L'important c'est vivre.Vivre pour grandir.
La vie permet de tout faire, tout envisager, tout vaincre.Même sans gagner, même en perdant, la lutte en elle-même est une suffisante raison de vivre.
(Robert Laffont, 1975)
Le grand passe-peine, c'est surtout la lecture et les études. Sans toujours bien assimiler, j'ai lu tout ce qui me tombait sous la main, tous les classiques, les philosophes , les écrits religieux. J'ai découvert Platon à...vingt-cinq ans !
Ma vision du monde changea.
( Robert Laffont, 1975, p.215)
… on ramassait des tracts anglais : « Volez, pillez, mais n’allez pas travailler en Allemagne. »
260 - [Le Livre de poche n° 4987, p. 78]
Le père voulait-il faire peur à son fils ? Attendait-il des excuses? J'en doute, on ignorait ce que c'était, faire des excuses.Julot devait chercher désespérément un moyen de sauver la face, mais le problème, cette fois, était insoluble, le passé était en train de basculer, en bloc.Son régime de terreur était terminé.
( Robert Laffont, 1975, p.92)
Pour mieux faire bouillir la marmite, plus exactement faire bouillir la marmite à la limite du strict nécessaire, la mère, en plus de ses gosses, prenait aussi un bébé en nourrice. C’est ainsi que j’ai failli changer de mère.
Une Parisienne avait apporté un bébé maigrichon de mon âge, nous étions ensemble dans un parc, le jour où cette mère-là vint en visite quelques mois plus tard, elle m’attrapa, me prit dans ses bras, m’embrassa, m’embrassa, folle de joie de retrouver son gosse si beau et si costaud.
Ma mère me raconta plusieurs fois avec des pleurs de rire et de consternation : « Mais, madame, c’est le mien, je vous assure ! » Avec ma mère tous les bébés savaient chantonner avant de savoir parler.
261 - [Le Livre de Poche n° 4987, p 23]
Les gamins du quartier, eux aussi, étaient coriaces. Aux jeux sauvages et sans pitié des soirs et des jeudis, il fallait des chefs, plus durs que les autres.Sans doute, depuis la nuit des temps, le besoin d'une préséance dans la tribu.Je n'ai jamais aimé les caïds, je trouvais toujours une " raison " pour me battre et leur faire mordre la poussière.Je ne sais pas bien pourquoi.
Dans nos jeux sauvages, il n'y avait pas de place pour l'indulgence ni la moindre pitié, sauf envers l'ami choisi : celui-là, fallait pas y toucher, moins qu'à soi-même. Mon frère avait son pote, moi le mien, à nous quatre, naïvement, l'univers entier ne nous faisait pas peur. Jeunesse.
(Robert Laffont, 1975)
La centrale de Melun est vite atteinte, la cour d'honneur.Dans toutes les prisons il y a une cour d'honneur, je n'ai jamais pu savoir ce que cela signifiait.L' honneur pour qui ?
( Robert Laffont, 1975, p.202)
Mais on se gardait bien de raconter quoi que ce soit à la maison.Quelques années plus tard, quand l'instituteur nous parlait des mœurs des Goths, et de Sainte Blandine, moi je ricanais.Il arrivait un peu tard, le mec.
(Robert Laffont, 1975, p.50)
Quelques très rares vrais amis m'ont réconcilié- tardivement- avec l'humanité, et je souris d'observer les manoeuvres des autres, de tout le reste des autres.
Tout en croyant- indécrottable, je suis- qu'un temps viendra où tous les gens mériteront d'être rencontrés.
Probablement parce que le chemin de la vie dure m'a emmené si bien dans la gamberge et la désespérance que je vis perpétuellement étonné d'en être revenu de ces lointains voyages.Ce qui est sûr aussi, avec beaucoup de ressorts cassés. L'impression profonde d'être le rescapé d'un tas d'anéantissements.
( Robert Laffont, 1975, p.222)
Désormais mon seul souci fut de cacher et soigner la môme. La blessure était très grave, les soins entassèrent les mois et les mois, mais j'avais trouvé une raison de vivre, une raison précieuse et farouche.Je me sentais responsable, sans analyses. Ce qui doit être fait, il faut le faire.
J'étais seul, à deux.Je me sentais invulnérable, l'esprit branché en permanence sur la sauvegarde de la môme.
( Robert Laffont, 1975, p.239)