AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Julie Otsuka (924)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Certaines n'avaient jamais vu la mer

Je ne vais pas résumer une fois de plus ce livre déjà abondamment commenté.

Je ne vais pas nier que j'ignorais tout de cet épisode de l'histoire du Japon, dont une certaine partie de la population a été victime du mirage du « rêve américain ».

Je ne reviendrai pas sur l'originalité de la technique de narration, dont le désormais fameux « nous » a l'avantage de rendre à merveille la solidarité et la persévérance de ces femmes trompées, avilies puis oubliées, mais a l'inconvénient de créer une certaine distance et d'empêcher une empathie plus profonde entre elles et nous.

Je ne commenterai pas en détails la litanie de litanies que constitue ce roman, dont il ne faut cependant pas penser qu'il n'est qu'une longue plainte de 140 pages sur certains thèmes (le voyage, la rencontre des maris, le travail, les Blancs, les enfants,…), mais dont il faut au contraire saluer le parti pris d'une écriture précise, humble et sans pathos qui fait d'autant plus émerger les émotions du lecteur.

Mais j'insisterai sur le fait l'auteur fait preuve d'un certain don pour nous donner un cours d'Histoire sans avoir l'air d'y toucher, et rien que cela justifie l'existence de ce livre.

Je rajouterai qu'il faut un talent certain pour dépeindre l'abnégation et « l'optimisme du désespoir » de ces femmes au long d'une énumération de jolies phrases toutes simples, qui rappellent le flux et le reflux sans fin des vagues de cette mer que certaines n'avaient jamais vue.

Et je conclurai par une pirouette que certains trouveront facile : certains ne liront jamais ce roman, et c'est dommage pour eux…


Lien : http://www.voyagesaufildespa..
Commenter  J’apprécie          2364
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Certaines n'avaient jamais vu la mer...

Certaines regardaient la photo de leur futur mari, choisi chez une marieuse.

Certaines étaient entassées dans un bateau en direction de l'Amérique, de leur rêve américain.

Certaines avaient quitté leur Japon natal et leur famille dans l'espoir d'une vie meilleure.

Certaines n'avaient même pas quatorze ans et étaient encore vierges.

Certaines allaient se retrouver dans les champs, à travailler durement, ou travailler en tant que femme de ménage, au service des Blancs.

Certaines allaient devoir s'abandonner à leur mari, voire leur patron au prix de leur silence.

Certaines allaient céder au désespoir.

Certaines allaient voir grandir leurs enfants, désolées de les voir si peu enclins à la culture Japonaise.

Certaines allaient devoir affronter les horreurs de la guerre.

Certaines racontaient leurs vies d'exilées et leurs désillusions dans un pays si étranger au leur.



Certaines vous diront que ce livre est véritablement sublime.

Certaines vous diront qu'il est poétique, transcendant, magnifique, tragique, incisif, poignant voire évocateur.

Certaines vous diront que c'est une belle leçon d'histoire.



Certaines n'avaient jamais vu la mer, et n'auraient pas dû...
Commenter  J’apprécie          20016
La ligne de nage

Le plongeon prometteur a bien failli se transformer en un plat mémorable. La déviation de la ligne de nage aurait pu m'apparaitre comme un pas de côté intéressant, ce fut une brasse à contre-courant laborieuse.



L'allégorie pourtant avait tout pour me plaire. Julie Otsuka se base sur les sensations des nageurs de piscine, les passionnés de l'eau chlorée, qui suivent obstinément dans ce lieu clos et protégé, aux règles immuables, à la température toujours constante, leur ligne de nage selon leurs habitudes et leurs niveaux, pour analyser ce qui se produit lorsque des failles apparaissent au fond de la piscine.

Peur, angoisse, incompréhension, fuite pour certains, paranoïa, complotisme, acceptation, voire accueil bienveillant, les réactions de nos personnages sont variés, un brin exagérés frôlant par moment le burlesque (mais c'est une allégorie n'arrêtais-je pas de me dire en moi-même). Jusqu'à la multiplication des fissures qui sonne le clap de fin. La piscine ferme. Mort de l'activité, de la passion devrait-on dire, pour les personnes du quartier dont cette Alice, vieille dame qui n'a déjà plus toute sa tête. le début de la fin pour elle, les fissures se propageant désormais dans son cerveau, à l'origine d'une démence qui la conduira tout droit dans un institut pour personnes âgées dépendantes.

Avec froideur et un certain cynisme, l'auteure nous raconte cet autre milieu dans lequel il faut rester dans sa ligne de nage, à savoir prendre ses médicaments à heures fixes, respecter les horaires de repas, manger ce qui nous est donné, éteindre pour dormir à heures fixes, avoir toujours la télévision allumée la journée, ne pas faire de vagues, sous peine d'octroi de sédatifs vous rendant enfin conformes aux exigences de cette piscine mouroir. Si l'allégorie peut paraitre intéressante, je l'ai trouvé quelque peu artificielle, tel un exercice de style poussif n'allant pas de soi.



