Rentrée littéraire 2018.
Son premier roman "Moro-sphynx" avait été très remarqué par la presse en 2016. Julie Estève nous présente aujourd'hui son deuxième livre aux éditions Stock. "Simple" raconte l'histoire d'Antoine Orsini ou, comme on l'appelle dans son village corse, le baoul. Il est marginal et rejeté de tous, un peu sorcier il communique avec la nature et surtout avec une chaise, à qui il raconte son histoire et celle de la jeune Florence Biancarelli. La jeune fille de 16 ans sera retrouvée morte au milieu des pins. Mais qui peut bien être le coupable ?
En savoir plus sur "Simple" : https://www.hachette.fr/livre/simple-9782234083240
Vidéo réalisée : Noémie Sudre ; Cadrage : Laurie Fusi ; montage : Justine Philippon
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Quand les gens s'arrangent avec un mort et qu'ils improvisent une fin pourrie, c'est que le mort s'est pendu ou balancé dans le vide. Les suicides se rangent dans les placards de famille.
Et papa est mort un dimanche y a dix ans. Son foie il était imbibé de vin pareil que l’eau dans l‘éponge. C’était la cirrhose! II avait plus besoin de manger et il dormait souvent. Sur son corps, partout y avait des bleus alors que personne le tabassait, lui. Il dégueulait dans les toilettes, puis après il faisait ça dans le seau près du lit. Il avait plus sa force à Ia fin, même pour les insultes. Et une nuit, voilà, il a crevé, c’est grâce à la fièvre. Il est mort au même endroit que maman dans les draps, une place qui est confortable. Maintenant. ils sont réunis au cimetière debout dans un trou.
La mort c’est un trou! On tombe dedans mais ça dure combien de temps la chute, et au bout du trou y a quoi…
« C’est pas parce qu’on est abîmé qu’on est plus bon à rien. » (p. 17)
On ne dira pas ici comment il est mort. Ce qui l'a tué. On écoutera dans les odeurs de maquis, de marjolaine sauvage, la voix d'un homme qui, pour certains ou le reste du monde, n'en était pas un tout à fait. (p5)
Ma mère ne danse pas comme une mère. Elle danse et elle est un paysage. Elle danse et plus rien n’existe, les meubles moches, le carrelage pratique, ce putain de chat. Tout son corps fabrique l’évasion.
« Qu’est-ce qu’il devient le couple, quand il se couche dans le lit où autrefois c’était l’envie et où, là, il y a l’autre si près, si loin ? L’autre et sa peau qui n’a plus de mystère ? » (p. 161)
Moi aussi j'ai voulu devenir un alcoolique mais j'ai pas réussi! Au début, on doit se forcer à boire tous les jours, même quand on n'a pas soif! C'est vachement dur, et puis ça coûte. Les alcooliques, ils se saoulent pour que la vie soit plus rapide que l'ennui.
Le pardon réclame du temps.
Suite à la guérison de sa femme, mon père a acheté un petit terrain dans une pampa du sud de la France, à La Roque-sur-Pernes. C’est une terre sèche et stérile. Il a payé deux mille balles un vieux camping-car dans lequel il vivra. Le reste du fric, il l’a donné à ma mère pour son long voyage. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. p. 125
Il avait ce rêve qui dévorait tout. Il faisait avec des fleurs des bouquets qu'il donnait aux autres. Les autres le traitaient de fillette, comme si être une petite fille était une vieille honte. En grandissant, les insultes ont pris du poids, la cruauté des galons. (p110)