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Citations de Julien Gabriels (14)


À première vue, la gare paraissait classique. Pourtant, l’œil y était attiré par toutes sortes d’infrastructures peu habituelles. Des trains étaient au départ. D’autres arrivaient. Une foule se pressait, tant pour les prendre, tant pour les quitter.
Les hautparleurs distillaient leur flux d’informations. Sur les convois. Sur leur destination. Sur les services inhérents ou attachés…
Une annonce retint tout particulièrement l’attention de deux personnes assises sur un banc moulé mais néanmoins confortable : Raïssa et sa fille, Nadja.
« Les voyageurs en partance, devant voyager à bord des deux trains spéciaux à bouclier et enveloppe thermoactifs, sont priés de se présenter au contrôle : porte A, pour le sud et porte B, pour l’ouest. »
L’annonce était aussitôt reprise en anglais :
« Passengers departing on board the two specially shielded and thermo-actively sheathed trains are requested to present themselves for security checks at gate A for southbound destinations and gate B for westbound destinations. »
« Attention, les trains 10001 et 10002, en provenance de Marseille et de Bayonne, entrent en gare, zones 10 et 11. Les passagers se présenteront respectivement aux portes 18 et 19 pour les contrôles. »
Doublure de l’annonce en anglais, à nouveau :
« Attention, trains 10001 and 10002 from Marseille and Bayonne are entering the station. Passengers are requested to present themselves at gates 18 and 19 for a security check. »
*
— Où sont partis papa et Hubert ? demandait Nadja à sa mère.
— Tu le sais bien ! Ils sont partis faire embarquer la voiture !…
— Mais c’est long ! Ça fait déjà une demi-heure qu’ils sont partis !
— Nous ne sommes pas les seuls, ma chérie… Il faut ranger chaque automobile dans les transbordeurs. On te donne un ticket et, quand apparait ton numéro, tu files sur la passerelle… Tu places ensuite ta voiture où l’on t’indique de le faire, tu la fermes à clé puis tu redescends.
» Une fois arrivés, c’est le processus inverse. Car les autos sont rangées, tu sais, les unes derrière les autres. Si tu n’es pas là à temps, les autres véhicules de la même rangée ne peuvent alors quitter le wagon… Mais c’est relativement bien organisé ; il ne faut pas se plaindre !…
— Tiens, les voilà ! dit Nadja, apercevant au loin son frère et son père, Philippe.
— Alors ?… C’est fait ?…, s’enquit Raïssa auprès de son fils, Hubert, âgé aujourd’hui de dix-sept ans.
— Oui. On a le numéro 255. J’ai pris le bracelet.
— Fais voir !…, lui demanda sa sœur.
Il lui montrait à présent une chainette avec une médaille dont il avait entouré son poignet.
— Je crois qu’on peut y aller maintenant ! déclara Philippe.
— Oui, l’annonce a déjà été faite par hautparleurs de se diriger vers les portes d’embarquement, ajouta sa femme.
— À quelle heure on part ? interrogea Nadja.
— Oh ! pas avant trois quarts d’heure, car sur ces trains spéciaux le départ est toujours long ! lui répondit son père. Mais on n’a pas le choix, si ce n’est de prendre son mal en patience !… Allons-y !…
Ils se mouvaient maintenant tous les quatre vers les portes annoncées et les écrans de départ. Nadja demanda à sa mère si c’était bien la première fois qu’elle prenait ce train. Laquelle lui répondit que c’était déjà la deuxième mais que, la première fois, elle était trop petite pour se le remémorer…, encore un bébé, à l’époque !… « Tu avais d’ailleurs dormi tout au long du parcours ! »
— Pour vous, c’est la deuxième aussi ? reprit Nadja.
— Non, la troisième ! La dernière fois, il y a quatre ans, tu étais restée chez mamie, tu t’en souviens ?… Ton père avait un congrès…
Elle se tourna alors vers son mari et lui demanda :
— Un congrès de quoi déjà, chéri ?…
— De chirurgie plastique, répondit-il. Cela avait duré cinq jours, et on en avait profité pour prendre quelques jours de repos sur la côte. C’était encore plus difficile d’y accéder que maintenant ! Ton frère était en pension, cette fois-là… Mais la première fois, il avait été très impressionné !…
— Qu’est-ce que t’as vu ? Dis-moi ? ! questionnait aussitôt, Nadja, en s’adressant à son frère.
— Tu verras par toi-même…, si le temps est clair ! lui répondit-il, d’un air amusé et quelque peu taquin, ne voulant guère en dévoiler plus.
*
Toute la famille avait maintenant pris place dans un compartiment familial de quatre places relativement spacieuses.
Par les fenêtres hermétiquement closes défilait la campagne ensoleillée. Tous étaient plongés dans des lectures fort disparates, reflétant la personnalité des uns et des autres : Hubert, dans un polar, Philippe, dans un roman historique, Raïssa, dans une revue féminine. Enfin, presque tous, car Nadja jouait avec un jeu électronique, un dernier-né qui faisait fureur ! Le début du voyage se déroula dans la bonne humeur générale et la dégustation de quelques encas, dans l’attente, pour la jeune fille, du grand moment…
Ce dernier eut lieu une heure plus tard quand se déclencha une sonnerie et que se fit entendre une voix dans les enceintes acoustiques :
« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous arriverons dans quelques minutes dans la zone interdite que nous traverserons à la vitesse de quatre-cents kilomètres à l’heure. En cas d’arrêt accidentel du convoi dans cette zone, nous vous prions formellement de ne point quitter votre compartiment.
» Au cas où, pour des raisons indépendantes de notre volonté, il serait toutefois nécessaire de quitter le train, vous devriez alors revêtir la combinaison contre la radioactivité, que vous trouverez au-dessus de votre tête, dans son logement spécifique indiqué par une lumière verte qui doit maintenant se mettre à clignoter. En cas de déficience de cette dernière, vous êtes priés d’aviser sur-le-champ, par le microphone de votre compartiment, le chef de train qui procèdera aussitôt aux vérifications utiles.
» Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, la Direction des transports rapides protégés vous remercie de votre attention et vous souhaite à tous un bon voyage. »
L’annonce fut de nouveau retransmise en anglais :
« Ladies and Gentlemen, in a few minutes we will be entering the restricted zone, through which we will travel at a speed of four hundred km an hour. In the event of an accidental stop of the train in this zone, we ask for you not leave your compartment.
» In the event or an emergency which necessitates evacuation of the train, you must put on the anti-radioactive jumpsuit which is located in a compartment above your heads, indicated by a green light which should now begin to flash. In the event of a defect, please notify the guard using the microphone in your compartment, so he may take the necessary action. »
» Ladies and Gentlemen, we at the rapid railway protected transport thank you for your attention and wish you a pleasant journey. »
*
— C’est comment, une combinaison contre la radioactivité ? interrogea Nadja.
— Je n’en sais rien. Celles-ci, je ne les ai jamais vues ! lui répondit son père. C’est une sorte de tunique, avec un masque bien entendu, et un compteur Geiger.
— C’est comme quand tu jouais, petite, au fantôme avec un drap !…, la renseigna Hubert.
— Ah bon ! dit-elle, perplexe.
*
À l’instant même, venait de s’allumer un panonceau : « Traversée de la zone interdite ». Maintenant, la lumière verte s’était arrêtée de clignoter.
Par la fenêtre, Nadja scrutait l’horizon. Hubert s’était levé et dirigé vers le couloir. Il souhaitait en effet observer les alentours depuis ce dernier…
— Tu viens ? demanda-t-il à sa sœur.
— Non. Je vois aussi bien d’ici !… Je préfère rester assise !
— Et toi, papa ?… Maman ?…
— Oh, ce n’est pas la première fois que nous faisons le voyage !… Nous avons déjà vu ! lui répondirent-ils en chœur.
L’étroit passage desservant les compartiments était empli de gens curieux, avides de sensationnel, disséquant à présent ruines et paysage désertique à travers d’épaisses vitres protégeant des radiations nocives.
— C’est impressionnant ! s’exclama une femme, tout près d’Hubert. C’est la première fois que je le vois ! On m’en avait parlé, mais je ne pouvais le croire !…
— C’était un village, ça ? interrogeait une autre femme, portant des lunettes en écaille.
— Sans doute…, répondait une personne, parmi les curieux. Qu’est-ce que vous voulez que ce soit ? !… Je ne pense pas que ce soient des ruines gallo-romaines !…
Des rires quelque peu retenus traversèrent l’assistance. C’est à ce moment-là qu’émirent de nouveau les enceintes acoustiques ; c’était une nouvelle annonce. Cette fois, elle émanait du conducteur du train :
« Mesdames, Messieurs, nos radars viennent de repérer l’un des deux engins de dépollution et de réhabilitation de cette zone, mis récemment en service. Pour la circonstance, nous ralentirons le convoi au maximum afin de permettre aux personnes qui le désirent de l’observer et de prendre des photos. Une fois que nous l’aurons dépassé, nous reprendrons très rapidement notre vitesse de croisière. »
Cette fois-ci, l’annonce ne fut pas réitérée en anglais.
Le train ralentissait déjà quand reprit la même voix :
« Vous le découvrirez à droite, dans le sens de la marche du train, dans deux minutes environ… »
Les visages se collaient aux fenêtres. Cette fois, Nadja et ses parents s’étaient eux aussi pressés hors du compartiment.
Le convoi arrivait maintenant en vue d’un énorme engin sur chenilles baptisé : « Le Paisible », véritable forteresse roulante dont émergeaient quelques surprenantes antennes ainsi que deux radars. Sur le dessus, les bouches béantes de colossaux canons et plusieurs mitrailleuses. À l’avant, une lame démesurée de bulldozer. Dans son axe, une sorte de lance-flammes. À l’arrière, sur l’un des ponts, une singulière pelleteuse, sur chenilles également. Il y avait encore des rampes de débarquement en acier et tout le matériel adéquat pour sortir, des soutes, de plus légers engins.
À environ quinze kilomètres à l’heure, progressait lentement le mastodonte, précédé d’une étonnante lueur, telle une aurore boréale, le deva
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sotop 400
– Mais regarde-moi un peu cette gueule de con !…

