Nous partirons malgré nous, comme tous ces autres Malgré-Nous lorrains, mais aussi alsaciens, belges germanophones, polonais, tchèques et luxembourgeois. Quatre-vingt-dix pour cent de ces Malgré-Nous seront envoyés sur le front de l'Est. Les autres iront sur les fronts d'Italie, de Yougoslavie ou, comme nous, dans la marine.
Nous partirons malgré nous, comme tous ces autres Malgré-Nous lorrains, mais aussi alsaciens, belges germanophones, polonais, tchèques et luxembourgeois. Quatre-vingt-dix pour cent de ces Malgré-Nous seront envoyés sur le front de l'Est. Les autres iront sur les fronts d'Italie, de Yougoslavie ou, comme nous, dans la marine.
"Ma vie s'enracine sur cette frontière entre la Lorraine française et la Sarre allemande. J'y suis né en 1926, dans un petit village du nom de Holling (Hollingen sous l'Occupation). Le 16 mars 1944, je rejoignais la destinée de ces Malgré-Nous. Notre seule issue fut de faire semblant, en résistant intérieurement, car partir dans la Résistance c'était livrer nos familles aux implacables représailles nazies. Incorporé dans l'armée allemande, je le resterai jusqu'au 7 juin 1945.
Nous avons tous souffert du rejet, du mépris, de l'incompréhension, au mieux de l'indifférence. Cette histoire, je l'ai peu racontée, car elle faisait remonter en moi trop de souffrances. Mais je l'ai racontée trois fois à ma fille, qui témoigne ici en mon nom."
Je vois autour de moi les jeunes partir un à un dans l'armée allemande ou disparaître. Ils manquent douloureusement et nous avons toujours peur pour eux. Nous sommes révoltés par cette injustice faite aux frontaliers, la colère s'installe dans nos coeurs. Aucune voix ne se fait entendre dans le gouvernement de la France, ce qui renforce encore notre sentiment d'abandon. La révolte est forte, mais les manifestations de protestation qui commencent à naître sont réprimées violemment et étouffées dans l'oeuf par une Gestapo aux aguets.