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Citations de Jules Laforgue (267)


Jules Laforgue
ARABESQUES DE MALHEUR

Nous nous aimions comme deux fous ;
On s'est quittés sans en parler.
( Un spleen me tenait exilé
Et ce spleen me venait de tout.)

Que ferons-nous, moi, de mon âme,
Elle de sa tendre jeunesse !
Ô vieillissante pécheresse,
Oh ! que tu vas me rendre infâme !

Des ans vont passer là-dessus ;
On durcira chacun pour soi ;
Et plus d'une fois, je m'y vois,
On ragera : " Si j'avais su ! "....

Oh ! comme on fait claquer les portes,
Dans ce Grand Hôtel d'anonymes !
Touristes, couples légitimes,
Ma Destinée est demi-morte !....

- Ses yeux disaient : " Comprenez-vous !
" Comment ne comprenez-vous pas ! "
Et nul n'a pu le premier pas ;
On s'est séparés d'un air fou.

Si on ne tombe pas d'un même
Ensemble à genoux, c'est factice,
C'est du toc. Voilà la justice
Selon moi, voilà comment j'aime.
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Jules Laforgue
Oh ! les après-midi solitaires d'automne !
II neige à tout jamais. On tousse. On n'a personne.
Un piano voisin joue un air monotone ;
Et, songeant au passé béni, triste, on tisonne.

Comme la vie est triste ! Et triste aussi mon sort.

Seul, sans amour, sans gloire ! et la peur de la mort ! 

Et la peur de la vie, aussi ! Suis-je assez fort ? 

Je voudrais être enfant, avoir ma mère encor.

Oui, celle dont on est le pauvre aimé, l'idole, 

Celle qui, toujours prête, ici-bas nous console !... 

Maman ! Maman ! oh ! comme à présent, loin de tous,

Je mettrais follement mon front dans ses genoux, 

Et je resterais là, sans dire une parole,

À pleurer jusqu'au soir, tant ce serait trop doux.
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Jules Laforgue
Méthode, méthode, que me veux-tu ?
Tu sais bien que j'ai mangé du fruit de l'inconscient.

(Cité par Étienne Klein, dans Eurêka ! D'où viennent les idées (scientifiques) ?)
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Jules Laforgue
Dans la nuit

(Insomnie)

Ah! j’entendrai toujours ce lointain aboiement.
- Un chien maigre perdu par les landes sans borne,
Vers les nuages fous qui courent au ciel morne,
Dans l’averse et la nuit ulule longuement,

*

Ils dorment, font l’amour ou chantent après boire
Ou comptent leurs écus, les vivants sans mémoire,
Et nul ne veut pleurer les douleurs de l’Histoire,

*

Avez-vous entendu? oh ! ce cri déchirant,
- C’est le sifflet aigu, désolé, solitaire
D’un train noir de damnés qui va dans le mystère
Des pays inconnus, à jamais s’engouffrant,

*

Ils dorment, font l’amour ou chantent après boire
Ou comptent leurs écus, les vivants sans mémoire.
Et nul ne veut pleurer les douleurs de l’Histoire.

*

Qui pleure ainsi? Mon cœur voudrait se dégonfler
- Ah ! je te reconnais, ô triste vent d’automne
Qui sanglote sans fin ta plainte monotone
Toi que rien ici-bas ne peut plus consoler,

*

Il dorment, font l’amour ou chantent après boire
Ou comptent leurs écus, les vivants sans mémoire.
Et nul ne veut pleurer les douleurs de l’Histoire,

*

Oh! ce refrain poignant que j’entends dans la nuit
- C’est un bal, fleurs, cristaux, toilettes et lumières.
Le vent rit dans les pins qui donneront des bières
A ces couples fardés qui sautent aujourd’hui.

*

Nul ne veut donc pleurer les douleurs de l’Histoire!
Dans cent ans vous serez tous en la fosse noire.
Loin des refrains de bal des vivants sans mémoire.
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Jules Laforgue
Il y a trois sexes, l'homme, la femme, et l'Anglaise.
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Elle s’assied, hébétée, regarde ses chairs piteuses et ruisselantes, épluche sa toison des brins d’algues que cette douche y a emmêlées.