Le policier
– Cette fois, j’ai bien entendu… Qui me traite de con ? !… Aucunes lèvres n’ont bougé… Qui parmi vous est ventriloque ?…

Harry
– Mais personne, monsieur… Je vous le jure…

Le policier
– Vous vous foutez de moi !… Pas de papiers… Descendez !…

Isotop 400
– Il est furieux, le pépé !… Il aime pas qu’on parle de sa gueule !… Je le vois dans son regard, et j’entends sa voix courroucée… (Un temps) Et moi, je dis… Que personne ne sorte !

Isotop verrouille sur-le-champ toutes les portières.

Le policier
– Quelqu’un est ventriloque parmi vous, ça c’est sûr !… Ou cette voiture est diabolique !…

Isotop 400
– Diabolique ! Diabolique ! Regarde-toi, face de rat !

Le policier
– Mais on m’a traité
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— Au fait, ces nouvelles ?… interrogea-t-il.
— Elles sont relativement bonnes… William loge chez une inconnue, comme on le lui avait demandé. Nous avons d’ores et déjà pris quelques renseignements sur elle… Elle est blonde, élancée, jolie, un peu vamp peut-être… Voulez-vous voir sa photo ? On me l’a envoyée par mail.
Olson proposa d’y jeter les yeux plus tard : cela ne pressait pas. En revanche, il semblait impatient de savoir ce que les autres protagonistes étaient devenus. Ted lui communiqua que Pierre se trouvait bien dans l’appartement de la 46th Street, et que Barbara logeait chez Olga Kenneth à Santa Monica. Ils étaient désormais bien intégrés à la vie américaine.
— Un beau réseau que nous avons là ! s’exclama-t-il. Au fait, quelle heure se fait-il, Ted ?


