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4.07/5 (sur 7 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Latour-d'Auvergne , 1876
Mort(e) à : Nantes , 1940
Biographie :

Joseph Malègue est un écrivain français.
Il appartient à la petite bourgeoisie rurale liée aux notables catholiques. Philosophe, mais de santé fragile, il n’intégrera pas l’École normale supérieure. Docteur en droit, à défaut d’être agrégé de philosophie, il s’étiolera à Savenay (Loire-Atlantique) comme professeur dans une école normale d’instituteurs. Après son mariage, à 47 ans, avec Yvonne Pouzin, première femme à devenir médecin des hôpitaux, il se consacrera à l’écriture d'un roman autobiographique admirablement écrit, AUGUSTIN OU LE MAITRE EST LA (1933), livre brûlant de spiritualité chrétienne, à propos duquel on a parlé de Proust . Les Éditions Plon ayant refusé le manuscrit en 1932, probablement en raison de l’opposition d’un membre du comité proche de l’Action française, il le publia à compte d’auteur en 1933 chez Spes. Onze éditions se succédèrent, jusqu’aux années 1950, atteignant près de 50 000 exemplaires.
Il est mort sans avoir pu terminer un autre ouvrage, PIERRES NOIRES, qui a été publié par ses amis en 1958
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Source : La Croix
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Bibliographie de Joseph Malègue   (4)Voir plus

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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Elle dit : « Ils n’ont plus besoin de moi », ou « ils sont assez en avance sans moi », ou telle autre phrase de sens voisin, qu’Augustin perdit vite, tout à l’étonnement de n’avoir pas, de- puis le premier soir, revu la Marie-de-chez-nous. Elle avait pris son râteau et le tenait d’un balancement juste, harmonieux, équilibré. Pendant qu’elle marchait, il aurait été facile à Augustin de dessiner par la pensée les belles lignes de ses jambes, pour peu qu’il eût osé s’y arrêter. Elle regardait droit et un peu loin, d’un regard raisonnable, aussi posé que sa voix, avec deux yeux précis, sans rêve, qui n’avaient aucune raison de se baisser. Elle était haute, légèrement plus grande qu’Augustin. Il éprouvait, pendant qu’elle parlait au cousin Jules, une sorte de timidité chaude avec un certain pressentiment d’avenir doré, peu soucieux de précision et qui ressemblait à un sourd bonheur. Son œil fixait tantôt une casaque bise sans aucun accessoire, pièce de toile et coups de ciseaux, tantôt des bas de coton gros bleu, tantôt de petits sabots couleur de fumier, aigus, massifs et déli- cats, tantôt d’autres choses qui n’avaient rien à voir avec elle, comme le char de regain ou la machine faneuse.

