AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Josep Pla (16)


Le drame de la littérature est toujours le même : il est beaucoup plus difficile de décrire que de donner son opinion. Infiniment plus. C'est pour cela que tout le monde donne son opinion.
Commenter  J’apprécie          120
Un certain nombre de personnes vivent de leurs rentes - et c'est une chose notoire et sûre. Mais l'écriture est encore plus puissante ; elle permet de vivre de l'air du temps, de pressentiments, de calembredaines, d'hypothèses et de prophéties.
Commenter  J’apprécie          50
En réalité, la modification de mon style - c'est une chose curieuse - me donne une idée extrêmement précise et juste de ma position sur terre : de mon insignifiance absolue et irrémédiable. Au cours des années précédentes, avec mes grands airs, - dus à ma jeunesse - et mon style emberlificoté et prétentieux, j'avais un peu perdu de vue l'existence de cette notion. Elle s'était troublée plutôt plus que moins. A présent, j'ai commencé à en avoir une idée plus claire, plus exacte, et cela m'a fait un grand bien et m'a apaisé. Lorsque j'ai compris que j'avais des prédispositions pour vivre seul et que je n'aimais pas beaucoup déranger les autres par ma présence, j'ai plutôt considéré cela comme un point positif.
Commenter  J’apprécie          50
Le déjeuner est typique. On voit d'abord arriver un grand plat de moules de roches, bien pleines, parfumées, qui ont la saveur de la mer. La moule de roche est le fruit de mer le plus savoureux de ce pays. Ensuite un plat de riz à l'encre de sèche du pays et une succulente sauce tomate, du poisson et du poulet. Puis la traditionnelle portion de langouste grillée. Le parfum des carapaces des langoustes, léchées par le feu, emplit la salle à manger d'une odeur agréable. Comme il fait chaud et que l'ensemble des résidents du quartier déjeune les portes et les fenêtres ouvertes, le Canadell (plage de Palafrugell) est envahi d'un petit bruit d'assiettes, de cuillères et de fourchettes absolument évocateur et qui, en ce qui me concerne, est inséparable de l'odeur des carapaces de langoustes. Enfin, c'est le tour du dessert : le braç de gitano, le fameux biscuit roulé à la crème, confectionné par la confiserie Comas et le biscuit moelleux et délicieux, avec une petite pointe de citron et de cannelle, qu'a fait livrer grand-mère Marieta. Et pour parfaire le tout - une coutume attachée à cette fête- (la sainte Marie) - on voit apparaître un mantecado, ce merveilleux gâteau au saindoux, préparé dans un seau en bois plein de glace et un récipient contenant les ingrédients nécessaires - un récipient qu'on fait tourner avec un petit engrenage actionné par une manivelle. Et, à la toute fin, le café, qui est habituellement délicieux, parfumé et d'une saveur extrêmement agréable grâce - selon la rumeur publique - à l'eau si légère des sources de la région.
Commenter  J’apprécie          40
A mon avis, le pire effet que produit ce genre d'établissement (l'université) est le gauchissement qu'il produit dans notre sensibilité, dans notre intelligence et notre caractère. On tend à voir les choses, non pas comme elles sont réellement, mais à travers un écran qui se superpose à la réalité. Il ne s'agit pas de faire un effort pour passer des choses simples aux choses plus complexes - comme l'exige en général la vie - afin d'aboutir à une certaine représentation humaine de la quintessence. Non. Il s'agit d'un effort de simplification tout en tentant d'éviter les pièges d'une systématisation à outrance. L'université montre les choses en tout petit, comme si on était myope, elle favorise la trouvaille, le truc, la ruse, l'habileté, et tente de transformer la mélancolie en raison de vivre. Le savoir ne compte pas énormément à l'université : ce qui compte c'est d'être reçu aux examens. J'ai passé cinq ans de ma vie à la faculté de droit : je n'ai jamais entendu parler, ne serait-ce que pour faire bien, de justice. Je n'ai jamais entendu prononcer le mot lui-même. Ç'aurait sans doute été déplacé dans une institution qui prétend former des fripouilles, plutôt que des personnes d'une certaine qualité humaine. Ainsi, cet établissement d'enseignement fournit des armes puissantes aux gens sans foi ni loi, aux petits ambitieux, aux rusés sans limites, aux fanatiques et aux outrecuidants. On y apprend l'art de la simulation, du croche-pied, de la flatterie et de la roublardise. On n'y combat jamais avec franchise et noblement. L'université étouffe les tempéraments forts, elle finit même par les corrompre.
Commenter  J’apprécie          40