Et puis elle se jette décidément à l’eau ; elle bat les flots comme d’un moulin, plonge, et remonte, et souffle, et fait la planche ; une nouvelle bordée de vagues arrive, et voilà la petite possédée qui, d’abord bousculée, fait des sauts de carpe, veut enfourcher ces crêtes ! Elle en attrape une par la crinière, et la chevauche, un instant, avec des abois cruels ; une autre accourt en traître qui la désarçonne, mais elle se raccroche à une autre. Et puis toutes se dérobent trop vite sous elle, ne sachant pas attendre. Mais, la mer qui se pique au jeu, devient intenable ; alors Andromède fait l’épave, elle se laisse échouer échevelée sur le sable, elle rampe hors d’atteinte du flot, et reste là, un peu enfoncée dans le sable mouvant, à plat-ventre.

Et voici une nouvelle nappe d’averses qui passe sur l’île. Andromède ne bouge pas ; et toute gémissante sous la grande rumeur diluvienne, elle reçoit l’averse, la glapissante averse, qui rigole dans la ravine de son dos et fait des bulles. Elle sent le sable détrempé céder peu à peu sous elle, et elle se tord pour enfoncer davantage. (Oh ! que je sois submergée, que je sois enterrée vivante !)

Mais les nuées de déluge s’en vont comme elles étaient venues, la rumeur s’éloigne, c’est la solitude atlantique de l’île.

Persée et Andromède
OU LE PLUS HEUREUX DES TROIS
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Ah ! que je m’ennuie donc supérieurement ! – Eh bien, qu’est-ce que j’attends ici ? – La mort ! La mort ! Ah ! est-ce qu’on a le temps d’y penser, si bien doué que l’on soit ? Moi, mourir ! Allons donc ! Nous en recauserons plus tard, nous avons le temps. – Mourir ! C’est entendu, on meurt sans s’en apercevoir comme chaque soir on entre en sommeil. On n’a pas conscience du passage de la dernière pensée lucide au sommeil, à la syncope, à la Mort. C’est entendu. Mais ne plus être, ne plus y être, ne plus en être ! Ne plus pouvoir seulement presser contre son cœur humain, par une après-midi quelconque, la séculaire tristesse qui tient dans un tout petit accord au piano ! – Mon père est mort, cette chair dont je suis un prolongement n’est plus. Il gît par-là, étendu sur le dos les mains jointes ! Qu’y puis-je, que passer un jour à mon tour par-là ? Et on me verra aussi, dignement étendu, les mains jointes, sans rire ! Et l’on se dira : « Quoi c’est donc là, là, ce jeune Hamlet si gâté, si plein d’une verve amère ? C’est lui, là, devenu si sérieux, comme les autres ; il a accepté sans révolte et de ce grand air si digne cette criante injustice d’être là ?

Hamlet
OU LES SUITES DE LA PIÉTÉ FILIALE
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Le prince Hamlet en a comme ça long sur le cœur, plus long qu'il n'en tient en cinq actes, plus long que notre philosophie n'en surveille entre ciel et terre ; mais il est en ce moment particulièrement agacé par l'attente de ces comédiens qui n'arrivent pas et sur lesquels il compte si tragiquement ; outre qu'il vient de réduire en morceaux les lettres d'Ophélie disparue depuis la veille, lettres écrites, par une manie de petite parvenue, sur du papier de Hollande bis si récalcitrant à déchirer que les doigts de Hamlet lui cuisent encore furieusement. Ah ! Misère, et petits faits !...
Page 12
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Au cinquième taureau, une bordée de quolibets s’était abattue sur le trop faible signor presidente. Deux chevaux gisaient râlant tendrement dans les pattes l’un de l’autre attendant qu’on les achevât ; on en ramenait deux autres perdant des paquets de boyaux. Enfin, sur un signe, les lourds picadores vêtus de jaune s’étaient retirés, laissant le taureau seul, dans un silence prêt, en face du banderillero qui l’attendait avec ses deux enrubannées javelines en arrêt. Il saignait, le pauvre taureau, de maintes éraflures très réussies (c’est-à-dire à fleur de chair pour exaspérer sans affaiblir). Il bondit, puis tourna court, revenant flairer et retourner de ses petites cornes les masses flasques des deux chevaux gisants, et se campant devant eux, le front bas, en sentinelle fraternelle, et comme cherchant à comprendre. En vain, le banderillero, posant, l’appelait, le gouaillait, lui lança même son bonnet à grappes de soie noire dans les pattes, le taureau s’obstinait à chercher, fouillant le sable d’un sabot colère, tout hébété de ce champ clos aux clameurs multicolores où il n’éventrait que des rosses aux yeux bandés ou de rouges flottantes loques.