Le ton est froid, tranchant, nerveux et nous comprenons peu à peu que Julie Otsaka parle de sa propre mère et surtout de sa culpabilité de ne pas avoir été présente lorsqu'elle allait encore bien, de l'avoir délaissée, d'avoir fermé la porte. C'est sa honte qui transpire derrière ce ton, ton qui m'a mise extrêmement mal à l'aise mais qui se comprend tant elle semble vouloir à la fois faire un devoir de mémoire vis-à-vis de sa mère, tout en désirant faire mention de sa culpabilité. «Tu lui a tourné le dos. Tu es devenue silencieuse, immobile, comme un animal. Tu lui as brisé le coeur et tu as écrit. Et maintenant à présent que tu es enfin de retour, c'est trop tard ».



De ce fait, elle dévoile dans un style clinique et glacial les dernières années de la vie de sa mère dans cet institut, de longs passages dans lesquels l'institut nommé Bellavista, semble informer sa patiente au sujet de son état :

«Il y aura – si vous avez de la chance – des jours entiers à passer. Peut-être finirez-vous comme Miriam, chambre 11, par marcher inlassablement dans les couloirs pendant des heures -Quelqu'un a vu ma brosse ? - Ou votre pas ralentira jusqu'à ce que vous trainiez les pieds d'un rythme régulier. Peut-être déciderez-vous de rester devant la fenêtre tous les après-midi après le déjeuner le temps de digérer, à regarder défiler les voitures (un des passe-temps préférés de beaucoup de nos résidents masculins). – Impossible qu'il s'arrête au feu ! – En règle générale, vous devez vous attendre à passer approximativement 32% de vos heures de veille à ne rien faire, 36% de votre temps de veille à ne faire presque rien, et le reste de votre temps libre à participer à des groupes d'activité modérée tels que le Cercle d'activité (optionnel mais tout à fait recommandé), le Jeu de quête (obligatoire), Attention à attention, des exercices cérébraux ainsi que la version gratuite de la machine à mémoire Souvenons-nous ».



Tout le livre est marqué par cette écriture énumérative, descriptive, des listes à la Prévert pour décrire les habitudes, les raisons, les conséquences, les interrogations, les règles. Une écriture qui ne permet pas l'empathie, qui ne laisse pas place à l'émotion. Si à chaque début de chapitre, ce style peut faire sourire et être agréable, il est de plus non dénoué d'humour, au bout de quelques pages cela devient quelque peu indigeste et répétitif.



« Là-haut, il y a des incendies, des alertes à la pollution, des sécheresses bibliques, des bourrages papier, des grèves des profs, des insurrections, des révolutions, des journées caniculaires qui semblent ne pas avoir de fin (Un « dôme de chaleur » s'installe de manière permanente sur toute la côte Ouest), mais là en bas, à la piscine, règne toujours la température confortable de vingt-sept degrés. le taux d'humidité est de soixante-cinq pour cent. La visibilité est bonne. Les couloirs de nage, calmes et en ordre. Les horaires, bien que limités, sont adaptés à nos besoins… ».



Les derniers chapitres du livre cependant sauvent l'ensemble et m'ont émue. le tout dernier chapitre notamment. le tout dernier paragraphe surtout. le ton froid laisse place aux souvenirs, aux relations entre cette mère et sa fille, à la place délicate du père face à la maladie de sa femme. Là seulement, dans ces derniers mots, je fus enfin réellement touchée…A se demander si tout ce qui précède est une sorte d'exutoire qui aurait permis à Julie Otsaka de renouer avec la mémoire maternelle. Espérons-le.



Je remercie Babelio et les éditions Gallimard pour cette Masse Critique privilégiée qui m'aura permis de replonger dans l'univers de Julie Otsaka que je n'avais pas relu depuis son très beau livre "Certaines n'avaient jamais vu la mer".

Commenter  J’apprécie          12927
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Je la vois venir de loin, la horde sauvage, ça y est le Carré tourne pas rond encore une fois (spécial clin d'oeil pour Hugo), un livre encensé par le plus grand nombre, il va encore trouver à y redire. C'est à tâtons donc que je mettrai un bémol à l'emballement général. Et je jure que le livre de Julia Otsuka avait tout pour me plaire, une histoire vraie pas connue (en tout cas de moi) qui traite du déracinement, des illusions perdues, de la bêtise des hommes (envers les femmes toujours), et puis ces satanées guerres qui broient des destins génération après génération. Je m'attendais à être cueillit des les premières lignes vu l'engouement quasi général et la minceur du livre. Et bien non, que nenni, j'ai lu cela sans déplaisir mais mon coeur est resté de marbre. L'idée de choisir de raconter l'histoire en employant le « nous » m'a déstabilisé, m'a empêché d'être touché. La souffrance est là palpable, les traumatismes irréversibles devant mes yeux mais pourtant l'émotion est toujours restée en lisière. J'ai besoin de personnages identifiables pour être en empathie, pour avoir l'envie de les suivre tout du long. Julia Otsuka a choisit une forme de narration qui ne me convient pas tout simplement, je crois que ma frilosité vient de là. J'ai du stopper ma lecture plusieurs fois tant j'avais l'impression d'égrener une liste, un chapelet, une longue litanie à n 'en plus finir. C'est sûrement un grand livre, j'en attendais beaucoup, je suis en parti passé à côté. 2.5/5

Commenter  J’apprécie          12918
La ligne de nage

J’ai aimé les précédents romans de Julie Otsuka, Quand l’empereur était un dieu et Certaines n’avaient jamais vu la mer. C’est donc emplie d’un optimiste allant que j’ai ouvert La Ligne de nage … que je referme assez dépitée de n’avoir point adhéré à son propos et surtout à sa forme.



