Citations de Josette Ségura (15)
Tu aimes cette journée parce qu’elle commence,
la lumière est faible, traversée de pluie
mais ce peu de lumière éponge la nuit .
À la fenêtre…
À la fenêtre,
on guette la neige,
on rêve d’aller comme autrefois
à Cadouin, Monpazier,
Conques, Carennac, Autoire,
fenêtre du poème
et vraie fenêtre donnant sur un toit,
on va d’elle à la feuille
comme si on espérait trouver des miettes.
Le rouge-gorge,
sa petite flamme vole,
sans elle, je le verrais à peine au lever du jour,
on parlera toujours du feu à son sujet,
comme il réchauffe,
lui qui a froid.
LE PARLER DE L’HIVER…
Le parler de l’hiver,
on le reconnaît
à sa façon d’installer du silence
parfois coupé de pluie, de vent,
parfois très pur,
presque un lieu
pour patienter,
lui encore avec sa rugosité, son côté abrupt,
« c’est l’hiver »
et toujours cette impression qu’on ne va pas en sortir,
même si on sait, mais on l’oublie,
que tout va vite.
« ON A TELLEMENT DE SOUVENIRS… »…
Extrait 1
« On a tellement de souvenirs, on ne sait jamais ce qui va réapparaître »,
c’est l’automne, il y a des vignes,
le ciel et la lumière semblent dire toujours,
ce jour-là avec mon jeune frère,
un village, un parc à l’abandon nous avaient arrêtés,
un vieux portail,
l’après-midi fut comme visité
comme cet autre jour à l’intérieur d’un château en ruine où l’herbe poussait,
tout venait de la lenteur d’un temps aérien.
On y arrive,
avec ces trois galets, ce sable,
la plage se peuple,
le chemin s’aplanit,
il est vrai que d’un rien on fait un ravin, une colline,
combat de presque chaque jour,
la routine
on aimerait parfois souffler un peu,
s’abandonner.
page 34
Nous allions à Albi…
Nous allions à Albi,
Anne-Marie faisait griller des sardines au fond du jardin,
c’était l’été, bien sûr,
ou à Veilhes, le Tarn encore,
ça sent le vin de noix, le pastis sur la terrasse,
il fait beau à jamais,
j’aimais ces peupliers qui veillent toujours.
« ON A TELLEMENT DE SOUVENIRS… »…
Extrait 2
Tu as pris tes pinceaux, croyant ne pas trouver les mots
pour parler de mes poèmes,
c’est ainsi lorsqu’on se confie,
toi à tes couleurs, à tes traits,
voilà une belle pomme coupée en deux,
tout est dit,
une main peut tendre, une autre accepter.
DANS TOUTE COMBE…
Extrait 3
Ce matin,
ce silence qui se penche sur la journée qui commence,
sur tout ce qui vient de s’effacer,
cette lettre où quelqu’un s’est forcé,
ce mutisme après une critique,
ce rire, lorsque je suis sortie du magasin rural,
avec mon accent, mes incompétences en jardinage,
je l’ai entendu éclater comme un orage,
comme si pour avancer nous devons laisser de côté,
dans les souvenirs aussi d’ailleurs,
sinon nous trébuchons sur les mêmes pierres.
DANS TOUTE COMBE…
Extrait 2
De part et d’autre de la route, les ombellifères
au pied des frênes ruisselants de lumière,
leurs premières feuilles comme des promesses,
vallée de l’Aveyron toujours envoûtante,
elle commence vraiment à Montricoux,
elle s’ouvre en nous,
puis nous montons vers Penne,
les chênes du causse ont mis leurs feuilles,
nous parlons finalement de choses et d’autres,
du temps qui s’accélère,
de la jeunesse où ça ne comptait pas d’avoir la vie
devant soi,
on n’y pensait pas.
[…]
Journée banale,
rien n'est là pour qu'elle ne le soit pas,
le temps n'arrange rien,
et puis, le lendemain,
des images reviennent,
il a fait beau l'après-midi,
on reçoit l'or de ces moments —
ce n'est pas la première fois —
ce qui cheminait à nos côtés.
ENTRE LA PAROLE ET NOUS…
Extrait 2
Langue dans la langue que nous écoutons
comme en été près du torrent nous nous
laissons bercer par cette voix d'eau et
d'écumes, fasciner par ces traces qui bougent,
ces verreries lorsque le jour a ce mouvement
d'ailes des hauteurs.
ENTRE LA PAROLE ET NOUS…
Extrait 1
Entre la parole et nous, des pelletées de
bruits, de gestes, de visages, l'enchevêtrement
de choses multiples, entre elles et nous, ces
jours, ces années, ce brouhaha d'heures
gaspillées. Nous nous tournons toujours vers
elle qui retrace le chemin issu de tout ce qui
l'empêchait de reparaître.
DANS TOUTE COMBE…
Extrait 1
Dans toute combe,
ce sentiment de traverser un petit pays,
comme si la rivière avait creusé pour protéger,
on y reçoit presque des confidences,
les prés, les arbres, les champs étroits font monter leur
voix, leur silence,
sur le chemin de Carlucet, de Gavaudun
constellé de cardamines.
Retrouvé ta carte,
un hibou de dom Robert,
avec elle ma peine qui te rend si proche,
ces éloignements,
soudain ces retours,
votre présence
avec ce que vous aviez de meilleur.