LE MIRACLE DES ROSES
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Titanesque masse funèbre veinée de blême ! Comme ces façades d'un noir d’ivoire réverbèrent le soleil de juillet aujourd'hui, ce soleil sur la mer qu'ainsi réverbéré en noir, les chouettes du parc suspendu peuvent contempler sans ennuis du haut de leurs poudreux sapins !...
Page 97
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POÈMES INÉDITS

LES BOULEVARDS


Sur le trottoir flambant d'étalages criards,
Midi lâchait l'essaim des pâles ouvrières,
Qui trottaient, en cheveux, par bandes familières,
Sondant les messieurs bien de leurs luisants regards.

J'allais, au spleen lointain de quelque orgue pleurard,
Le long des arbres nus aux langueurs printanières,
Cherchant un sonnet faux et banal où des bières
Causaient, lorsque je vis passer un corbillard.

Un frisson me secoua. —Certes, j'ai du génie,
Car j'ai trop épuisé l'angoisse de la vie !
Mais, si je meurs ce soir, demain, qui le saura ?

Des passants salueront mon cercueil, c'est l'usage ;
Quelque voyou criera peut-être : « Eh ! bon voyage ! »
Et tout, ici-bas comme aux cieux, continuera.

p.455
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Dans les jardins
De nos instincts,
Allons cueillir
De quoi guérir.
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SOIR DE CARNAVAL


Paris chahute au gaz. L'horloge comme un glas
Sonne une heure. Chantez ! dansez ! la vie est brève,
Tout est vain, — et, là-haut, voyez, la Lune rêve
Aussi froide qu'aux temps où l'Homme n'était pas.

Ah ! quel destin banal ! Tout miroite et puis passe,
Nous leurrant d'infini par le Vrai, par l'Amour;
Et nous irons ainsi, jusqu'à ce qu'à son tour
La terre crève aux cieux, sans laisser nulle trace.

Où réveiller l'écho de tous ces cris, ces pleurs,
Ces fanfares d'orgueil que l'Histoire nous nomme,
Babylone, Memphis, Bénarès, Thèbes, Rome,
Ruines où le vent sème aujourd'hui des fleurs ?

Et moi, combien de jours me reste-t-il à vivre ?
Et je me jette à terre, et je crie et frémis
Devant les siècles d'or pour jamais endormis
Dans le néant sans cœur dont nul dieu ne délivre !

Et voici que j'entends, dans la paix de la nuit,
Un pas sonore, un chant mélancolique et bête
D'ouvrier ivre-mort qui revient de la fête
Et regagne au hasard quelque ignoble réduit.

Oh ! la vie est trop triste, incurablement triste !
Aux fêtes d'ici-bas, j'ai toujours sangloté :
« Vanité, vanité, tout n'est que vanité ! »
— Puis je songeais: où sont les cendres du Psalmiste ?

p.353
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- Mais, tout est un rire à la Justice ! et d’où vient
Mon cœur, ah ! mon sacré cœur, s’il ne rime à rien ?
- Du calme et des fleurs. Peu t’importe de connaître
Ce que tu fus, dans l’à jamais, avant de naître ?
Eh bien, que l’autre éternité qui, Très-Sans-Toi,
Grouillera, te laisse aussi pieusement froid.
Quant à ta mort, l’éclair aveugle en est en route
Qui saura te choser, va, sans que tu t’en doutes.
- Il rit d’oiseaux, le pin dont mon cercueil viendra !
- Mais ton cercueil sera sa mort !
- Allons, tu m’as compris. Va, que ta seule étude
Soit de vivre sans but, fou de mansuétude.
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Je tends mes poignets universels dont aucun
N'est le droit ou le gauche, et l'Espace, dans un
Va-et-vient giratoire, y détrame les toiles
D'azur pleines de cocons à fœtus d'Etoiles.
Et nous nous blasons tant, je ne sais où, les deux
Indissolubles nuits aux orgues vaniteux
De nos pores à Soleils, où toute cellule
Chante : Moi ! Moi ! Puis s'éparpille, ridicule !

(Complainte du temps et de sa commère l'espace, extrait)
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Jules Laforgue
Dimanches (Je ne tiens que des mois)

Je ne tiens que des mois, des journées et des heures….
Dès que je dis oui! tout feint l’en-exil…
Je cause de fidèles demeures,
On me trouve bien subtil;
Oui ou non, est-il
D’autres buts que les mois, les journées et les heures?