Cela commence plutôt bien avec une étude amusante du quotidien d’une communauté hétéroclite de nageurs qui se côtoient dans une piscine souterraine, chaque membre ayant ses rituels, ses motivations à venir nager, microcosme de la société américaine tant les profils sont. Julie fait un choix narratif osé, celui du « nous » narratif des nageurs qui se croisent, se chamaillent, se fréquentent, unis par leur dévotion à la natation et leur désir de fuir le monde d’en haut.



Et puis une fissure apparait au fond de la piscine, inexpliquée, situation donnant lieu à des réactions au surréalisme loufoque. Et puis la piscine ferme selon le principe de précaution. Du « nous » foisonnant, émerge une nageuse, particulièrement touchée par cette rupture du quotidien : Alice, retraitée, qui est atteinte de la maladie de Pick, premier stade, maladie neurodégénérative proche d’Alzheimer, elle qui oubliait peut-être la combinaison de son casier mais jamais les gestes rassurants et apaisants de la natation.



Dans la deuxième partie, le ton change très abruptement. Finie la comédie sociale presque acidulée, direction l’EHPAD où vit désormais Alice. Le ton se fait acerbe et sarcastique pour raconter la nouvelle vie d’Alice. Un nouveau choeur antique « nous » apparaît, la voix des oppresseurs, celle malfaisante et sadique de l’institution médicale qui illustre violemment la cruauté de la sénilité en énumérant notamment toutes les choses qu’Alice ne pourra plus faire et tout ce dont elle ne se souviendra plus jamais.



Je suis pas parvenue à trouver le liant entre ses deux parties totalement disjointes. Sans doute l'EHPAD est-il le contrepoint cauchemardesque du monde de liberté totale qu'était la piscine pour Alice. Sans doute les deux lieux gomment-ils toute différence sociale, les nageurs et les malades étant tous traités de la même façon. Mais ces réflexions n'ont pas suffi à assembler ces deux récits mal accouplés.



Ce qui m'a dérangé également, c'est le peu de place que fait Julie Otsuka au lecteur. Si l'écriture est audacieuse, forte et assumée avec ses blocs de texte à peine texturés par des italiques ou des tirets, la litanie des répétitions et des listes a obscurci ma lecture. Je ne sentais pas à ma place comme si le texte n'avait pas de destinataire, comme s'il était juste écrit par l'autrice pour l'autrice, comme un exutoire rageur à sa souffrance ( on comprend vite que Julie Otsuka parle ici de sa propre mère et que le personnage de la fille est son double.)



Au final, je me suis sentie seulement conviée dans les dernières pages qui elles offrent de la chair et du coeur en partage au lecteur. Cette fois, l'autrice recentre son texte sur la relation spécifique entre une mère et une fille, sur les regrets d'une vie, sur ses incompréhensions, et là, j'ai été enfin touchée.

Commenter  J’apprécie          11612
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Je suis toujours très longue à la détente pour lire un roman ayant obtenu un prix. Je me méfie car, en général, je suis déçue. Donc, comme à mon habitude, ce livre ayant obtenu le prix Femina 2012, je ne le lis que maintenant.



Je n'ai pas été déçue cependant. On apprend un épisode de l'Histoire peu connu : l'envoi de jeunes filles japonaises aux Etats-Unis. Comme souvent, on leur a promis la lune. L'Amérique leur offrira tout. Elles partent avec, pour seul bagage, leur kimono. Une photo du futur époux - un japonais ayant émigré depuis plus longtemps - leur permettra de le reconnaître. Mais bien évidemment, la réalité est tout autre.



Julie Otsuka fait en sorte que l'on entre dans le texte aisément. Le procédé narratif peut déplaire : à travers le récit d'une migrante, l'on peut entendre des voix multiples s'élevant pour faire entendre leur témoignage. J'ai été conquise par cette pudeur, cette simplicité que l'on retrouve très souvent chez les asiatiques. C'est un très beau roman de l'exil qui m'a fait penser, dans un autre registre, à celui de Philippe Claudel, La Petite fille de Monsieur Linh.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
Commenter  J’apprécie          1154
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Suite aux bonnes appréciations des " babéliophiles", j'ai eu très envie de lire "Certaines n'avaient jamais vu la mer" et je l'ai trouvé superbe!!

Ce livre est écrit par Julie Otsuka d'une manière très belle.