Il revint quelques minutes plus tard, portant une tasse et une soucoupe. Il avait pris place à côté de Ralph, et caressait la chienne à rebrousse-poil.
— Quelle belle journée qui s’annonce ! dit Olson entre deux bouchées. Regardez déjà ce beau soleil, et il est à peine dix heures !
— Oui. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, le temps se gâte !… répondit Ted.
Avait-il des nouvelles ?!… Est-ce que les deux femmes avaient été contentes de leur soirée hollywoodienne ?… À vrai dire, Ted n’en savait rien, mais il informa néanmoins Olson que la petite s’était dégottée un ringard ! Alors, le maître voulut en savoir plus…
— Un artiste quelconque, ajouta-t-il.
C’était pourtant un bien noble métier, estimait Olson, les artistes faisaient rêver le monde.



Dès lors, se mit-il réellement en colère, car il trouvait que par-dessus le marché elle se moquait de lui. Il lui conseilla de prendre ses fringues et de déguerpir sur-le-champ ; ce qu’elle fit sans demander son reste. Car elle était sans voix devant ses insinuations. En outre, pensait-elle, ce n’est pas en rencontrant des types comme lui qu’elle aurait une bonne opinion de l’Amérique ! Elle avait, en toute hâte, rassemblé ses effets, qu’elle fourra en vrac dans sa valise, sortit précipitamment sans même lui jeter un regard ; elle avait trop peur qu’il fût de haine !… Comme elle tenait, en plus de la valise, un petit bagage à main, elle n’avait pu fermer la porte.
Alors Michael claqua violemment l’huis qui, tel un couperet, allait séparer pour toujours leurs deux vies.


Pierre n’en revenait pas… Il ne s’attendait pas du tout à la voir, car il la croyait encore chez les ricains ! ; en Louisiane, où on l’avait priée de faire du tourisme, tandis qu’on l’avait rappelé, lui… et pour la France… quelques jours après la réception, à peine le temps de faire des emplettes !
Et depuis ce jour, il moisissait, c’était le cas de le dire, dans une discrète maison qu’on lui avait louée aux alentours de Marne-la-Vallée.
Décidément, elle avait eu la partie belle… Hollywood… les grandes demeures coloniales… et il ne savait quoi encore : cela faisait des mois qu’il ne l’avait pas vue.
— On m’a appelée pour une commande, annonça-t-elle.
— Ah !… répondit-il bonnement.
— T’as pas vu à la télé ?!… Une bagnole en banlieue… Boum !




Ralph se tenait maintenant debout et, très solennel, portait un toast :
— Buvons ce vin… à la mémoire de William… et à la santé… de nos prochaines actions.
Barbara s’était pareillement levée. À la pensée de Willi, son cœur se serra, sa gorge se noua, ses prunelles s’humidifièrent voilant un temps son regard et sa vision du monde. Ce pauvre Willi… pensait-elle. Prendre tant de risques, et mourir bêtement dans un accident d’avion ! ; comme monsieur tout le monde ! ; alors qu’il se voyait parfois, dût sa modestie en souffrir, à titre posthume, à la Une des journaux !… Puis Barbara déclara contenir son émotion parce qu’ils s’étaient jurés de ne pas verser de larmes si l’un d’entre eux partait avant l’heure. Néanmoins, ça lui faisait grand peine de ne plus jamais revoir son Willi adoré.



