AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Juan José Saer (188)


Les murs blancs, la lumière de la bougie qui fait trembler, chaque fois qu'elle vacille, mon ombre sur le mur, la fenêtre ouverte sur l'aube silencieuse où l'on n'entend que le grattement de la plume et, de temps en temps, les grincements de la chaise, les jambes qui, engourdies, bougent sous la table, les feuilles de papier que, peu à peu, je remplis de mon écriture lente et qui vont s'empiler sur celles déjà écrites en produisant un crissement particulier qui résonne dans la pièce vide : contre ce mur épais vient battre, à moins que ce ne soit une divagation rapide et fragile d'après-dîner, le vécu.
Commenter  J’apprécie          530
On ne sait jamais quand on naît : l'accouchement est une simple convention. Beaucoup de gens meurent sans être jamais nés ; d'autres naissent à peine, d'autre mal, comme avortés. Certains, par naissances successives, passent de vie en vie, et si la mort ne venait pas les interrompre, ils seraient capables d'épouser le bouquet des mondes possibles à force de naître sans relâche, comme s'ils possédaient une réserve inépuisable d'innocence et d'abandon.
Commenter  J’apprécie          492
L'inconnu est une abstraction ; le connu, un désert ; mais le connu à demi, l'entr'aperçu est le lieu parfait où faire onduler désir et hallucination.
Commenter  J’apprécie          466
Toute vie est un puits de solitude qui va se creusant avec les années. Et moi qui, plus que les autres, vient du néant à cause de ma condition orpheline, j'étais déjà prémuni depuis le début contre cette apparence de compagnie qu'est une famille ; mais cette nuit- là, ma solitude, déjà grande, devint d'un coup démesurée, comme si dans ce puits qui peu à peu se creuse, le fond avait cédé, brusque, me laissant tomber dans le noir.
Commenter  J’apprécie          444
Quand nous oublions, c’est que nous avons moins perdu la mémoire que le désir. Rien ne nous est consubstantiel. Il suffit d’une accumulation de vie, même si elle est grise et neutre, pour que nos espoirs les plus fermes et nos désirs les plus intenses s’éboulent. Nous recevons des masses continues d’expériences comme le cercueil les pelletées de terre définitive dans la fosse humide.
Commenter  J’apprécie          420
De ces rivages vides il m'est surtout resté l'abondance de ciel. Plus d'une fois je me suis senti infime sous ce bleu dilaté : nous étions, sur la plage jaune, comme des fourmis au centre d'un désert. Et si, maintenant que je suis un vieil homme, je passe mes jours dans les villes, c'est que la vie y est horizontale, que les villes cachent le ciel. Là-bas, en revanche, nous dormions, la nuit, à l'air libre, presque écrasés par les étoiles. Elles étaient comme à portée de main et elles étaient grandes, innombrables, sans beaucoup de noir entre elles, presque crépitantes, comme si le ciel eût été la paroi criblée d'un volcan en activité qui eût laissé apercevoir par ses trous l'incandescence interne.
(incipit)
Commenter  J’apprécie          404
Quand nous entrâmes dans le fleuve sauvage qui formait l’estuaire – je sus par la suite qu’ils étaient plusieurs –, nous naviguâmes quelques lieues, mettant en émoi les perruches qui nichaient dans les escarpements de terre rouge, évitant à peine le lent grumeau des caïmans sur les rives marécageuses. L’odeur de ces fleuves est sans égale au monde. C’est une odeur des origines, de formation humide et laborieuse, de croissance. Sortir de la mer monotone et pénétrer dans ces eaux fut comme descendre dans les limbes de la terre. Il nous semblait presque voir la vie se refaire à partir des mousses en putréfaction, la boue végétale couver des millions de créatures sans forme, minuscules et aveugles.
Commenter  J’apprécie          399
L’inconnu est abstraction ; le connu, un désert ; mais le connu à demi, l’entr’aperçu, est le lieu parfait où faire onduler désir et hallucination.
Commenter  J’apprécie          360
Les étoiles étaient comme à portée de main et elles étaient grandes, innombrables, sans beaucoup de noir entre elles, presque crépitantes, comme si le ciel eût été la paroi criblée d’un volcan en activité qui eût laissé apercevoir par ses trous l’incandescence interne.
Commenter  J’apprécie          361
C’était comme si cet officier exigeait que les Indiens eussent connaissance des plans qu’il avait conçus à leur endroit et que, les approuvant sans hésiter, ils dussent réaliser tous les actes que leur exécution nécessitait. Pour lui, il semblait inconcevable que les Indiens pussent avoir un point de vue personnel sur ces projets-là.
Commenter  J’apprécie          350
Toute vie est un puits de solitude qui va se creusant avec les années.
Commenter  J’apprécie          260
Chez les pauvres, obligés pour survivre à professer des principes moins rigoureux, la folie semble plus naturelle, comme si elle se remarquait moins au milieu de l'injustice de la misère. Mais une des prétentions majeures des puissants, celle précisément sur quoi ils entendent fonder la légitimité de leur pouvoir, est d'incarner la raison, de sorte que, dans leur entourage, la folie constitue pour eux une véritable incommodité.
Commenter  J’apprécie          240
L'inconnu est une abstraction ; le connu, un désert ; mais le connu à demi, l'entr'aperçu, est le lieu parfait où faire onduler désir et hallucination.
Commenter  J’apprécie          240
Enfin, un après-midi les nuages commencèrent d’arriver. (...) Bien qu’ils fussent tous semblables, il n’en existait, n’en avaient existé depuis l’origine du monde, ni n’en existerait non plus jusqu’à l’inconcevable fin du temps, deux qui fussent identiques, et à cause des diverses formes qu’ils prenaient, des silhouettes reconnaissables qu’ils représentaient et qui allaient se défaisant jusqu’à ne plus ressembler à rien et même à adopter une forme qui contredisait celle qu’ils avaient prise un moment plus tôt, j’avais l’idée qu’ils étaient d’une essence semblable à celle de l’advenir qui, à leur image, se déroule dans le temps avec la familiarité étrange des choses qui, à l’instant même où elles adviennent, s’évanouissent dans ce lieu que personne n’a jamais visité et que nous appelons le passé.
Commenter  J’apprécie          245
Bien que tout acte de violence, même minime, soit déjà une manifestation de folie, celle de cet homme, homme ou quoi que ce soit d'autre, était mise en évidence non par le plaisir qu'il trouvait dans l'assassinat, ni même par sa tendance à le répéter à l'infini, mais par les détails dont, pour dire cela de quelque manière, il le décorait.
Commenter  J’apprécie          234
On ne sait jamais quand on naît : l'accouchement est une simple convention. Beaucoup de gens naissent sans être jamais nés ; d'autres naissent à peine, d'autres mal, comme avortés.
Commenter  J’apprécie          230
LES PREMIERS SEPT CENTS MÈTRES

