Chaque dimanche sur Europe 1, dans l'émission « Carnets du monde », Josef Schovanec, philosophe-saltimbanque de l'autisme et de la différence, tient la chronique « Voyage en Autistan », dans laquelle il pose un regard plein d'humour et d'érudition sur un pays, une culture, une langue, une cérémonie, un plat national... Mêlant grande histoire et petites anecdotes recueillies au fil de ses nombreux périples sur tous les continents - il est chercheur spécialiste de la philosophie des religions et des coutumes -, cet infatigable globe-trotter et polyglotte nous prouve que voyages et autisme ne sont pas contradictoires, bien au contraire ! Car les voyages revêtent une importance particulière pour toutes les personnes autistes : ailleurs, elles se sentent enfin comme les autres. Avec ce nouveau recueil de ses meilleures chroniques, vous ne verrez plus notre planète du même oeil !
http://www.gibertjoseph.com/voyages-en-autistan-chroniques-des-carnets-du-monde-saison-2-8285287.html
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Je me dis qu’il n’y a aucun mal à rester un enfant. Quand on voit ce que font les adultes…
Chaque être humain a son univers, son monde intérieur, et s’il ne l’avait pas ce serait extrêmement triste. Il est toutes sortes de tentatives dans notre monde moderne de mettre fin à ce jardin intérieur, une pression publicitaire, médicale, économique de supprimer cette parcelle non productive, cette perte de temps, cette anomalie.

Plus sérieusement, je me demande quelle est la prison intérieure des gens en général. Je connais des personnes qui passent pour parfaitement normales, qui vont travailler le matin, restent au bureau le soir jusqu'à je ne sais quelle heure, puis prennent le métro, rentrent chez elles, regardent la télé pendant une heure, se font à manger, se couchent, avant de recommencer le lendemain. Quand on entame une conversation avec elles, il y a peut-être deux ou trois sujets à aborder, et en dix secondes on est déjà parvenu au bout de leurs convictions. Par exemple, elles soutiennent tel ou tel club de foot, votent pour tel ou tel parti. Qand on essaie de leur demander pourquoi, elles répondent: mais tu vois bien que l'autre, c'est un imbécile! Lui, il va gagner, c'est évident, vous avez vu comme l'autre est nul! Ces gens-là sont considérés comme normaux et libres. Si on prend la peine de regarder honnêtement les personnes avec autisme, je crois qu'elles manifestent pour beaucoup, sur un bon nombre de points, une plus grande souplesse que ces autres personnes.
Il ne faut pas croire que les autistes ont des stéréotypies et que les non-autistes n’en ont pas. Les stéréotypies des personnes non autistes passent simplement pour naturelles, sont mieux acceptées socialement.
Je me méfie des théories qui voudraient réduire l’être humain à un mécanisme d’horlogerie. Je crois que l’être humain est beaucoup plus composite, en mouvement. Ne l’enfermons pas, ne nous enfermons pas dans une case. Il nous en manquerait une.
Vous ne devez pas dire à une vieille dame qui avance : « Allez ! Je vous laisse passer. Vous êtes très vieille, je le vois à votre visage ridé. » Ce serait perçu comme blessant. Pourtant, la dame doit bien se rendre compte qu’on la laisse passer parce qu’on voit qu’elle est vieille. Mais elle ne veut pas l’entendre.
Certaines personnes que l'ai pu croiser dans le monde de la politique ont des compétences sociales hors du commun. certaines sont pourtant, ou à cause de cela, des personnages infects. Leur visage ne reflète jamais leurs émotions, mais constitue une sorte d'artifice permanent pour désarçonner l'autre et profiter du moment opportun pour parvenir à leur fin.
Nous nous acheminons peu à peu vers la question qui hante la scolarité : si vous ne savez ni jouer au cerceau, ni nouer vos lacets, mais que vous vous passionnez pour le calcul différentiel, avez-vous les compétences pour passer en année supérieure de maternelle ?
Quand on me demande ce que j'ai fait ce week-end, je suis obligé de répondre des choses qui ne sont pas socialement valorisantes, ou ne passent pas pour intéressantes. Donc, soit j'évite la machine à café, quitte à m'exposer à divers ragots, soit j'essaie de naviguer entre l'écueil du mensonge et la vérité entière et nue que je ne peux pas non plus dire. Le soir, quand on rentre, on se dit : "Pourquoi tout cela ?" Les gens ne sont pas idiots, ils doivent bien se rendre compte que tout le monde triche, d'une manière ou d'une autre.
Il n’y a pas que la violence physique qui pose problème. La violence verbale marque probablement encore davantage.