— Voilà du bel ouvrage ! s’exclama Jean. Qu’est-ce que je vous avais dit !…
Le divisionnaire reconnaissait bien ici son André. Enfin l’enquête allait pouvoir démarrer pour de bon ! Ils avaient dorénavant du pain sur la planche !… Tout d’abord, il fallait faire surveiller de près cette Barbara : elle les mènerait assurément quelque part !…
— Et si je la filais, moi ?!… déclarait Jean. Je ne vais quand même pas rester sans rien faire ! Après tout, c’est mon enquête !
— C’était… cher défunt…
— Si vous voulez… Puis-je néanmoins solliciter l’honneur de revenir sur terre pour achever une humble tâche ?…
Sans toutefois posséder de pouvoirs divins, le commissaire le lui permit. Et si Jean, au cours de ses prochaines investigations, trouvait sur sa route


Jean crut à un effet pyrotechnique de cinéma… pour épater la galerie !… Olson était vraiment un personnage unique ! Mais Pierre avait disparu. L’espace était nu. Sacré farceur ! pensa-t-il. Où était donc passé l’homme en jogging ?!…
— Étonnant, hein ?!… annonça Olson.
— Tout à fait. Votre tour de magie est remarquable.
— Je crois que l’on ne s’est pas compris, monsieur Piernet… Ce n’est pas du tout de la magie. L’homme s’est sublimé. Il s’est désintégré si vous préférez… monsieur Noilou… inspecteur André Noilou !…
À ces derniers mots, Jean se tourna vers lui, ébahi, littéralement interdit. Ralph Olson, quant à lui, continuait sur sa lancée :
— Parfait, le déguisement ! Très bien, le coup de votre étude sur les châteaux !
— Mais…
— Intéressant, mon petit feu d’artifices





— Oui, Barbara… Et alors !…
Le texte n’en disait guère plus. Subitement, tout devenait confus dans la tête de Jean… Barbara n’était-elle pas un agent à la solde d’Olson ? Sur l’heure, pour en avoir le cœur net, il lui posa la question…
— Si l’on veut… dit-il. Remarquez, on ne lui a pas demandé son avis !
Nul ne sut ce qui se passa à ce moment dans la tête d’André Noilou… Mais alors que tout se brouillait, la lumière se fit … Et, comme par enchantement, tout s’éclaira…
— Mais c’est diabolique !… cria-t-il. Mais l’avion ?!…
— On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, monsieur Noilou !… L’expérimentation dans la vie est nécessaire… reprit-il après un laps de temps, en le regardant au fond des yeux. La destinée existe aussi… Et des avions se
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mais rien ne se passa ; qu’un long discours en arabe auquel, forcément, je ne compris rien.
Et quand la chose cessa enfin, j’eus un profond soupir de soulagement. Décidément, on avait toujours besoin d’un authentique secours féminin.

*

Ce jour-là, et pour la première fois de ma vie, je passai ma nuit dans une geôle. Bahira n’avait pas été garce… à peine femme…
Séance tenante, l’on m’arrêta, me mit les fers, me conduisit dans un trou à rats !
Et ses yeux maquillés, d’habitude si grands, si bons, n’exprimaient plus rien ; des yeux vides et lointains, si différents du regard que j’avais jusqu’à présent connu.
Bien plus tard, l’on vint me chercher pour me soumettre à la question. Rituel insensé, rappelant des époques qu’on aimerait à jamais révolues.
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… Chapitre I

Acilie avait à présent parcouru les quelques centaines de mètres qui la séparaient du lieu où se tenaient leurs réunions secrètes. Il s’agissait des excavations d’une ancienne usine dont seule la partie souterraine avait survécu aux centaines d’espèces arboricoles composant les nouveaux massifs forestiers qui, peu à peu, avaient contrebalancé les effets nocifs du réchauffement climatique amorcé à la fin du vingtième siècle, et que l’on avait dû implanter très largement, partout où cela fut encore possible.

Veillaient à l’entrée d’un escalier en béton, moussu et fatigué par les ans, deux personnes : Damien et Thélérine, lasers défensifs pendillant à une ceinture de cuir ornée de clous en laiton. Ils l’accueillirent d’un sourire. Damien était d’un blanc nordique, petit et râblé ; vu sa couleur de peau, il appartenait au genre humain. Thélérine était une blonde pulpeuse, approchant la trentaine, au grain de peau carmin ; elle relevait du genre andros ou humas.