Les répétitions de la narratrice et cette manière de parler pour toutes les femmes , en racontant la vie de ces japonaises du début du XXème siècles, venues épouser aux Etats-Unis , des hommes qu'elles ne connaissaient pas, sont très puissantes et originales. Une manière extraordinaire de raconter tant de choses sur cette Histoire dont je n'avais jamais entendue parler.

Ce livre fait désormais partie de ceux que je garde précieusement!
Commenter  J’apprécie          1080
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Elles ont quitté le Japon au début du siècle dernier pour épouser en Californie des compatriotes émigrés qu’elles n’avaient vus que sur photos. Elles vont partager, leur vie durant, le lit et le pénible sort d’ouvriers agricoles qui fournissent à l’Amérique une main d’oeuvre bon marché. Et, plus tard, lorsqu’éclatera la seconde guerre mondiale, elles se retrouveront déportées avec mari et enfants dans les camps d’internement où les Etats-Unis incarcèreront les Nippo-Américains.





Le mode de narration est singulier et donne toute sa force au roman. Rédigé à la première personne du pluriel, le récit se fait l’écho des multiples voix anonymes de ces femmes japonaises, sans jamais se fixer sur aucune en particulier. Ce sont ces mille trajectoires, suggérées par petites touches impressionnistes, qui finissent par composer un tableau d’ensemble puissamment évocateur de l’histoire collective de la communauté dont l’auteur est elle-même issue.





L’arrivée de ces femmes sur le sol américain est un choc à tout point de vue. Leur traversée sans retour possible les jettent dans un inconnu auquel elles n’auront d’autres choix que de s’adapter, quoi qu’il leur en coûte, et combien même il ne correspond en rien à ce qu’elles avaient imaginé de leur vie future. Leurs expériences racontent toutes le racisme, leur exploitation, mais toujours leur obstination à trouver patiemment et silencieusement leur place, si misérable soit-elle, entre modes de vie japonais et occidental. Pourtant, alors que gonfle la paranoïa à leur encontre après l’attaque de Pearl Harbor, tout ce que leur communauté a si laborieusement construit finit par leur échapper peu à peu. Ce sont d’abord les hommes, arrêtés les uns après les autres pour soupçon d’espionnage, que leurs épouses voient partir. Et quand tous, femmes et enfants compris, ont finalement disparu, c’est jusqu’à leur absence qui s’efface bientôt totalement dans l’esprit de leurs voisins Américains, pour qui la vie continue inchangée.





Les phrases courtes, comme psalmodiées en une complainte fantôme portée par le vent de la mémoire, s’alignent sans pathos pour mieux nous frapper de leur implacable et triste vérité. Et l’on ressort hanté par le murmure de toutes ces voix anonymes que, pour notre plus grande émotion, ce livre exhume de l’indifférence et de l’oubli. Coup de coeur, que l'on peut prolonger sur le sujet par un autre très beau roman : Fantômes de Christian Kiefer.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          10111
Certaines n'avaient jamais vu la mer

De jeunes Japonaises embarquent à bord d’un navire, destination San Francisco. Nous sommes au début du XXe siècle, ces jeunes femmes et jeunes filles dont certaines ne sont pas encore pubères, vont retrouver un mari Américain qu’elles n’ont jamais vu qu’en photo, photographies qui vont se révéler trompeuses, celles-ci ont été prises pour la plupart vingt ans plus tôt.

Julie Otsuka, pour un sujet si grave, a adopté une écriture originale, incantatoire de par sa forme, elle raconte de façon magistrale le quotidien et l’histoire de ces femmes émigrées du Japon. Un livre qui mérite ses prix, un livre à lire, le roman d’une histoire méconnue.

Commenter  J’apprécie          948
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Elles sont des centaines, elles sont des milliers, dont les voix s’élèvent et se rassemblent dans un même chant de détresse, dans un même chœur d’infortune, une même nef musicale qui retentit en chorale pour laisser résonner une seule et même voix, celle de la femme japonaise brimée, opprimée, maltraitée au long d’une existence d’épreuves et d’exil.

Un cœur unique qui bat à l’unisson pour toutes ces femmes qui ont quitté leur Japon natal et traversé le Pacifique au début du XXème siècle, afin de se marier en Amérique, cette terre en laquelle elles ont mise tant de rêves et d’espoir.



La traversée serait rude et pénible pour ces jeunes filles bien souvent vierges contraintes de voyager dans les cales humides et sombres des bateaux.

Ce ne serait que la première d’une longue et douloureuse série d’épreuves qui verrait se briser leurs rêves de bonheur comme les vagues s’écrasant contre la coque du navire. Elles arriveraient en Amérique la tête emplie de promesses et de croyances ; « nous voilà en Amérique, il n’y a pas à s’inquiéter ». Comme elles auraient tort !



En débarquant sur les quais de San Francisco, elles ne reconnaîtraient pas l’homme qu’elles n’avaient jusqu’ici vu qu’en photographie ; cet homme qui était leur mari et auquel elles appartenaient désormais.