Un vapeur, je ne connais pas son nom, reliait Gibraltar à Livourne, en suivant sa route habituelle. Il avait été surpris par le mauvais temps et s'était approché de la côte en cherchant un peu de calme. C'était Noël. L'ensemble de l'équipage avait envie de faire la fête. Ils avaient bloqué le gouvernail. Ils étaient épuisés d'avoir affronté la tempête. Ils avaient mangé, bu, chanté jusqu'à s'enivrer. Le vapeur avait navigué pendant plusieurs heures sans être barré, et au début de la nuit, il avait fini par frapper les îles Formigues. Une voie d'eau s'était ouverte et le bâtiment s'était échoué sur les îlots et les récifs. Tout en poussant des hurlements infernaux, l'équipage avait mis un canot de sauvetage à l'eau, puis s'était dirigé vers les lumières qui semblaient les plus proches, à terre. Lorsque les hommes avaient accosté, ils étaient à moitié morts, incapables de réaliser ce qui s'était passé. Ils avaient mis le feu à la taverne puis, une fois la panique dissipée, l'ébriété avait repris le dessus et ils s'étaient endormis comme de vraies bêtes.
Il faisait nuit noire, une nuit cependant extrêmement sereine. La mer était muette. On apercevait, au loin, une lumière verte immobile : c'était le feu tribord du vapeur resté allumé par on ne sait quel hasard. Cette lumière abandonnée était une tentation. Les gens l'observaient avec une certaine joie dans les yeux. Des ombres étaient descendues à la plage et avaient mis les embarcations à l'eau. Ramant en silence - les rames soulevaient de petits papillons de lumière - elles s'étaient approchées du navire. La carcasse ressemblait à l'ombre d'un fantôme mort. Elles avaient d'abord escaladé la coque à quatre pattes puis, à l'aide de cordes qu'on avait larguées depuis le pont, elles avaient chargé le butin dans leurs embarcations. Pendant la mise à sac, on n'avait pas entendu un mot. C'est vraiment agréable de piller un vapeur. Au petit matin, tout était fini, les gens dormaient paisiblement dans leur lit, en toute quiétude.
Commenter  J’apprécie          20
Bien ! Si vous recherchez Le Jonquet sur une carte marine, vous le trouverez au fond et à suroît de la grand'baie du Guillola. La calanque, orientée comme la baie de Cadaqués, tournant donc le dos au mistral, est une entaille formée par un torrent - celui de Puig Alt - entre deux parois minérales de faible hauteur. Sur celle située au levant, sont disposées une olivaie et un abri à demi délabré ; sur celle située au ponant, se trouvent l'olivaie évoquée, ainsi qu'une masure parfaitement conservée. Au pied de cette dernière, se tient une plage en réduction, particulièrement étroite, de sable fin et couleur de plomb, sur laquelle deux ou trois embarcations de pêcheurs de Cadaqués ont pris l'habitude de s'installer durant la campagne d'été. L'hiver, l'endroit est parfaitement retiré du monde.
Commenter  J’apprécie          20
Je me souviens encore de cette nuit de Noël dans le village, de la risée furieuse d'un mistral qui s'était attablé le soir pour ne cesser de hurler, ne fléchissant pas une seconde durant deux journées, ainsi que du ciel pur et acéré, d'une dureté minérale et d'un bleu délavé, avec les pointes de feu de ses étoiles étincelantes.
A la sortie du bal, un groupe de trois ou quatre soldats grisés par l'alcool ou, peut-être plus encore, par le sentiment de liberté diffusé par une fête aussi marquante, tous vociférant et tous suffocant de chaleur malgré la nuit glaciale, avaient atteint le Bar MarÍtim. Devant l'établissement, sur la plage, se trouvait une petite embarcation. Ces innocents aux mains pleines s'étaient mis en tête de la lancer à la mer, et de faire un tour dans la baie. Devant ces intentions, quelques clients avaient tenté de leur faire comprendre les risques d'un pareil égarement. Mais comme ces galapiats venaient de l'intérieur des terres, personne n'avait réussi à leur faire entendre quelque argument qui eût pu les détourner de leur serment d'ivrogne. Il faut savoir qu'à Cadaqués, le mistral est trompeur. Comme c'est un vent qui souffle depuis la plage, la mer reste calme en bordure du rivage. C'était peine perdue que d'essayer de faire comprendre à ces bougres que tout n'était que ressacs à vingt brasses de là. On distinguait parfaitement le phénomène : le vent soulevait une poussière d'écume très fine, une sorte de fumée de particules de verre, comme un tulle illusion brodé d'une seule pièce, éthéré, et d'un blanc resplendissant. La virulence des points de vue entre tous ces hommes avait été bien près de transformer la confrontation en bagarre. Finalement, les jeunes gens avaient poussé l'embarcation dans l'eau. Puis, ils étaient montés à bord.