— Lusa Acilie, dit-elle.
— Lusa Thélérine, lui répondit Acilie. Je suis en retard, sans doute ?…
— Ça vient juste de débuter. Tu n’étais pas la seule en retard, vu ce temps de loup-garou !

Acilie ôta les peaux qui recouvraient ses brodequins, afin de chausser des estraquins de cuir fin, et descendit les marches. En effet, la réunion était commencée. À peine était-elle apparue que l’orateur du jour, qu’elle ne connaissait pas encore, l’apostrophait :

— Bienvenue, mondoyenne ! Et merci d’être là en dépit des conditions difficiles. Approchez-vous ! il y a encore de la place au premier rang…

Acilie gagna ce dernier, comme on l’invitait à le faire, sous les regards étonnés et subjugués d’une trentaine de personnes, car on connaissait, pour l’avoir vécue, la difficulté à progresser par ce temps hivernal et ce froid aigu ; et surtout qu’Acilie était arrivée seule, sans sa mère… Parmi l’assistance : la plupart « black et white », et quelques humas de couleur qui, peut-être un jour, prendraient leur part à la révolution prochaine si celle-ci pouvait enfin aboutir. Le conférencier, en costard foulard et insigne à la boutonnière, recommença pour Acilie le début de son allocution…

— Je répète donc, pour cette mondoyenne qui arrive à l’instant et que, vu le temps, je remercie, ce que j’avais dit juste auparavant. Le kimar de Saint-Justin m’a fait savoir, par l’un de ces émissaires ambulatoires, de bouche à « esgourdes » , qu’il nous donnera bientôt le feu vert pour de grandes actions.

Une main se leva, comme pour interroger…

— Oui, mondoyen, qu’y a-t-il ? demanda l’orateur.
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Chapitre I

Les peaux de bêtes sauvages, dont elle avait entouré ses brodequins, laissaient sur la neige immaculée et dense les traces d’une chimère, tandis que les flocons tombaient drus, balayés par un vent cinglant qui les amoncelait en congères. Sa progression était lente mais plus que jamais déterminée. Nulle réunion secrète de la cellule locale ne pouvait être ajournée, même par temps de chien et météo apocalyptique ! Et Acilie s’y rendait…

Alors qu’elle cheminait difficilement dans des bourrasques dignes des blizzards, son laser d’autodéfense – trouvé par hasard dans un champ – pendant à une ceinture de cuir mise par-dessus ses habits, une meute de loups aux abois hurlait dans le lointain. Quiconque, qu’il fût humain, animal sauvage ou domestique, avait un jour gouté à ce laser, ne s’en approchait plus de sitôt ! ; beaucoup le portaient par le fait de manière ostentatoire quand cela s’avérait crucial… C’était le cas d’Acilie aujourd’hui qui, ainsi parée, ne craignait personne : ni bandits de grand chemin qui hantaient les parages, ni bêtes hostiles et carnassières, ni démons de toutes sortes. C’était bien le seul luxe qu’elle possédait encore – d’une extraordinaire efficacité pour dégoter l’aléatoire pitance de tout exilé en forêt –, hormis le « luxe » du dénuement le plus total ; lequel dénuement avait un jour conduit sa mère à émigrer d’un quartier sordide jusqu’en lisière de forêt, d’où on l’avait délogée bien des fois ; jusqu’au jour bénit où Acilie eut l’idée qui leur permit de rester définitivement sur place…

*

Acilie était l’unique fille d’Adalinde de Myrenthrée d’Isicourt, arrivée en forêt avec sa mère à l’âge de quinze ans, sous le Républicat de Solis III, troisième du nom, et, toujours, démocratiquement élu ; grâce au lobbying de suprêmes collèges électoraux à la solde du pouvoir en place, plus qu’enraciné.
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Jean Piernet avait finalement entrevu le contenu de la cassette dans un faubourg de Londres où l’avait conduit Olson. Il en était resté abasourdi.