C'est, si l'on veut, le mois d'octobre, octobre ou novembre, de mille neuf cent soixante ou mille neuf cent soixante et un, octobre peut-être, le quatorze ou le seize, ou le vingt-deux, ou le vingt trois peut-être, mettons le vingt-trois octobre mille neuf cent soixante et un-qu'est-ce que ça peut faire.
Leto-Angel Leto, n'est-ce pas ?-, Leto, disais-je, est descendu il y a quelques secondes, de l'autobus, au coin du boulevard, assez loin de l'endroit où il descend d'habitude, poussé par l'envie soudaine de marcher, de suivre à pied la rue San Martin, l'artère principale, et de se laisser envelopper par le matin ensoleillé au lieu d'aller s'enfermer dans l'entre-sol obscur dont il tient, depuis quelques mois, avec patience mais sans enthousiasme, les livres de comptabilité.
(Incipit)
Commenter  J’apprécie          230
La condition même des Indiens était sujette à discussion. Pour certains, ce n’étaient pas des hommes ; pour d’autres, c’étaient des hommes, mais pas des chrétiens ; et, pour beaucoup, ce n’étaient pas des hommes parce que ce n’étaient pas des chrétiens.
Commenter  J’apprécie          222
De ces rivages vides, il m'est surtout resté l'abondance de ciel. Plus d'une fois, je me suis senti infime sous ce bleu dilaté : nous étions, sur la plage jaune, comme des fourmis au centre d'un désert. Et si, maintenant que je suis un vieil homme, je passe mes jours dans les villes, c'est que la vie y est horizontale, que les villes cachent le ciel. Là-bas, en revanche, nous dormions, la nuit, à l'air libre, presque écrasés par les étoiles. Elles étaient comme à portée de main et elles étaient grandes, innombrables, sans beaucoup de noir entre elles, presque crépitantes, comme si le ciel eût été la paroi criblée d'un volcan en activité qui eût laissé apercevoir par ses trous l'incandescence interne.

(Incipit)
Commenter  J’apprécie          218
Comme chez tout enquêteur véritable, quel que soit le champ auquel il l'appliquait, la passion de la vérité dominait en lui le bouillonnement des autres passions, mises en sommeil par l'urgence impassible de savoir, qui ne connaissait en lui d'autre limite que la légalité et, de ce fait, était inaccessible à la compassion - qui en marge de son métier ne lui faisait pas défaut - et même parfois à la justice.
Commenter  J’apprécie          206



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Juan José Saer (633)Voir plus


{* *}