''Augustin ou Le Maître est là", Le Cerf, Paris, 2014, p. 201.
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Il est trop petit aussi pour savoir que le grand air et les
mille aventures de la rue vont ternir l’éclat de ces images, en fê-
ler le pur émail, l’émietter sur les trottoirs du retour. Avant qu’il
ait le temps d’attaquer le sujet de la « Marquise douairière »,
voici qu’un Monsieur aborde son Papa. Il s’appelle
M. Marguillier. Augustin l’a déjà vu une fois, et ne l’aime pas. Il
a tiré par amitié l’oreille d’Augustin : il a tiré trop fort et lui a
fait mal. Il porte une serviette sous le bras, comme un professeur. Sur son visage, entre des favoris rasés, réside à demeure
un clignotement permanent de ruse et de force.
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– Voyez donc, dit Mme Desgrès des Sablons, pointant vers la pièce d’eau le bout de son ombrelle, voyez remuer ces eaux qu’on croirait immobiles.
De faibles rides rondes naissaient continuellement et s’élargissaient autour de points qui pustulaient sur le glacis bronzé. La peau du petit lac recevait en mille endroits des piqûres de moustiques et les véhiculait jusqu’à ses rives sur des
vaguelettes circulaires.
Anne glissant la main sous le bras de sa tante jouait avec la partie retroussée et festonnée de son gant.
– Ce sont, dit Mme Desgrès des Sablons, des moucherons qui frôlent les eaux.
– Isolément, dit Anne, leurs trajets ne sont pas gracieux. Mais ce foisonnement de lignes brisées n’est pas sans vie ardente, ni sans beauté.
Augustin dit en souriant qu’en effet ce n’était pas la vraie grâce, selon M. Bergson. Puis il se haït de ce pédantisme. Les «sujets divers» donnaient mal...! Nouvelle détresse! Vrai- ment, il était bien moins maître de lui, et dans un trouble plus grand qu’au temps du déjeuner.
Mais Mme Desgrès des Sablons eut la bonté de demander dans cette même langueur estivale, ce qu’était cette vraie grâce, que M. Bergson semblait connaître si particulièrement.
– Elle est faite de lignes courbes, dont le changement de di- rection incessant, fondu et sans heurt exprime sympathie, accueil, effort des hommes et des choses vers nous.
(Autant continuer maintenant, puisqu’il est commencé, ce ridicule développement professoral !)
– Vraiment, dit Mme Desgrès des Sablons, souriant aux pro- fonds entrelacs aériens, est-ce que vous saviez cela, petite Anne ?
– C’est ce qui explique, continuait Augustin, le pathétique de certaines danses...
– Est-ce que vous dansez, Monsieur ?
– Je n’ai, Madame, que des opinions de spectateur. Les évolutions de danseuses, leurs penchements d’épaules, de tête, de corps, de bras arrondis vers vous, vous présentent une offrande d’elles-mêmes qui est l’extrême grâce. Vos désirs, vos rêves, ceux mêmes que vous ne vous êtes pas dits, prennent corps devant vos yeux sans que vous puissiez comprendre par quel sortilège la danse a pu en prendre conscience avant vous, les capter et vous les offrir.
– Oh ! vous rappelez-vous, Anne, la petite fille qui danse dans le tableau de Romney ? La petite fille isolée à la partie droite du tableau de Romney ?
– Children of Earl Gower, dit Anne avec cette perfection spontanée de phonétique anglaise qui suppose des nurses longuement persistantes et sachant leur métier. Et comme ces souvenirs lui plaisaient, elle leur sourit à travers le temps.
– La danse, dit Augustin, s’enfuit le moment d’après, emportant ses offrandes. Elles n’étaient pas pour nous. Elles n’étaient pour personne en particulier. Mais notre sensibilité ne pouvait les lire sur le dessin des lignes sans croire aussi qu’elles lui étaient destinées : condition sine qua non de la lecture. L’œil qui voit l’Univers s’en croit aussi le centre... C’est le pathétique de la danse, que cette offrande et ce refus mêlés.
... (Rage de ces pédantismes ! Rage désespérée ! Il a pour- tant mis çà et là des points de suspension pour n’avoir pas l’air plus qu’il ne fallait de réciter ce couplet de cuistre, qu’il avait honte de poursuivre !)
– Petite Anne, vous rappelez-vous ce que nous avons trouvé sur le visage de cette petite fille ? n’était-ce pas timidité câline ? Rappelez-vous, petite Anne, c’est vous qui l’avez trouvé...
– Toute beauté humaine, lâcha Augustin dans une audace folle et subite, est une offrande de bonheur qui ne s’adresse à personne en particulier, bien qu’elle soit recueillie par ceux que le hasard place devant elle.

"Augustin ou Le Maître est là", éditions du Cerf, Paris, 2014, p. 470-472
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[Augustin et sa mère regrettant qu'il ait perdu la foi]

Il avait déjà constaté cette forme d’esprit chez sa mère. Elle consistait à croire que tout ce qu’on sentait en lui de fermé aux dogmes catholiques, ne leur était contraire que superficiellement, recouvrait des réalités profondes entièrement conformes, quoique discernables aux seuls yeux maternels. Et c’était pour Augustin lui-même, une épreuve que d’ignorer cette conformité.
Cette attitude ne s’affirmait dans aucune phrase directe mais toutes l’impliquaient. Rien, d’ailleurs, en sa mère ne prétendait arracher au secret de leur vie autonome les émotions, les doutes, les désirs, propriété d’Augustin et de personne d’autre. Elle sentait bien qu’elle ne pouvait pas, qu’elle n’eût pas compris. Elle acceptait doucement de ne pas pouvoir et de ne pas comprendre...
– Dieu sait bien reconnaître la bonne volonté, disait-elle, même quand nos pauvres yeux de la terre ne l’aperçoivent pas. Ah ! celui-là...
La comparaison ne s’achevait pas. Ce qui était très philosophique, car avec qui comparer Dieu ?
Augustin se rappelait s’être demandé jadis, dans les mois qui suivirent sa crise et la mort de son père, comment il s’y prendrait pour minimiser à ces femmes [sa mère et sa soeur] la grande transformation de sa pensée. L’amertume qu’elles risquaient d’en ressentir lui était intolérable. Il haïssait les intransigeances dont il avait eu quelques exemples. Elles protégeaient, habituellement, des pensées d’une qualité fort médiocre et des cœurs bas.