Elles comprendraient alors qu’elles s’étaient fourvoyées, que les belles lettres les incitant à venir en Amérique, n’étaient que des mensonges destinés à ravir leur cœur ; que les promesses de belles situations n’étaient que duperies ; qu’elles avaient tout abandonné pour du vent.



Alors elles devraient apprendre à masquer leur déception et leur dégoût devant un mari qui se révèlerait bien plus âgé dans la réalité. Elles devraient se soumettre à ses façons brutales, à son ivrognerie, à ses coups, à sa condition miséreuse.

Elles devraient se résigner à trimer sans relâche, à travailler en silence de l’aube au crépuscule, à s’écorcher les genoux dans les champs, à se courber jour et nuit sur un lopin de terre, à se tuer au labeur dans des fermes, dans des ranches, aux alentours des villes, et accomplir les besognes que les Américains ne voulaient pas effectuer.

Elles devraient accepter de vivre dans des campements de fortune, dans des bordels, dans des masures délabrées ou des chambres de bonne, quelquefois même à la belle étoile, recroquevillées au pied d’un arbre.

Elles apprendraient à abdiquer devant l’homme blanc, à subir le mépris, la haine, la colère, le racisme d’un peuple dont elles ne comprendraient jamais vraiment les coutumes ni la langue.

Elles donneraient naissance à des enfants pour lesquels elles se saigneraient aux quatre veines et auxquels plus tard, elles inspireraient honte, pitié et compassion amères.

Elles sauraient ce qu’est la misère en pays étranger, elles connaîtraient l’ignominie, l’avilissement, l’infamie, l’indigence et l’humiliation.

Elles verraient leurs beaux visages se flétrir, leurs peaux s’assécher, leurs lèvres s’amincir et se crisper sous les coups d’une âpre destinée faite de coups durs et d’obstacles.



Au fil du temps, elles apprendraient à s’intégrer, à se sociabiliser, à tirer quelques profits d’une vie de labeur et de privations. Trente ans seraient passés et elles oseraient s’octroyer de petits bonheurs, peut-être même sourire ou même fredonner une chanson de leur pays lointain.

Mais la Guerre dans le Pacifique éclaterait… Et on les tirerait de leurs maisons, de leurs commerces, de leurs champs, de leurs fermes…On les obligerait à partir dans des lieux inconnus et lointains.



Le silence et l’oubli tomberaient alors sur leur souvenir comme si elles n’avaient jamais existée, jamais vécues qu’au travers de ce chant polyphonique, cette complainte de la mémoire que Julie Otsuka fait bruire, s’amplifier, s’intensifier et résonner tout le long de « Certaines n’avaient jamais vu la mer ».

La vie de ces japonais s’inscrit alors dans un « nous » collectif qui fusionne en un vibrant chorus, battant tel le pouls d’un peuple d’immigrants tragiquement englouti dans les méandres du temps, et que le beau livre de Julie Otsuka, à la construction si originale, fait éclore à nouveau en un intense devoir de mémoire.

Commenter  J’apprécie          864
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Ce livre raconte l'histoire méconnue de jeunes paysannes (pour la plupart) japonaises venues sur la Côte Ouest des Etats-Unis après la première guerre mondiale pour épouser des japonais émigrés et fournir de la main-d’œuvre docile et bon marché aux blancs de ce pays neuf. C'est le récit de leurs épreuves (puis de celles de leurs familles) jusqu'à l'ultime.

Ce livre coup de cœur est poignant, véridique, et original par l'emploi du nous.
Commenter  J’apprécie          841
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Malgré son titre romantico-neuneu, ce livre est une description sombre de destins de femmes japonaises émigrées dans les années 1920 aux Etats-Unis.



Elles avaient entre douze et trente-sept ans, elles ont quitté le Japon pour un avenir doré (ou moins gris), poussées par leurs parents espérant pour leur fille une vie moins dure, ou une dot pour eux-mêmes.



Hélas ! Si l'Amérique faisait rêver de loin, elle était beaucoup moins accueillante vis à vis des étrangers, au début du XXe siècle, qu'on ne peut l'imaginer. Sitôt leur arrivée, les jeunes filles déchantèrent sur le mari qui les attendait, et se retrouvèrent à trimer dans les champs à leur côté. Leur sort et leur mise à l'écart étaient le lot "des gens de couleur" et ressemblaient fortement à ceux des Noirs.



La forme du récit peut dérouter : la narratrice s'exprime à la première ou à la troisième personne du pluriel, égrenant ainsi les différents sorts (interchangeables) que ces femmes ont connus dans les étapes de leur vie : traversée, première nuit nuptiale, travail, maternité, etc. Ce style rend parfois la lecture lassante, des coupures s'imposent pour ne pas avoir l'impression de dérouler une liste. Mais cela donne un excellent aperçu en concentré de l'accueil reçu par les Japonais aux USA et de leur difficile intégration.



Encore une fois, je déplore ce titre gentillet qui ne rend pas du tout justice au contenu édifiant et révoltant de l'ouvrage...
Commenter  J’apprécie          781
Certaines n'avaient jamais vu la mer

"Enryo": Etre réservé, un état d'esprit chez les Japonais...

