purement artistique, un art ironique, sans transcendance et fier de sa puérilité. L'enthousiasme de l'auteur de cet essai est communicatif. Un regret seulement, les passages polémiques ou l'auteur s'aventure dans la sociologie. Pourquoi ces incongruités, cette pointe de mépris à l'encontre de la plèbe des statues de cire, pourquoi ce partage du public en deux classes hermétiques, pourquoi cette opposition systématique anciens et modernes. Les qualités intrinsèques de l'art nouveau, pourtant si bien décrites ne parlent-elles pas d'elle mêmes, sans toutes ces provocations. Ces passages auraient avantageusement été remplacés par un approfondissement de ceux sur Debussy et Mallarmé. Quoiqu'il en soit, l'essai ne laisse pas indifférent et suscite le débat, c'est un bon point. A la décharge de l'auteur, l'essai date de 1925...
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Études sur l'amour

Cette étude a terriblement vieillie et l'on en ressort horrifié par moment par le naturel avec lequel des assertions sont posées, du style :

"... il y a coïncidence avec le fait que la femme dispose généralement d'un pouvoir imaginatif moindre que l'homme. La nature, prudente et prévoyante, l'a voulu ainsi, parce que, dans le cas contraire, si la femme s'était trouvée dotée d'autant d'imagination que l'homme, la lubricité aurait inondé la planète et l'espèce humaine aurait disparu, volatilisée en délices." Et il n'y a aucun doute là-dedans !!! Le couple est forcément hétérosexuel et à domination masculine ! Où est l'amour dans ce tableau ?
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La révolte des masses

L'histoire en est à ce point où l'Europe a deux problèmes à résoudre : celui de l'homme-masse et celui de son trop de succès. le XIXème siècle en augmentant significativement la diffusion des connaissances et la production industrielle dans le monde a certes permis au monde de s'élever d'un niveau, mais il a aussi produit l'homme-masse. Sa principale caractéristique, abreuvé qu'il est de civilisation, est de croire que l'égalitarisme est l'équivalence d'idée entre les individus, sans soupçonner que l'investissement intellectuel module en réalité la valeur de ces idées entre elles. de fait, l'homme-masse prend ce qu'il est et ce qu'il pense intuitivement très exactement pour équivalents à la pensée et à l'action de n'importe qui et, en retour, tout ce qui se trouve sur son chemin pour des productions (intellectuelles ou manufacturières) sans plus de valeur que les efforts qu'il met lui-même à produire sa pensée - c'est-à-dire aucune. de là sa "balourdise" qui fait qu'il impose sa vulgarité simpliste au monde et qu'il prend la civilisation où il vit pour un acquis qui lui est dû. le problème de l'homme-masse, c'est qu'il est incapable de gouverner le monde et que son mode d'action est la brutalité. Il faut donc l'empêcher de prendre le pouvoir et, au plus vite, "reprendre le commandement". L'autre problème, c'est que l'Europe a européanisé le monde. Ortega y Gasset relève que ce que l'on tient pour une caractéristique essentielle de l'Amérique, son pragmatisme et sa technique, sont justement nés en Europe au XVIIIème siècle, c'est-à-dire au moment de la naissance des Etats-Unis. le problème ne vient donc pas de là. C'est qu'en s'étant internationalisée, les têtes de pont de l'Europe que sont l'Allemagne, l'Angleterre et la France, se sentent à l'étroit dans leurs frontières respectives, et cela provoque leur démoralisation. Bref, la solution, la seule, ouvrir les fenêtres, donner de l'air, en un mot, créer l'Europe, c'est-à-dire l'ultra-nation.

Plus que la thèse, c'est l'écriture, très imagée, dynamique et vivifiante que j'ai trouvée enthousiasmante. Il faut aussi noter que le texte est écrit en 1930 et qu'il a surtout vocation à évoquer le franquisme, le fascisme et peut-être Ortega le voit-il déjà, le nazisme. Pourtant, puisque la thèse est somme tout relativement sobre et s'élève au-dessus des horreurs qui lui sont contemporaines, elle s'applique assez bien à notre monde actuel et incite à réfléchir sur notre avenir en tant qu'ensemble de population et sur le rapport que nous pouvons entretenir avec tous ces objets qui nous entourent et autres médias innombrables, dont l'utilisation et la consultation frénétique nous assimilent certainement, au moins par instants, à cet "homme-masse"...
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Études sur l'amour

Je ne trouve pas que cette étude a vieilli, est-ce que l'amour et les interrogations autour du sentiment amoureux vieillissent ? L'auteur livre ses réflexions sincèrement, sans sectarisme, avec énormément de respect pour les femmes. Peut-être que l'auteur se trompe en pensant que les femmes ont moins d'imagination que les hommes, mais son raisonnement se défend si on cherche à expliquer pourquoi le mâle a tendance à rechercher plus de partenaires sexuels que la femelle en partant du principe que l'instinct sexuel seul ne suffit pas pour provoquer le désir. L'imagination suppléerait à l'instinct sexuel défaillant.



