On peut faire circuler un robot sur Mars, on peut donner des érections infinies à des septuagénaires, on peut s'immerger dans des réalités virtuelles, mais, jusqu'ici, il était a peu près impossible d'éviter des avances insistantes et de se défendre en cas d'agression sexuelle [...]
Elles se sont donc concentrées sur leurs propres corps, sur leurs réactions, sur leurs besoins, et sur cette chose qui s’impose si souvent à elles, sans qu’elles aient leur mot à dire: le viol.
Dans sa vie, elle n’a fait que rencontrer une procession infinie d’hommes ordinaires, d’hommes décevants, mais elle garde le souvenir vif et intact de la satisfaction qu’elle ressent au moment de la pénétration, elle aime leurs queues dans sa bouche, elle aime leurs regards parsemés de confusion et de désir, elle aime leurs grosses mains, elle aime aussi cultiver leur absence.
Ensemble, ils accélèrent la cadence, alors qu’elle continue de poser la même question, et qu’il continue d’offrir la même réponse, et que ses coups de bassin deviennent plus violents. On s’éloigne de la douceur première, de l’arrivée, de l’accueil, de la politesse, des considérations techniques; pendant un moment que personne n’a calculé, on n’entend que la fusion humide de leurs corps attachés, il halète, elle gémit, il transpire, elle mouille, ils pratiquent une mécanique antique. Ensuite, elle le ressent, elle le sait: il est venu tant de fois dans sa chatte, dans ses mains, dans sa bouche, sur son visage, sur ses seins et dans son cul qu’elle sait prédire avec une certaine justesse le moment où il va venir. Elle sait comment le retarder et le devancer.
Jamais elle ne l’a autant méprisé, un mépris alimenté par l’indifférence et l’impatience, comme un désespoir issu de son incapacité à lire quoi que ce soit, de son manque de volonté quasi total qui l’empêche de la saisir quand il n’est pas en train de la prendre.
Les hommes les traitent de putes en imaginant que c'est peut-être la première fois qu'elles entendent ce mots, en croyant que c'est uniquement dans ce nouveau contexte que l'insulte sort si facilement des lèvres des hommes.
Il baise des femmes dans la trentaine; elles sont matures, complexées et préoccupées par leurs vies professionnelles. Elles ne savent pas où elles vont, mais elles ne sont pas gênées à l’idée de se mettre un godemiché dans l’anus pendant qu’il lèche leurs lèvres. Les femmes dans la quarantaine ont connu des partenaires décevants, parfois pendant plus d’une décennie. Elles ont hérité des victoires de la révolution sexuelle, ça leur a surtout donné le droit de multiplier les échanges sans conséquences familiales, pas nécessairement d’explorer les multiples avenues du plaisir.
Louis baise en toute légalité, mais il est conscient du caractère moral et parfois éphémère des lois: les fillettes qui servaient autrefois au mariage et à la reproduction sont désormais hors d’accès. Avant, on les mariait jeunes et les hommes plus âgés les baisaient parce qu’elles pouvaient faire des enfants. Louis regarde les filles de quinze ans, de seize ans, de dix-sept ans: elles sont fraîches et disponibles, elles sont capables de plaisir, elles sont souvent sexuellement actives, mais il s’éloigne de la jeunesse excessive.
Il a bu de l’alcool, sans en apprécier le goût ni l’effet, que ce soit sur lui ou sur ses contemporains: c’est l’élixir des bouffons. Il en comprend le potentiel en matière de désinhibition. Mais il suffit de se libérer de ses chaînes de sobriété pour ne pas avoir à les rouiller dans l’alcool. Il a fumé du weed aussi, mais la contemplation méditative est trop souvent suivie de paranoïas injustifiées. Il y a assez de choses à craindre dans la vie sans avoir à s’en inventer.
Louis est une éponge sexuelle, un miroir érotique; il ne cherche qu’à refléter le désir profond de sa partenaire. C’est en plaçant sa main près du cou de sa maîtresse et en voyant qu’elle pose la sienne par-dessus, avec une certaine pression, qu’il sait qu’elle veut qu’il lui serre un peu la gorge. C’est en mesurant la réaction au contact de ses dents qui mordillent tranquillement un mamelon qu’il comprend s’il doit mordre, lécher, tâter ou laisser tranquille.