L'avocat était une femme de
Julia Minkowski
(Marie Dosé / procès d’Edouard Louis)
Dans la cuisine du cabinet qu’elle occupe dans le IXème arrondissement de Paris avec ses associées et collaboratrices, elles ont constitué leur propre « mur des cons ». Ici et là sont épinglés un article, une citation et même quelques courriers. Comme cette lettre sur papier à en-tête d’un confrère débutant par ces mots : « Chère consœur, je ne sais pas qui vous êtes, mais vous devez savoir qui je suis.»
Marie Dosé a quarante-six ans, un gabarit de jeune fille en effet, dans une combinaison de coton. Elle parle vite, lève la voix quand il faut et sait parfaitement qui_ elle est. « Une écorchée vive » qui tente de s’auto-canaliser depuis toujours. Enfant puis adolescente, elle jouait du piano plusieurs heures par jour. «C’est un moyen d’expression et un exutoire importants. On met énormément de choses dans un instrument.»
[…]
Elle devient prof de musique dans une école associative mais, à dix-neuf ans, elle cesse de jouer, stoppée net par une maladie qui lui abîme les mains et empêche ses doigts de courir sur le clavier.
[…]
Plus jeune, elle a opté pour des études de droit par « défi ». « Comme la maladie avait choisi à ma place, j’ai choisi le contraire de la musique. » Habituée à une « énorme hygiène de travail » depuis toujours, Marie Dosé souhaitait une formation qui remplisse, rigoureuse, avec beaucoup de par cœur. « Quelque chose qui m’abrutisse », résume-t-elle. On est très loin de la vocation. Ce métier, qui est venu plus tard – après avoir assisté par hasard à une plaidoirie du pénaliste Henri Leclerc à Nancy-, elle l’a pourtant tellement adopté qu’elle pense aujourd’hui qu’autour « tout est insipide ». Elle interroge, comme si elle attendait une réponse : « Comment atteindre une telle intensité émotionnelle après ça ? » Joignable par ses clients jour et nuit, et sept jours sur sept, elle se laisse submerger par la profession. Durant les périodes où elle plaide beaucoup, habituée à avoir la parole en dernier au tribunal – comme le veut la défense-, il lui arrive parfois de ne pas comprendre pourquoi, lors des dîners, ses amis lui répondent, quand elle a fini de parler… Dans ces moments-là, la pénaliste se reprend, se raisonne : « Hé, calme-toi, tu n’es pas en audience ! » Marie Dosé déborde d’émotions qu’elle ne maîtrise pas forcément. « Je suis en colère et j’ai des accès de colère, mais je ne me mets jamais en colère contre quelqu’un. Toujours contre quelque chose », se justifie-t-elle.
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