Ce petit ouvrage est pertinent, on y trouve de nombreuses pistes de réflexions pour soi-même et sa compréhension du mécanisme de l'amour, comme l'ouvrage "De l'amour" De Stendhal auquel l'auteur fait justement référence.



J'ai aimé l'idée que le vrai don juan n'est pas celui qui aime les femmes mais celui que les femmes aiment.

J'ai aimé l'idée que les génies n'intéressent pas les femmes et que les lois de la séduction et de la sexualité ne favorisent pas forcément l'amélioration de l'espèce.

J'ai aimé sa vision de l'être humain qui franchirait au cours de sa vie quelques étapes majeures de maturité et qu'à chaque phase de cette nouvelle maturité correspondrait un nouveau partenaire amoureux différent, plus adapté.

J'ai aimé l'idée que l'état amoureux est finalement un état de misère mentale où la vie de notre conscience se rétrécit en contrepartie de l'exaltation et d'une intensification de nos sensations, etc

Voir en citations



A partir de la citation ci-dessous tiré de l'essai, je lance d'ailleurs un appel à tous ceux qui me liront pour trouver ce roman dont parle Ortega y Gasset, s'il a été publié, ou pour me suggérer tout roman qui traiterait de ce sujet, à savoir les changements de partenaire amoureux en fonction des stades de maturité d'un individu au cours de sa vie. Superbe sujet de roman :



"La personnalité éprouve dans le cours de sa vie deux ou trois grandes transformations, qui sont comme des stades différents d'une même trajectoire morale. Tout en restant solidaires et, plus encore, radicalement homogènes eu égard à nos sentiments passés, nous remarquons un beau jour que nous sommes entrés dans une nouvelle étape ou une nouvelle modulation de notre caractère. C'est cela que j'appelle un changement radical. La préférence pour un type différent de femme s'ajuste rigoureusement à la nouvelle manière de sentir la vie. Notre système de valeurs s'est modifié un peu ou beaucoup –dans la fidélité toujours, au fond, avec l'ancien – et des qualités que nous n'estimions pas auparavant, que peut-être nous ne percevions même pas, passent au premier plan : alors un nouveau schéma de choix érotique s'interpose entre l'homme et les femmes qu'ils rencontrent.

J'ai lu des fragments d'un roman que peut-être on ne publiera jamais et dont le sujet est précisément celui-ci : l'évolution profonde d'un caractère masculin vue à travers ses amours. L'auteur montre la continuité du caractère au long de ses changements et le profil divergent que ceux-ci possèdent, éclairant ainsi la logique vivante, la genèse inévitable de ces mutations. Une figure de femme recueille et concentre à chaque étape les rayons de cette vitalité en évolution, comme ces formes spectrales qu'on obtient en projetant la lumière de réflecteurs sur une atmosphère dense."

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Autour de Galilée

Ouvrage apparemment introuvable aujourd'hui. Une œuvre magistrale d'Ortega y Gasset cependant. Le penseur espagnol balaye 2500 ans de culture occidentale et pense le problème de la post-modernité avant même que l'expression en soit inventée. Selon Ortega, la culture occidentale est l'empilement de trois strates : l'antique et païenne avec Athènes et Rome, la médiévale structurée par le christianisme qui tourne le dos au terrestre pour se consacrer à l'au-delà, et la culture moderne focalisée sur les découvertes scientifiques et le ,progrès, dont Galilée est le chef de file. Ce livre récapitule des conférences prononcées en 1933, trois cents ans après le procès Galilée. Pour Ortega y Gasset, l'Espagne et l'Europe de 1933 ont déjà dépassé le stade moderne ; tôt ou tard, les Occidentaux vont devoir affronter de nouvelles ères où la science n'apparaîtra plus comme "ce qui peut sauver le monde", pas plus que la religion d'ailleurs. Un livre prophétique.

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La révolte des masses

L'austère professeur Ortéga y Gasset, titulaire de la chaire de métaphysique à l'université de Madrid, a la plume alerte et le style incisif. Il aime le paradoxe et les vues cavalières sur l'histoire. Il parle clair et n'entraine jamais son lecteur dans les méandres de l'hermétisme. Sans doute à cause de l'origine du texte, paru en "feuilleton" dans le quotidien madrilène El Sol, entre 1926 et 1929, à destination du grand public. Mais au fil des pages, les renvois sont nombreux à ses autres œuvres (L'Espagne invertébrée 1921; La déshumanisation de l'art ; Méditations sur Don Quichotte 1916 ; L'origine sportive de l’État 1921) à ses chroniques d'El Espesctador). Le livre "La révolte des masses" occupe bien une place centrale dans la pensée de notre auteur.

