Josette Dall` Ava-Santucci

Forcer les obstacles hospitaliers n'était guère facile. Mais entrer dans les sociétés médicales relève du pari impossible. [...] Anne Preston s'obstine, comme d'habitude. Elle reçoit en réponse le fatras des prétextes habituels qui éloignent "naturellement" les filles de la médecine. La Société médicale soutient que les femmes ne peuvent avoir la même compétence que leurs homologues masculins parce que les médecins, eux, "exercent depuis des siècles". Comme si la science était une maladie héréditaire... En outre, affirme la même société, jamais les femmes n'ont pratiqué l'art de guérir: il doit bien y avoir une raison à cela. Ignorance historique ou mauvaise foi "scientifique" ? Nul ne saura jamais. [...] en 1888 enfin, une première femme est admise, malgré les contestations des sociétés médicales de l'ensemble des Etats Unis, qui posent la question de l'admission féminine au Comité d'éthique, rien de moins. Elles réitèrent, bien sûr, leurs "bonnes raisons" de refuser les dames. La palme, en la matière, revient à la Société médicale de San Francisco, qui proclame solennellement en 1874 que "les femelles de TOUTES LES ESPECES sont intellectuellement, physiquement et moralement inaptes à la médecine". Les lionnes et les sauterelles n'ont pas dit ce qu'elles en pensaient.

Et puis il y a la peur. Une peur générale, face à un phénomène de société qui dépasse largement le domaine des femmes médecins: l'émancipation des femmes en général par le biais d'un métier. En 1884, Pozzi pose le problème: "Que deviendra la famille lorsque la femme s'étant faite homme, sa place actuelle deviendra vacante ?" Gageons que le débat n'est pas encore tout à fait clos...