Le monde était à présent de béton et d’hommes, en quantité égale.Juste ce qu’il fallait d’équilibre.
Les murs gris s’étendaient à l’infini. Ils abritaient les ultimes habitants de la Terre, agglutinés par milliards dans des souricières minuscules. Leur vieillissement bloqué dans leur trentaine. Immortels. Le rêve de l’humanité…
Et quel rêve ! Entassés dans une misère grandissante, nourris à renfort de pastilles chimiques et d’eau synthétique.
Pourtant, nous étions prêts à tout pour garder ce statu quo, cet équilibre précaire qui garantissait notre survie. Une naissance pour une renaissance, telle demeurait l’unique loi démographique. Les listes d’attente pour concevoir un enfant devaient effectuer trois fois le tour de la planète, maintenant !
Elle allait supplier, je m'y attendais, comme les centaines d’autres avant elle. Certes, certains faisaient preuve de courage devant la mort. Néanmoins, l’immense majorité des condamnés à la renaissance sollicitait à corps et à cris la clémence des institutions qu’ils avaient sciemment bafouées. Un pardon qu’ils savaient pourtant impossible.
Le soleil sans pitié accélère sa course. Il se rue tel un animal vers son reflet, outré de cette concurrence inconcevable. Leur rencontre brutale fait flamboyer le désert d’une couleur rouge sang. Bientôt, les derniers rayons agonisants se mêleront aux ténèbres grandissantes. Le froid reprendra alors son règne.
Nous vivions dans un équilibre précaire qui garantissait à notre espèce sa survie. Qu’il soit inégalitaire ou corrompu n’y changeait rien. Je ne croyais pas plus en Dieu que dans le monde parfait.
La vie et la mort se côtoyaient dans ses chairs. Elles se battaient l’une contre l’autre dans un combat formidable joué d’avance. L’équilibre n’avait pas sa place dans cette lutte.