L'idée centrale, en ces temps menaçants de l'entre deux-guerres, est la constatation de l'avènement des masses, ou plus précisément de l'homme-masse. « La foule est devenue visible… elle est devenue le personnage principal. Les protagonistes ont disparu, il y a plus maintenant que le chœur » (p. 85).

En même temps les conditions de la vie de chacun ont été transformées par les techniques :

« La vie de chacun devenu rapidement la vie universelle ; c'est-à-dire que la vie de l'homme de type moyen contient celle de toute la planète… cette proximité du lointain, cette présence de l'absent a élargi, dans une proportion fabuleuse l'horizon de chaque vie. » (p. 108)

Mais celui qu'Ortegat y Gasset désigne comme l'homme masse a abandonné les exigences de son prédécesseur: l'effort, la rigueur, la réflexion, l'exigence. Toutes qualités "aristocratiques" ou élitistes, mais qui se retrouvent indifféremment dans toute classe de la société, sans être le monopole d'aucune et surtout pas de la noblesse héréditaire, car ces qualités sont des "acquis". "Pour moi noblesse est synonyme d'une vie vouée à l'effort" , écrit-il (p.139).

"L'homme masse est l'homme dont la vie est sans projet et s'en va à la dérive" (page 121)

" Il porte en lui en pure puissance le plus grand bien et le plus grand mal » (page 125)



La pensée de droite, qui a revendiqué l'héritage de notre auteur, fait fausse route.Ortega y Gasset s'inscrit plutôt dans la lignée d'un Tocqueville : les aspects conservateurs de ses nostalgies cèdent le pas à la lucidité de ses analyses prospectives, lorsqu'il évoque "bolchevisme et fascisme, les deux essais nouveaux de politique que tente l'Europe". Il y voit "le mouvement typique d'hommes masse, dirigés… par des hommes médiocres, intempestifs, sans grande mémoire. L'un et l'autre sont de fausses aurores... qui "n'apportent pas le matin de demain" ( p.168)

On trouve dans cet ouvrage une pénétrante analyse de l'apparition de l’État, de ses interventions dans la vie, dans l'économie (p. 193 et suiv.) mais aussi de son essence :

L'urbs, la polis, commence par être un creux : le forum, l'agora et tout le reste est un prétexte pour protéger ce vide, pour délimiter son contour. La polis n'est pas tout d'abord un ensemble de maisons habitables mais un lieu destiné à l'unité civile… pour discuter sur la chose publique (p. 226)

Ce livre est daté des crises de l'entre deux guerre et de la Guerre d'Espagne, qui est la déchirure de l'auteur. Mais sa pensée garde un étrange actualité. Sa description du rejet des élites par les "hommes masses", du discrédit de l'homme cultivé, de la montée de l’irrationalisme évoque les formes modernes du populisme (Trump, Berlusconi, pour se limiter aux exemples étrangers !).

Puissent ses réflexions sur l'Europe, si mal en point aujourd'hui, être aussi prophétiques : " L'Europe ne sera pas l'inter-nation ... . l'Europe sera l'ultra-nation... Les nations européennes atteignent aujourd'hui leurs propres limites, et le choc suivant sera la nouvelle intégration de l'Europe.... Ce n'est qu'en passant par une étape de nationalismes exacerbés que l'on peut atteindre l'unité pleine et concrète l'Europe ».
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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La révolte des masses

Une critique originale de l'époque moderne: les masses d'aujourd'hui se comportent au sein des sociétés de haute culture comme dans la nature, comme si celles-ci étaient naturelles. La vision d'un libéral aristocrate un peu unique en son genre.
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La mission du bibliothécaire

Au vu des notes mirifiques, j'ai l'impression d'être passé à côté de ce document ; il est certes l’œuvre de son temps (1935), mais je n'y vois qu'un gloubi-boulga pseudo-philosophique sans queue ni tête, tout à fait à côté de ce qu'est devenu la mission de bibliothécaire (ou très mal énoncé). Il est intéressant de noter l'évolution de la pratique, mais je ne me sens pas plus élevée après avoir lu ce livre et je crains de devoir un jour ressortir tout ça à un concours.
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L'Histoire comme système

Court mais très intéressant essai, par le philosophe espagnol Ortega y Gasset, écrit en 1934. Avec une critique sur le rationalisme et la science, et un plaidoyer pour une approche plus historiciste. À bien des égards, il contient des aperçus de ce qui est devenu plus tard la pensée systémique, et même du postmodernisme et du narrativisme. Voir mon critique dans mon profil historique sur Goodreads: https://www.goodreads.com/review/show/2440648884.
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Misère et splendeur de la traduction