Julie Otsuka l'utilise afin de donner la voix à plusieurs femmes, à la fois. Un Japonais utilise peu le "je" et préfère le "nous", le groupe, la famille!



Ce sont les voix oubliées de Japonaises parties en Amérique, pour trouver un mari, un travail ou un nouvelle terre... " En": la destinée, dérivé de la philosophie Bouddhiste... L'auteure n'explique pas vraiment le pourquoi: la pauvreté, la famine, le besoin d'argent...



Rapidement, elles auront un enfant. Souvent déposé dans un fossé, un sillon, dans un panier d'osier, un cageot de pommes, ces femmes le portaient aussi dans leur dos, tout en continuant à travailler.

De peur que le mari, le patron ne les renvoient au Japon.

" Haji": la peur de la honte..

La honte serait surtout, pour leur famille!



La honte! Rejetée, elle n'aurait plus qu'à se tuer.

Rejetée, même par un homme qui ne les aime pas, qui profite d'elle... Et ce, dès leur arrivée...



La première nuit:

Certains hommes les ont prises, à la hâte... Ou calmement sans un mot( elles ne maîtrisent pas la langue), car ces maris croyaient qu'elles étaient encore vierges, et presque toutes l'étaient...

"Avec notre kimono de soie blanche, sur notre tête, et nous avons cru mourir!"

Avec gourmandise et voracité, parfois avec violence...

Certains se sont excusés, avec politesse...



Elles se souviennent : de ce bateau vers l'Amérique !

Elles n'ont qu'une photo de leur fiancé. Elles se demandaient: les reconnaîtrons nous, d'après leur portrait, et les aimerons nous?



Elles pensent à leur mère, au pays. Pense-t-elle à moi, à sa fille ? Marche-t-elle, 3 pas derrière le père , chargée de paquets, alors qu'il a les mains vides? M'envie-t-elle en secret, alors que je vomis, à cause du mal de mer, et à cause de la puanteur des latrines?

Il y a des puces et des punaises de lit...



Elles croyaient qu'en Amérique, les filles ne travaillaient pas aux champs, "qu'il y a du riz et du bois de chauffage, pour tout le monde".

La plus jeune de ces femmes n'a que 12 ans, et n'avait pas encore ses règles. On l'a mariée pour l'argent de la dot. La plus âgée a 37 ans...



"Ganbaru" et "Hondo" : faire des efforts et garder un esprit combatif. Autres principes des Japonaises, elle travaillèrent sans se plaindre, toujours de peur d'être renvoyées...



Et puis, vint l'attaque de Pearl Harbor, et ces Japonaises connurent le rejet, l'ostracisme et... la haine!

Elles furent déportées et parquées...ailleurs!

Où ? ... En 1942, plus de 110 000 civils sino-japonais furent internés, dans des camps dans le désert, par peur d'une " 5ème colonne"...



"Sode suriau mo tasho no en" : Même une rencontre fortuite est décrétée par le destin.
Commenter  J’apprécie          737
La ligne de nage

Ce roman aurait pu être deux nouvelles. Le seul lien entre ces deux parties c’est Alice. Première partie : description de nages de différents personnages, puis des pages à n’en plus finir sur une fissure au fond de la piscine. Que vont devenir ces pauvres nageurs quand la grande baignoire va fermer ? Deuxième partie la perte de mémoire de Alice racontée par sa fille.

Ce livre a été d’un grand ennui pour moi, je n’arrivais pas à m’accrocher ni à l’histoire, ni aux personnages, ni au style. À peine fermé et déjà oublié.
Commenter  J’apprécie          723
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Je vous le dis tout net : j’ai très moyennement apprécié ce roman mettant en scène des Japonaises qui, au début du 20e siècle, ont bravé la mer pour se rendre sur la côte ouest des Etats-Unis afin de se marier avec des Japonais émigrés. Le récit de la traversée, de l’arrivée, de la nuit de noces, de leur travail intense et difficile, de la naissance de leurs enfants, de leurs problèmes d’éducation, et enfin de leur – encore une fois – déracinement à cause de la guerre, tout cela m’a laissée de marbre.



Et pourtant, j’aime les gens ! Je fais attention à leurs petits soucis, à leurs grandes joies, je fonds devant les enfants, je pleure quand ils ont mal, je m’efforce d’être là, enfin.

Et ici, rien.

Pourtant il y en a des gens, dans ce roman. Des Japonaises de toutes classes sociales, de tout caractère... Celles qui ont eu de la chance en se mariant, celles qui sont battues, violées, celles qui ont des enfants à n’en plus finir, celles qui sont stériles, celles qui se suicident, celles qui espèrent, celles qui en aiment un autre...



Oui, ce roman est rempli. Ce roman fourmille de voix.

Et c’est probablement cela qui m’a gênée, ou disons qui ne m’a pas permis d’accompagner ces gens. Aucun « je ». Rien que des « nous ». Et des phrases, des phrases, des phrases, comme une incantation.

