Se tutoyer était sans doute le défi le plus immense qu’ils aient eu à relever tous les deux. Ensuite, tout se déroula comme une évidence. Six mois après ce dîner, ils épluchaient les annonces immobilières pour trouver un appartement. Un an après, ils étaient mariés, et avides de chaque instant passé ensemble – leurs plannings leur en laissaient si peu ! Ils savaient que la seule profession qui divorce plus que les flics, ce sont les médecins… mais ce qui les unissait allait bien au-delà des liens sacrés du mariage. Fusionnels, comme des âmes sœurs, ils se rendaient plus forts mutuellement, malgré la misère et les horreurs auxquelles leurs métiers les confrontaient si souvent. C’était une chance extraordinaire et ils feraient tout pour la préserver, ils se l’étaient promis.
En tout cas, je vais profiter de sa belle voiture de médecin et c'est lui qui va m'emmener au CHU. Toi, tu peux retourner au commissariat commencer à entendre rapidement l'autre ordure pour voir ce qu'elle a à dire et vérifier que la procédure est carrée ?
Sylvestre avait prévenu Joao : ce n’était pas une bonne idée, les Algériens. Ces mecs-là avaient de la rancœur, toujours à s’imaginer qu’ils jouaient les sous-fifres par pur manque de chance. À la première occasion, ils avaient essayé de doubler Joao et Adrian. Adrian avait proposé de leur éclater la gueule, comme il en avait l’habitude, mais Sylvestre avait mis la pression à Joao pour qu’il élimine les deux traîtres, et de manière spectaculaire si possible. Leurs affaires florissantes créaient beaucoup d’envieux, il était urgent de réapprendre le respect à tout le monde. Tout en restant prudents.
Devenir flic ne passait pas seulement par les amphis, et chaque étudiant devait effectuer des stages dans différentes unités ; Myriam avait choisi la Brigade des mineurs, à Créteil. Alors qu’elle n’était dans le service que depuis deux jours, une jeune fille timide et extrêmement mince s’était présentée en fin d’après-midi avec une amie qui lui tenait la main ; elle avait dit vouloir porter plainte pour viol.
Sa conviction était qu’il n’y avait statistiquement pas plus de cons dans ce corps de métier qu’ailleurs, pas plus que chez les flics par exemple. Elle jugeait davantage les gens sur l’usage qu’ils faisaient de leur pouvoir, quel qu’il soit, que sur leur capacité à se montrer « sympas », effort qu’elle-même ne faisait que lorsque la personne en face en valait la peine.
Curieuse de nature, Myriam s’était très tôt passionnée pour le corps humain, son fonctionnement, ses pathologies. Et son père, espérant secrètement qu’elle deviendrait médecin à son tour, avait été ravi de lui transmettre des connaissances qui la rendaient plutôt atypique dans son entourage de flics.
Parce qu'il était né un 13 septembre, Aimé avait reçu un prénom dont le sens fut aussitôt perdu.
Son charisme naturel lui offrait mille opportunités que son tempérament ombrageux lui faisait en général gâcher plus ou moins rapidement.
De permanence depuis la veille, ils en portaient les stigmates : cernes, vêtements froissés, gestes caféinés.
Il était le 4ème à arriver dans une famille où chaque jour était un combat perdu d'avance.