Des nuages se déploient, s'amoncèlent. Le ciel pâle se marbre de traînées grises, et se gorge d'un orage qui mûrit. Une lumière vibrante parsemée d'étincelles fend l'horizon, la fourche bleutée d'un éclair se plante au pied du dôme monumental qui recouvre la centrale nucléaire de Tchernobyl. Un violent coup de tonnerre résonne au loin.
Des dégâts si dérisoires que leurs armes paraissent aussi inoffensives que des lames de papier.
Un hurlement de loup, bestial et funèbre, déchire les derniers lambeaux de la nuit.
Quelqu'un entre, à pas de velours. Sans salutation ou présentation de sa part, la voix d'une femme jaillit, comme un éclair déchirant le ciel :
— Je vous ai entendu pleurer, m’annonce-t-elle, pour justifier sa présence.
— Je ne pense pas qu’il soit interdit de verser des larmes dans cet hôpital, je lui rétorque avec ironie.
— J’ai simplement pensé qu’un peu de compagnie pourrait vous faire du bien, m’indique-t-elle, en s’installant sur une chaise. Il m’est impossible de rester insensible à de tels gémissements.
— Merci, mais je n’ai besoin de personne ! Je me débrouille très bien tout seul.
— Je n’ai pas dit le contraire, me répond-elle, avec un embryon de déception.
— Je pratique les arts martiaux, je suis un combattant.
Prêt à éclater, son cœur hurle de plus en plus fort dans sa poitrine, écartelé entre la terreur et les remords, tel un condamné dans le couloir de la mort. Ses poumons brûlent de détresse. Son souffle s’affole.
Ses oreilles s’emplissent de bruits lancinants. La prison végétale se tisse. Les vrilles l’embrassent, l’embrasent, ses membres et ses membranes vibrent dans le plus profond de son âme.
Il entend le silence pleurer
Des idées radieuses laissent place au tonnerre. Desiderata disparaissant dans les airs. Ces changements dérisoires me blessent comme une lame de rasoir. Faiblesse. Tristesse. L'orage gronde dans ce monde immonde. Moral foudroyé. En une fraction de seconde, une onde profonde me traverse, me pénètre, m’inonde. L’horizon me regarde en chien de faïence. L’oraison funèbre de mes défaillances.
Son âme erre, s'égare dans un labyrinthe de souvenirs qui enlacent ses sens. Ces réminiscences enveloppent son cœur dans un voile de tristesse.
Mykhaylo accuse le coup. La réalité s’agrippe à ses yeux. Cette vision accablante écrase son âme dans l’étau du désespoir.