Avare de paroles, Jean méditait parfois des heures ; et passait en revue les mois de traque qui avaient enfin abouti, durant lesquels il avait fait la connaissance de Ralph Olson et de son « stratagème hors la loi » mis en place pour s’approprier le contenu d’une cassette unique.

Qu’allait donc faire, de ce contenu, la CIA ? Et de lui-même maintenant qu’il était au courant ? Le liquider ? Pour éliminer le témoin gênant, celui qui n’aurait jamais dû voir, encore moins savoir. Et qui plus est, un flic, un de ces sacrés flics capables de réveiller les morts, les faire parler à titre posthume.

S’en remettre à Ralph, éminence de la CIA, apte à le protéger ou le liquider… ; la décision s’avérait lourde de conséquences. Autant jouer à la roulette russe, attendre, dubitatif, extatique, les quelques grammes de poudre qui lui feraient sauter la cervelle, répandant alentour le savoir d’une vie fort bien remplie. Jean appuya sur la gâchette formée du pouce et de l’index. Il n’y eut guère d’épanchement de savoir ; ce n’était point la pertinente balle. Dès lors, ce qui restait encore de cortex conclut, ce jour, un pacte avec Olson.

Ce dernier ne lui avait-il pas du reste recommandé ce pacte , dans ce labo des environs de Londres, au milieu d’experts enfin venus à bout des multiples pièges de la cassette ?…
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mais rien ne se passa ; qu’un long discours en arabe auquel, forcément, je ne compris rien.
Et quand la chose cessa enfin, j’eus un profond soupir de soulagement. Décidément, on avait toujours besoin d’un authentique secours féminin.

*

Ce jour-là, et pour la première fois de ma vie, je passai ma nuit dans une geôle. Bahira n’avait pas été garce… à peine femme…
Séance tenante, l’on m’arrêta, me mit les fers, me conduisit dans un trou à rats !
Et ses yeux maquillés, d’habitude si grands, si bons, n’exprimaient plus rien ; des yeux vides et lointains, si différents du regard que j’avais jusqu’à présent connu.
Bien plus tard, l’on vint me chercher pour me soumettre à la question. Rituel insensé, rappelant des époques qu’on aimerait à jamais révolues.
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et j’appris en cet endroit, assis à l’ombre des arbres sur ce banc de chêne, ce qu’était la Terre de raison. Il s’agissait d’une sorte de lieu mythique, créé par les nations en l’absence de guerre sérieuse. Là, l’homme – au plus large sens du terme –, animal intelligent s’il en est, pouvait enfin exprimer dans cet “eldorado” toute sa haine de l’autre – races, religions et cultures, confondues. La plupart savaient qu’ils ne reviendraient pas… mais qu’importe ! Une multitude de gens rêvaient néanmoins de partir là-bas... si loin…
Je trouvai cela très étrange. L’homme était ainsi fait d’ambiguïté et de déraison. Pourquoi, des années durant, une telle information ne m’était pas parvenue ?!… Je n’en savais rien, car certains événements vous …
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et j’appris en cet endroit, assis à l’ombre des arbres sur ce banc de chêne, ce qu’était la Terre de raison. Il s’agissait d’une sorte de lieu mythique, créé par les nations en l’absence de guerre sérieuse. Là, l’homme – au plus large sens du terme –, animal intelligent s’il en est, pouvait enfin exprimer dans cet “eldorado” toute sa haine de l’autre – races, religions et cultures, confondues. La plupart savaient qu’ils ne reviendraient pas… mais qu’importe ! Une multitude de gens rêvaient néanmoins de partir là-bas... si loin…
Je trouvai cela très étrange. L’homme était ainsi fait d’ambiguïté et de déraison. Pourquoi, des années durant, une telle information ne m’était pas parvenue ?!… Je n’en savais rien, car certains événements vous …
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France : 2118-2148. La vie est rude sous les Républicats de Solis II et Solis III. Après une jeunesse éprouvante, Acilie, travaillant à présent au ministère de l’Évolution des idées, à l’exemple de sa mère animant une cellule de dissidence, est aujourd’hui, parmi bien d’autres, actrice de la révolution en cours… Aidée en cela par de proches voisins : un camp de « décados » originaux et quelques androïdes se différenciant des humains « black et white » d’alors, par leur « peau de couleur » occupant toute la gamme chromatique. Issu de cette « révoltion », et à la faveur d’une innovation d’envergure, le futur président-souverain qui sortira des urnes étonnera le monde entier…
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… Chapitre II

