Tout monument commémoratif doit exprimer simplement et sans équivoque le fait historique qu'il rappelle. Son éloquence doit être concise ; et comme son but est de transmettre le souvenir d'un fait à une postérité reculée, son architecture doit être durable et défier le temps. L'inscription monumentale y joue un grand rôle ; la sculpture et plus rarement la peinture — sauf dans les intérieurs — complète cet enseignement historique.
Mais si la construction joue un grand rôle dans l'architecture, elle n'apparaît, au début des études et dans les recherches d'art, que par ses lois générales et élémentaires, par ses nécessités; au contraire, l'étude scientifique de ses moyens, de ses problèmes, le contrôle de ses combinaisons, ne peut venir que plus tard, lorsque l'élève a déjà des notions suffisantes des formes et des ressources de l'architecture : tout d'abord, il faut lui montrer ce qui est constructible ; plus tard, il verra par quels moyens il pourra en assurer la construction, c'est-à-dire la réalisation d'une chose qu'il doit avoir d'abord conçue.
Les classifications ont toujours le tort de faire des catégories trop exclusives. Ainsi, ayant à vous parler des édifices commémoratifs, je tiens à bien spécifier que beaucoup d'édifices utilitaires sont et doivent en même temps être commémoratifs. On ne comprendrait ni une église, ni un hôtel de ville qui ne rappellerait pas l'histoire de la ville. Mais il y a des monuments qui sont faits presque dans le seul but de rappeler un souvenir historique, par exemple la colonne Vendôme : ce sont ceux que je voudrais étudier maintenant.
Je confesse d'ailleurs mon embarras à vous parler des constructions à l'usage du commerce ou de l'industrie. Cela est en vérité trop vaste et trop varié pour se prêter à l'exposition de lois générales, et les applications changent si fréquemment, l'ingéniosité marche à une telle allure, que ce qui serait vrai au moment où j'écris ne le serait plus au moment où vous me liriez. Peut-être cependant est-il possible de dégager quelques, vérités d'ordre général.
L'architecture est un art qui a pour but et pour raison d'être la construction, et, d'autre part, les moyens de la construction constituent son domaine et son patrimoine, son arsenal ; hors de là, il n'y a pas d'architecture, et, comme je vous le disais en commençant, toute conception architecturale qui serait inconstructible n'existerait pas : ce n'est rien.
L'architecture n'a qu'une raison d'être, bien nette, bien visible : construire. Ce mot résume toutes les fonctions de l'architecte, car conserver, entretenir, réparer, restaurer, c'est encore construire.
Construire est à la fois le but de l'architecte et le moyen dont il dispose ; et à l'origine étymologique du mot architecte, nous trouvons ce sens précis, qui est une définition : maître constructeur.