Inutile, je pense, de le préciser : personne n'a plus jamais entendu parler de ces pauvres malheureux, aucune trace de l'embarcation n'est apparue en quelque endroit, et sûr que personne n'en saura plus jamais rien, pour autant d'années qu'il lui reste à vivre.
Commenter  J’apprécie          20
Pour Barcelone, pour Gaudi .....
Commenter  J’apprécie          20
Bien que j'aie un esprit casanier, (...), bien que la plupart de mes amis d'ici soient très intéressants et que je ne me sois jamais ennuyé en leur présence (...), bien que certains d'entre eux m'aient enseigné et fait découvrir de nombreuses choses, que sans doute je ne retrouverai nulle part ailleurs - probablement en raison d'une trouble et mystérieuse affinité commune due à notre enracinement dans cette région -, dans le fond, je me sens heureux d'avoir entrepris un chemin qui m'éloignera de Palafrugell et de ce coin de terre. Je ne veux pas dire que la vie est étouffante dans les villages ni qu'elle finit par détruire la personnalité de chacun, grande ou petite, car il est tout à fait possible d'y acquérir une formation intellectuelle et d'avoir une certaine culture (parfois grande) malgré ce que peuvent en penser les érudits des sociétés centralistes. Je crois que cela est cependant très difficile, car l'environnement général est considérablement réduit, intime et finalement plutôt pauvre - ce qui demande un surplus de personnalité. L'excès de proximité sécrète, par ailleurs, beaucoup d'ennui, et l'ennui finit par venir à bout de la volonté de chacun, ce qui ne signifie cependant pas qu'on ne puisse pas en avoir. Bref, bien qu'habiter dans un village soit difficile, il existe à mon avis une chose plus difficile encore : c'est d'en partir. Voilà précisément pourquoi j'ai fait ce choix. J'ai fait ce choix, non pas en pensant au bénéfice que je vais en tirer, car rien n'est sûr, et celui-ci peut se révéler médiocre, ou même nul, si ce n'est négatif - sauf s'il se présente quelque chose d'inattendu. Parlons clair : j'ai fait ce choix pour justement vaincre la difficulté de l'entreprendre.
Commenter  J’apprécie          10
(Gori) me disait aujourd'hui, dans son bureau, que s'il existe littérairement un homme dans le faux, égaré et mal orienté, c'est bien moi.
- la littérature, disait-il, doit être idéaliste, fine, exceptionnelle, distinguée, elle doit venir d'ici.
Et il portait sa main à son coeur.
- Et pourquoi la littérature doit-elle être ainsi ? lui dis-je.
Elle doit être ainsi car la littérature est là pour les moments où l'on n'a rien à faire, ce sont les seuls moments pendant lesquels il peut y avoir une vague possibilité que les gens veuillent se distraire en lisant un livre. L'homme n'a pas été envoyé sur terre pour lire des livres. Détrompez-vous... Le seul problème sérieux de l'homme dans ce monde est de subsister, autrement dit de gagner et de dépenser de l'argent. Nous, les hommes et les femmes, consacrons quatre-vingt-dix-huit pour cent de notre existence consciente à résoudre ce problème. Et peut-être suis-je même en deçà de la réalité. La littérature sera donc toujours un loisir du dimanche après-midi, qui est le moment du jour de la semaine le plus approprié - et ce que je dis maintenant était bien plus vrai quelques années auparavant, car maintenant il y a le cinéma - pour que les gens puissent oublier un instant leur obsession permanente. Si les choses sont ainsi, comment voulez-vous que les gens apprécient votre littérature crue, désincarnée, réaliste ? Comment voulez-vous qu'ils s'y attachent puisqu'ils sont saturés, repus, de ce que vous leur proposez ? Votre littérature est redondante, terre à terre, vulgaire, d'une indigeste évidence...
(...)
Puis, après une pause, pendant laquelle ses petits éclats de rire sonores se dissipent dans l'air du petit bureau :
- Résumons-nous ! dit-il. Vous, vous aimez la littérature de façon quotidienne. Cela vous conduit à donner trop d'importance à votre métier. C'est pour cette raison que toute la littérature qui s'écrit aujourd'hui est pédante. Je crois que cela vous ferait du bien de ne pas oublier que votre métier n'avait jamais prétendu à rien d'autre, jusqu'à il y a quelques années, qu'à entrer chez les gens, par l'escalier de service. Moi, en revanche, j'aime la bonne littérature, qui est la littérature exceptionnelle, celle que recueille des sentiments singuliers, je veux parler de la littérature des dimanches après-midi, la belle...
Commenter  J’apprécie          10
Josep Pla
No us deixeu mai enlluernar per les frases brillants.