Sur le mur, une cinévision , la vision du beau monde, autrement dit : le grand luxe, ici même ! Les réseaux généraux tels Internet, Mondianet (hypersécurisé) et Gallactonet (permettant d’échanger avec les premiers colons sidéraux) avaient depuis longtemps pris la place, pour le commun des mortels, de la désuète télévision. En revanche était apparue la cinévision, faisant peu de cas des souffrances du monde. Ne subsistaient que des émissions et des reportages en langage châtié, que les décados ne comprenaient plus ; encore moins compréhensibles pour ceux-ci, les sujets écrits et choisis pour une caste élitiste à l’abri du besoin, vantant les mérites de gens établis en dynasties, qui se partageaient richesses, récompenses et honneurs, et se servaient à bon compte du média pour leurs promotions personnelles. Il en était ainsi de la policratie et de maints profiteurs des systèmes en place.

Solis III intervenait justement à l’instant à la cinévision, comme il le faisait de temps en temps, pour parler à ses ouailles. Lorsqu’il apparut sur le fin écran quasi immatériel, les décados et recados présents firent une moue, car ils ne l’aimaient guère… Les plus décados d’entre eux levèrent même un doigt en l’air, un de leurs signes d’appartenance depuis presque deux siècles. Certains étaient néanmoins rivés à l’écran, quelquefois intéressés par ce qui se passait ailleurs… Mais comme de ce charabia et de ce dégueulis de mots, ils ne comprenaient goutte, Ivain et Octavus, deux andros amis, étaient là pour décoder puis traduire le discours dans le langage atrophié des décados. Et il en ressortait ceci, après qu’ils en eurent dégluti l’essentiel qu’ils reformulaient à leur manière : « bin, narindi, com’dab ! ».

Ivain avait beau tenter de les intéresser à l’essence même de ce discours parfumé à l’eau de rose, il n’obtenait d’eux que le mépris suprême pour leur président-souverain.

Octavus et Ivain étaient donc les rares liens qu’Acilie et sa mère entretenaient – du fait, par androïdes interposés – avec leurs encombrants voisins, plus férus de rapines que de tendresse ! Ce que ces derniers avaient néanmoins de commun avec elles, de ne pas porter l’oligarchie dans leur cœur ! ; et c’était déjà beaucoup, tant la tâche future s’avérait délicate… Aussi, les deux androïdes qui leur tenaient parfois compagnie, capables de discuter et de discourir avec eux dans leur langage « étuvé », savaient-ils de temps à autre modérer, voire endiguer leurs déviants travers, et permettaient-ils à tous de vivre dans un équilibre, certes instable, mais au moins salutaire pour l’environnement immédiat. On ne s’aimait point mais l’on se respectait ; dans certains cas, par armes dissuasives interposées !… Mais peut-être que la « révoltion » aura besoin de tous les bras qui se porteront un jour à son secours, peu importe lesquels : humains, humanoïdes, décados ou recados. Acilie en était convaincue.
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43 rue du vieux cimetière

Dans le livre comment s' appelle l'écrivain?

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Thème : 43, rue du vieux cimetière, tome 1 : Trépassez vote chemin de Kate KliseCréer un quiz sur cet auteur

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