[''Augustin ou Le Maître est là'', Cerf, Paris, 2014, p. 374.]
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Remonté chez lui, le lait posé dans la cuisine, Christine lui confia d’un certain air ironique et flatté, honorée à la fois, et se raillant de l’être :
– Nous venons d’avoir une visite.
Augustin se sentit pâlir. C’était l’expression exacte dont elle avait annoncé la venue de M. et Mme Desgrès des Sablons, en des temps tellement différents (quoique tout proches) qu’ils constituaient comme une autre partie de sa vie. Et aussi cet air de respect postiche et de railleuse semi-envie que les gens de petite bourgeoisie à la fois cultivée et pauvre – (et même ceux d’entre eux qu’aucune jalousie n’habite) – prennent presque infailliblement pour parler des classes sociales fort au-dessus de la leur, et qu’ils ne voient qu’en passant.
– Mme Desgrès des Sablons, qu’accompagnait une belle jeune fille de grande mine et, je dois le dire, d’une parfaite séduction de simplicité. Mlle de Préfailles ?
Ceci d’un ton interrogatif et en tournant la tête vers Augustin qui ne répondait pas.
Elle vit une figure d’une blancheur livide, deux yeux ardents et ravagés.

''Augustin ou Le Maître est là'' Le Cerf, Paris, 2014 p. 631-632
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Lorsque Augustin Méridier cherchait à démêler ses plus
lointaines impressions religieuses, il les trouvait très au frais,
mélangées à ses premiers souvenirs, et soigneusement classées
dans deux compartiments de sa mémoire. Il gardait l’un pour la
préfecture de province au Lycée de laquelle son père professait;
il réservait l’autre aux Planèzes. Ce n’était pas la vraie Planèze,
mais de hauts plateaux très voisins, tous semblables, qu’il appelait ainsi parce que ce nom lui avait plu.
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Entre les brancards, le cheval de Tonton baissait la tête,
beaucoup plus bas que ne faisaient les chevaux de la diligence. Il
était aussi bien moins intimidant. Il semblait doux, plein de familiarité. Ce devait être un plaisir pour lui que de véhiculer de
petits enfants. On avait envie de lui parler. De temps en temps il
faisait quelques efforts avec sa queue, avec son pied, pour chasser les mouches. Mais sans aucune impatience. Simplement
parce que, dans le monde des chevaux, c’est un geste traditionnel, dont il n’y a aucune bonne raison de se dispenser.
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Le caractère qui frappa ensuite Augustin dans sa reconstitution de M. Desgrès des Sablons, fut un net relevé d’étoffes grises sur la chaussette couleur bruyère. Après avoir épousé le relief de sa grosse cheville, elle plongeait en une chaussure jaune conservant à travers des traces de services et de crème à chaussure, l’entière précision de sa coupe première. Le tout constituait un pied qui, parce que la jambe était croisée très haut et que le propriétaire de ce pied, étalé dans le fauteuil, occupait beaucoup de place en longueur, se tendait vers Augustin comme une main.

"Augustin ou Le Maître est là'', Le Cerf, Paris, 2014, p. 383.
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[Augustin face à sa mère vieillie]

Sous cette capote, Augustin scrutait le vieux visage. Son cœur se serrait devant chacun de ces regards à la fois limpides et clignotants, tant ils disaient leur volonté de rester dans la joie, comme on rompt le jeûne un jour de fête, – et aussi le désir de ne rien voir des années écoulées entre le passé des tout petits et la minute présente – et même la prétention de s’assurer la complicité de l’avenir, le temps n’étant sans doute qu’indifférent bain neutre, qui ne peut changer les êtres chéris.

"Augustin ou Le Maître est là" Le Cerf, Paris, 2014, p. 366.
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Il n’existait pas dans la petite ville d’autre œuvre de gar-
çons que les patronages populaires ; de son côté, le petit Séminaire était censé suffire à la formation religieuse des jeunes
bourgeois. Rien ne s’appliquait exactement à Augustin. Toute sa
vie morale reposerait, « outre l’exemple familial, bien entendu », sur les Sacrements hebdomadaires. L’abbé insistait sur
leur régularité, en joignant, par le bout des doigts, des mains velues et blanches où logeait une force rurale désaffectée.
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