Lecture par Judith ChemlaDans le cadre du cycle de lectures « À voix haute », la comédienne Judith Chemla lit des textes de jeunesse de Boris Vian, dont la nouvelle Les Fourmis qui met en scène de manière grinçante le débarquement en Normandie. C'est l'occasion aussi de découvrir un Boris Vian moins connu à travers ses « ballades » et les lettres à sa mère.Lecture enregistrée le 4 mars 2024 à la BnF I Richelieu.
Je souffrais d’amour, je voulais être comblée d amour, dévastée d’amour, écrasée d’amour, annihilée d’amour, brûlée d’amour, être réduite en cendres d’amour.
Je crois que j’ai eu ce que je voulais finalement.
Parce qu'une guerre est réellement en cours, et que les armes utilisées contre nous sont lourdes. Parce que cette guerre se terre dans l'ombre, dans les moindres recoins de nos institutions, dans ces comportements de dénigrement intégrés depuis l'enfance. Parce que si un homme mourait tous les deux à trois jours sous les coups de sa compagne, si deux cent cinquante hommes étaient violés toutes les vingt-quatre heures, comme c'est le cas aujourd'hui en France pour les femmes, on ne rechignerait pas à employer le terme de « terrorisme », et à tout entreprendre pour y mettre fin. Parce qu'en définitive, il est plus simple que nous nous taisions.
Dire la vérité semble être alors un acte de guerre.
C'est en fait un droit inaliénable.
Je n’avais pas pensé avoir besoin d’une forteresse pour préserver mon intégrité. Ni d’une épée.
C'est terminé. C'est terminé, c'est terminé, c'est terminé. C'est terminé. C'est fini, c'est terminé, c'est terminé, c'est fini, c'est fini, c'est terminé, c'est terminé, c'est terminé. C'est terminé.
Je ne savais pas que ce qu'avaient enduré ma grand-mère maternelle et l'immense peuple des femmes depuis les siècles des siècles était toujours tristement d'actualité. J'avais intégré le récit de l'égalité des sexes et des évolutions acquises à notre genre.
Aujourd'hui, la reconstruction est lourde. Ma citadelle a été tant assiégée, tant attaquée, que mes fondations démolies ont été mises à nu.
Je n'avais pas pensé avoir besoin d'une forteresse pour préserver mon intégrité. Ni d'une épée.
En gardant privés les sévices qu'on nous inflige, nous entretenons la tradition du consentement à la barbarie, de l'allégeance à la violence. Dénoncer en place publique les assauts dont nous sommes victimes permet à la société entière de prendre ses responsabilités. Et si la société reste muette, il faut la dénoncer sans relâche, car le monde doit évoluer, et sans nous, il ne bougera pas.