Nous y voilà ! Une incantation, c’est fait pour être clamé. Dit à haute voix. Lentement, pas à pas, mot à mot, et la transe arrive. La magie opère.



J’aurais dû lire tout haut. M’arrêter à chaque phrase, juste un petit peu. Faire résonner la vérité. La rendre éternelle.

Mais je ne l’ai pas fait (je lis souvent dans mon lit, quand mon mari dort...Vous vous imaginez, je serais devenue responsable de ses insomnies ! ).

Tant pis, je passe le relais à d’autres lecteurs. Qu’ils essaient, et qu’ils me disent ce que ça donne !

Commenter  J’apprécie          7110
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Court et incisif, ce touchant témoignage bien documenté nous ouvre les portes d'un monde peu connu, celui de l’immigration des jeunes Japonaises au début du XXème siècle pour rejoindre des "époux", plus exactement des hommes qu'elles n'ont jamais vus et dont elles ne connaissent que les qualités créées de toutes pièces par les marieuses. Mystification collégiale de milliers de destinées, autant d'innocences fuyant la misère et le désespoir de leur pays pour vivre un rêve américain qui vire rapidement au cauchemar.



Julie Otsuka a choisi de traiter ce thème par une narration impersonnelle, comme une chronique froide aux voix multiples et, paradoxalement, c'est le réalisme des faits rapportés qui lui confère toute son humanité.



Un frisson glacé nous parcourant l'échine, nous découvrons le parcours morbide de ces femmes et de ces filles livrées aux maris, aux patrons, aux maîtresses et destinées à cultiver la terre jusqu'à l'épuisement, à se soumettre aux excès des hommes, à accoucher tous les ans, à voir leurs enfants mourir tôt, à vieillir prématurément et à supporter le pire dans l'espoir que le meilleur arrivera enfin un jour.



Récit de l'immigration qui n'a pas été sans me rappeler l'excellente saga du suédois Vilhelm Moberg, "Les émigrés". Tout m'a plu dans ce texte qui va droit au but, excepté le dernier chapitre où l'on change brusquement de locuteur pour donner la parole à l'opinion publique américaine. J'ai ressenti cette fin à la fois comme un parallèle un peu facile et ostentatoire avec la shoah et comme un blanchiment de conscience collectif, une confession bancale et tardive des "hôtes" américains pour se délester de leurs remords.





Challenge ABC 2014 - 2015
Commenter  J’apprécie          700
Certaines n'avaient jamais vu la mer

J’ai très mauvaise conscience, parce que je sens que j’aurais dû aimer ce roman. mais si je ne l’ai pas refermé avant la fin, c’est sans doute que quelque chose m’a permis de le poursuivre. Ce quelque choses, c’est une partie historique que je ne maîtrise pas, un pan de l’histoire des Etats-unis que j’ignorais, bien sûr comme chacun, j’avais entendu parler de Pearl Harbor, et d’une relation tendue et de la guerre entre l’Amérique et le Japon…



Et je découvre bien plus : une immigration de masse des japonais aux Etats-Unis à partir de 1865, et grâce au livre de Julie Otsuka, le transfer de femmes a qui on fait miroiter un destin heureux dans les bras de quelque amant riche et puissant, et qui se retrouveront esclaves de maris dominants, de patrons exigeants et peu attentionnés, condamnées au travail inhumain et perpétuel pour devenir avec leur famille, l’ennemi numéro un à abattre, à éliminer à envoyer en internement dans des camps, rayées de la population, oubliées comme si elles n’avaient jamais existé.



J’aurai cependant préféré lire un roman rédigé de façon peut-être plus classique, c’est certes une gageure que de présenter la situation de ces femmes en usant et abusant de "nous", de "certaines", d’"autres" et encore "d’autres", dans le but de raconter avec précision ce qu’a pu être le sort de ces femmes, mais personnellement, j’ai trouvé cela soûlant et fatiguant à lire, je me découvre extrêmement sensible au style d’écriture.



J’ai malgré cela beaucoup appris en lisant ce livre qui ne

m’a pas laissée indifférente.



Challenge riquiqui

challenge Multi-défis
Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
Commenter  J’apprécie          642
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Un livre magnifique à lire absolument. Je ne connaissais pas du tout ce pan de l'immigration japonaise aux Etas Unis.

Chaque chapitre est consacré à une partie de leur histoire : la traversée en bateau, la première nuit, les blancs, les naissances, les enfants, les traîtres, les derniers jours et la disparition. Un récit sans concession, qui va droit au but.

L'auteure commence souvent ses phrases par certaines ou nous, ce qui rend le texte encore plus puissant. Une écriture superbe et bouleversante à travers les voix de ces femmes.

J'ai découvert l'attente, l'espoir, la vie quotidienne et la déception de ses japonaises déracinées et envoyées aux États Unis afin de se marier avec des japonais déjà installés. Que de déception et de désillusion : le désoeuvrement de ses femmes est total. Rien ne leur sera épargné du début à la fin de leur périple. La vision et le traitement des américains par rapport aux japonais immigrés m'ont laissée sans voix.