Les Belles Lettres ont eu l’excellente idée de publier une édition bilingue (le texte espagnol figure en page de gauche, la traduction française, en page de droite) d’un essai de José Ortega y Gasset (1883-1955) sur la traduction et, plus largement, le langage. Bel exemple de mise en abîme (traduire un écrit sur la traduction doit être stressant, surtout quand ledit écrit pointe les insuffisances de toute traduction…), ce bref texte mêlant philosophie, anthropologie, linguistique, littérature — le titre même renvoie au roman fameux de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes — adopte la forme pertinente d’une conversation entre personnes de bonne société, en l’occurrence, entre des membres du Collège de France et un conférencier invité (le narrateur). Quel meilleur lieu choisir, pour parler de la traduction, que cette vénérable institution créée précisément autour de la question de la traduction des textes antiques à la Renaissance ?



Bien que nous soyons dans la fiction — le narrateur n’est pas l’auteur, même s’il adopte incontestablement ses idées parfois —, les théories et opinions énoncées au cours de cette conversation polyphonique divisée en cinq temps-chapitres sont celles de penseurs et savants réels de l’époque (c’est-à-dire les années 1930), ce qui offre au lecteur un bel exercice de révision ou de découverte. Ortega y Gasset envisage les limites et possibilités de la traduction, pose les problèmes que rencontre le traducteur, les enjeux de toute version, etc. Il nous invite à réfléchir et à riposter, en un mot, à entrer dans le débat, ne serait-ce qu’en énonçant des paradoxes qui ne sauraient laisser indifférents, ou en lançant des piques contre le français (et les Français). Exemple de ces incitations piquantes :

"Yo siento que mis últimas palabras en esta reunión sean involuntariamente agresivas, pero el tema de que hablamos las impone. Son éstas: de todas las lenguas europeas, la que menos facilita la faena de traducir es la francesa…"

["Je regrette de devoir mettre un terme à notre réunion sur des paroles involontairement agressives, mais notre sujet nous y oblige. Les voici : de toutes les langues européennes, celle qui facilite le moins la tâche du traducteur est la langue française…"]

À ce texte en soi intéressant s’ajoutent d’excellentes annexes : l’introduction de François Géal, qui a dirigé la traduction du texte de l’écrivain espagnol, et la postface de Jean-Yves Masson, qui revient sur les concepts et théories mis en jeu dans l’essai.

Pour toutes ces raisons, ce petit volume saura captiver un public divers : hispanistes confirmés ou amateurs, traducteurs, linguistes, curieux de l’anthropologie, et plus simplement lecteurs désireux d’aborder quelque chose de neuf ! Cerise sur le gâteau (miel sobre hojuelas, pour le dire comme Ortega y Gasset), la mise en page, la typographie, le papier sont élégants !
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Méditation sur la technique

Le philosophe espagnol (1883-1955) a prononcé, dans les années 1930, plusieurs conférences sur la technique. Réflexion passionnante d’un auteur méconnu en France.


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La déshumanisation de l'art : Suivi de Idées su..

Le roman français exsude un parfum de charnier : il est rempli de corps en décomposition que quelques habiles embaumeurs maquillent avec les couleurs de la vie.

Beigbeder, Meyronnis, Haenel, Sollers, Binet, Ezine, Claro, Enard, Gaudé, ces noms et tant d'autres ne sont plus portés par des écrivains français. Ils ne sont peut-être même plus portés par des hommes vivants.
Lien : http://stalker.hautetfort.co..
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Espana invertebrada

En España invertebrada, José Ortega y Gasset (1883-1955) se propuso analizar la crisis política y social de la España de su época. Aplicando el método de la razón histórica, realizó un estudio del proceso general de integración y descomposición de las naciones, así como la explicación de fenómenos característicos de la historia de España. Según Ortega, la desarticulación de España como nación radica en la crisis histórica de su proyecto de vida en común: "era la propia España el problema primero de cualquier política". La acción directa de determinados grupos sociales, los pronunciamientos, los regionalismos y los separatismos (empezando por la propia Castilla), son reflejo de un "proceso de desintegración que avanza en riguroso orden dice el filósofo, desde la periferia al centro, de forma que el desprendimiento de las últimas posesiones ultramarinas parece ser la señal para el comienzo de una dispersión interpeninsular". Todo su planteamiento convierte este libro en un clásico del pensamiento
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Études sur l'amour

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Études sur l'amour

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La révolte des masses

"Etre de gauche ou être de droite, c’est choisir une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile ; toutes deux, en effet, sont des formes d’hémiplégie morale." Extrait du prologue de la première édition française, en 1937, de son célèbre ouvrage la Révolte des masses
Lien : http://www.lespectacledumond..
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