L’âme du Vent gargouille au fond des cheminées…..
L’âme du Vent se plaint à sa façon;
Vienne Avril de la prochaine année
Il aura d’autres chansons !….
Est-ce une leçon,
Ô Vent qui gargouillez au fond des cheminées?

Il dit que la Terre est une simple légende
Contée au Possible par l’Idéal….
- Eh bien, est-ce un sort, je vous l’ demande ?
- Oui, un sort! car c’est fatal.
- Ah! ah! pas trop mal,
Le jeu de mots! – mais folle, oh! folle, la Légende….
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O Diane, ta divinité me laisse froid ; je n'ai rien à voir dans tes vices de conformation.
Et pourquoi vas-tu vêtue d'un sexe ? Quelle honte de conserver ces inutiles organes d'impureté ! Ou bien, quelle chasteté peu immortelle qui a besoin , pour tenir bon, de s'attirer par ces appâts le spectacle répugnant et réconfortant du mâle mis hors de lui, du mâle ilote !

Pan et la Syrinx, page 172
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COMPLAINTE DES PUBERTÉS DIFFICILES

Un éléphant de Jade, œil mi-clos souriant,
Méditait sous la riche éternelle pendule,
Bon bouddha d'exilé qui trouve ridicule
Qu'on pleure vers les Nils des couchants d'Orient,
Quand bave notre crépuscule.

Mais, sot Eden de Florian,
En un vase de Sèvres où de fins bergers fades
S'offrent des bouquets bleus et des moutons frisés,
Un œillet expirait ses pubères baisers
Sous la trompe sans flair de l'éléphant de Jade.

A ces bergers peints de pommade
Dans le lait, à ce couple impuissant d'opéra
Transi jusqu'au trépas en la pâte de Sèvres,
Un gros petit dieu Pan venu de Tanagra
Tendait ses bras tout inconscients et ses lèvres.

Sourds aux vanités de Paris,
Les lauriers fanés des tentures,
Les mascarons d'or des lambris,
Les bouquins aux pâles reliures
Tournoyaient par la pièce obscure,
Chantant, sans orgueil, sans mépris :
« Tout est frais dès qu'on veut comprendre la Nature. »

Mais lui, cabré devant ces soirs accoutumés,
Où montait la gaité des enfants de son âge,
Seul au balcon, disait, les yeux brûlés de rages :
« J'ai du génie, enfin : nulle ne veut m'aimer ! »
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Complainte de la lune en province

Ah ! La belle pleine Lune,
Grosse comme une fortune !

La retraite sonne au loin,
Un passant, monsieur l’adjoint ;

Un clavecin joue en face,
Un chat traverse la place :

La province qui s’endort !
Plaquant un dernier accord,

Le piano clôt sa fenêtre.
Quelle heure peut-il bien être ?

Calme lune, quel exil !
Faut-il dire : ainsi soit-il ?

Lune, ô dilettante lune,
A tous les climats commune,

Tu vis hier le Missouri,
Et les remparts de Paris,

Les fiords bleus de la Norwège,
Les pôles, les mers, que sais-je ?

Lune heureuse ! Ainsi tu vois,
A cette heure, le convoi

De son voyage de noce !
Ils sont partis pour l’Écosse.

Quel panneau, si, cet hiver,
Elle eût pris au mot mes vers !

Lune, vagabonde lune,
Faisons cause et mœurs communes ?

Ô riches nuits ! Je me meurs,
La province dans le cœur !

Et la lune a, bonne vieille,
Du coton dans les oreilles.
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Jules Laforgue
L’Art aussi, vieille épave à vau-l’eau dans la brume
Flotte. Jadis c’était le Beau, le Pur, l’Eternité,
Maintenant c’est l’alcool où le désir s’allume
Pour les rêves sanglants des spleens des nuits d’été.

Trente siècles d’ennui pèsent sur mon épaule,
Dont j’ai pris pour moi seul les rages, les remords.
Si je rime au Néant c’est pour jouer mon rôle.
La nuit, je pleure et sue en songeant á ma mort !

Et je vais, énervé d’immenses lassitudes,
N’enviant même plus la foi des multitudes,
Lâche, espérant toujours, pourri, plus bon à rien.

Après le jour, la nuit; après la nuit, l’aurore.
-Si je pouvais du moins en retrouver encore,
De ces larmes d’enfant, Ah! qui font tant de bien!
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