Josep Pla (Palafrugell 1897-Llofriu 1981)

Ne vous laissez jamais éblouir par les phrases qui brillent.
Commenter  J’apprécie          10
Ce paysage grandiose a, comme tous les paysages, ses jours, ses heures, ses instants. (...) C'était un jour d'un gris pigmenté de jaune ; la mer, calme, affichait une couleur d'absinthe diluée. Le monde minéral noircissait, luisant en un fourmillement de bave d'escargot. Les arbres, chargés d'humidité, semblaient accablés sous leur propre poids. Les olivaies avaient perdu leur légèreté aérienne et déliée. L'air affichait une quiétude alanguie. Dans la porosité légèrement embuée de l'atmosphère, les blancs des murs de Cadaqués prenaient un ton spongieux et mou, à la façon d'une crème inconsistante. Réfléchies sur l'eau perlée de la baie, ces couleurs blanches provoquaient les palpitations de la gamme complète des gris, tremblante, ténue, craintive. La fumés sortait lentement des cheminées, et elle se fondait dans le ciel bas et couleur de chocolat à la française.
Commenter  J’apprécie          10
Les confiseries et le vin doux forment une alliance à vous écœurer à jamais.
(25 décembre 1918)
Commenter  J’apprécie          10
8 mars. On a dénombré une telle quantité de cas de grippe qu'on a dû fermer l'Université.
Commenter  J’apprécie          00
J’entends la famille parler avec enthousiasme de la messe de minuit. Je ne parviens pas à m’y intéresser le moins du monde.
(23 décembre 1918)
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Josep Pla (19)Voir plus

Quiz Voir plus

La Réunion ....

La Réunion est une île de l'océan ..........

atlantique
indien
pacifique

12 questions
91 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , géographie , île de la réunionCréer un quiz sur cet auteur

{* *}