Il se dégage de de ce roman une totale injustice, une tristesse infinie et malgré tout, ces femmes possèdent une force et une volonté incroyables.

Un livre à lire absolument afin de connaître cette histoire inspirée de ces immigrants japonais aux États Unis. Un livre bouleversant qui ne laisse pas indifférent une fois refermé.
Commenter  J’apprécie          642
Certaines n'avaient jamais vu la mer

En 1919, un bateau quitte le Japon pour la Californie.

De Jeunes Japonaises vont rejoindre leurs maris, travailleurs japonais en Amérique.

Elles ne connaissent ces messieurs que par correspondance, avec une photo bien mise en scène mais le mariage existe bien.

Elles ont tout abandonné car elles imaginent rencontrer des messieurs nantis qui leur fera connaître une vie meilleure.

Le voyage va être éprouvant, parmi la classe pauvre.

Et pourtant des scènes nous paraissent amusantes, voire cocasses comme lorsqu'elles interrogent Charles, un voyageur américain au sujet de son pays, de l'odeur de Américains et c'est qu'il se prête à ce jeu naïf.

Arrivées à destination, tout humour , tout espoir est abandonné; ce ne sont pas des messieurs en costume qui les accueillent mais des travailleurs agricoles en bonnet de laine.

Tout au long du livre, les voix des femmes s'élèvent en utilisant le "nous", tantôt pour des réalités douces, normales brusques, violentes. Leurs maris ont tous des caractères différents. Aucune ne semble exprimer le bonheur sinon les regrets d'avoir laissé leur patrie derrière elle au point d'oublier progressivement qui elles sont.

Elles ne rencontreront aucun respect de la part des Américains.

Un livre très noir dont l'humanité est un peu gommée par l'emploi de ce "nous" qui vient jeter un voile un peu trop anonyme sur le récit.

Un livre qui a le mérité d'exister pour nous faire connaître une période bien regrettable.



Challenge plumes féminines 2018



Commenter  J’apprécie          632
Certaines n'avaient jamais vu la mer

Belle découverte car je ne connaissais pas cet épisode de l’Histoire…



J’ai longtemps attendu pour lire ce roman, car j’aime bien prendre mon temps quand il y a un emballement médiatique; de plus, j’ai été plutôt échaudée avec les prix littéraires (cf. « Boussole » que je n’ai pas encore terminé ou « Le royaume » qui me nargue dans ma bibliothèque!!!).



J’ai aimé l’histoire de ces femmes qui ont tout quitté pour épouser des Américains qu’elles n’avaient vus qu’en photo, pour avoir un meilleur avenir. L’auteure a décrit sans pathos leur traversée en mer, leurs appréhension à l’idée de la rencontre, la désillusion, les photos étaient souvent trompeuses, la nuit de noce, leurs conditions de travail extrêmement difficiles, leurs accouchements et le parcours de leurs enfants ainsi que les relations avec les Blancs…



Les mères font tout pour que leurs enfants aient une vie meilleure, mais voient qu’ils oublient le vocabulaire japonais, s’éloigne des coutumes et s’américanisent et surtout ont parfois honte d’elles:



» Et surtout, ils avaient honte de nous. De nos pauvres chapeaux de paille et de nos vêtements miteux. De nos mains calleuses, craquelées. De nos visages aux rides profondes tannés par des années passées à ramasser les pêches, tailler les vignes en plein soleil. Ils voulaient des mères différentes, meilleures, qui n’aient pas l’air aussi usées, P 86



Les Japonais sont appréciés pour leur discrétion, leur politesse, mais on ne se mélange pas trop, une situation de compromis jusqu’à l’attaque de Pearl Harbor , où ils deviennent L’Ennemi, que l’on va traquer, dénoncer, déporter d’une manière qui rappelle étrangement la rafle du Vel d’Hiv, et les délations de l’époque…



Julie Otsuka nous livre ici un roman polyphonique, elle emploie toujours le terme « nous » pour donner la parole à ces femmes, avec leurs vies, certes, différentes, mais en plus de chaque destin individuel, c’est le destin collectif d’un groupe de femmes, et le rythme s’amplifie, les instruments se répondent et les thèmes s’enrichissent comme dans une symphonie pour atteindre le point d’orgue.



Elle prend soin aussi d’écrire en italiques les nuances, les précisions qui sont individuelles, au milieu de cette narration collective…



Julie Otsuka a reçu le prix Femina étranger en 2012 pour ce livre que j‘ai vraiment beaucoup aimé, et un seul regret, avoir attendu trop longtemps pour le lire.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          6011




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Julie Otsuka Voir plus

Quiz Voir plus

Le seigneur des Anneaux

Quel est le métier de Sam ?

cuisinier
ébéniste
jardinier
tavernier

15 questions
5531 lecteurs ont répondu
Thème : Le Seigneur des anneaux de J.R.R. TolkienCréer un quiz sur cet auteur

{* *}