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Critiques de Julien Suaudeau (80)
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Dawa

Voilà un premier roman et un auteur Julien Suaudeau qui devrait faire parler de lui.

Car c’est pour moi, une vraie et belle surprise.

Fiction mélangeant habilement terrorisme, politique, désespérance sociale, solitude, vengeance. Un cocktail savamment dosé, passionnant de bout en bout. L’analyse de Suaudeau est pessimiste, reflet d’une société qui ne croit plus au discours politique.

Echec de l’intégration, pauvreté du débat politique, il y a belle lurette que l’espoir a fait ces valises. Chacun s’accommode pour rendre son existence vivable.

Des personnages complexes qui luttent contre leurs démons intérieurs. Suaudeau ne les juge pas, chacun va au bout de sa logique.

Les dialogues sont à la hauteur de l’intrigue, jamais pontifiants, ils sonnent justes et apportent une belle densité à l’ensemble.

« Dawa » c’est noir, la génération « Black, blanc, beur » n’est plus qu’une utopie, la déliquescence de notre société en marche. Espérons que Julien Suaudeau se trompe. On peut rêver.



Un grand merci aux Editions Robert Laffont et à Babelio.



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Dawa

Allez, courage, un pas en avant! N'attendons pas que le couperet tombe, J-5...

J-4... Ne procrastinons plus, jetons-nous courageusement à l' eau sans noyer le bébé avec bien entendu!

Dawa m' est rapidement sorti par les yeux, cinquante, soixante pages plus loin, mais quoi Lorraine, tu nous pètes une durite? C'est pourtant un polar, tu adores les polars: pour toi c'est comme un scone tiède avec de la clotted cream, le bon Dieu en culottes de velours!

Le sujet, revenons au sujet! Nous sommes en banlieue parisienne, la cité des trois mille, la banlieue nord de la capitale: "la banlieue c'est pas rose la banlieue c'est morose" comme l'écrit mon philosophe préféré.

Assan est un algérien immigré de la deuxième génération au parcours remarquable: Science Po, enseignant à la fac de Paris VIII, le seul hic serait la jeune fille qu'il fréquente, nouvellement convertie à l'islam et qui évoluerait dans les milieux intégristes.

La section antiterroriste est sur les dents!

Et moi sur reculoir car je n'ai pas du tout accroché à cause des phrases proustiennes et alambiquées de Julien Suaudeau!

Ce tout premier livre d'un auteur que l'on sent épris d'informer à travers son roman est très prometteur mais un roman ne se conçoit pas comme un article de journal même si Zola est passé par là!

Je remercie tout de même Babelio et les éditions Robert Laffont pour cet envoi dans le cadre de la dernière masse critique, et je promets d'essayer plus tard de relire ce roman que je n'ai peut-être pas su apprécier à sa juste valeur!



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Dawa

Paris tremble : une vidéo a été diffusée sur internet montrant un commando suicide annonçant leur intention de faire éclater 5 bombes dans des endroits d'affluence le 13 mars prochain. Paoli, le directeur du service renseignement intérieur, a deux semaines pour éviter la catastrophe.

Mais tout n'est pas si simple dans la ville des lumières. On est en période d'élections municipales. Le représentant du culte musulman, Ferhaoui, grand ami du maire sortant, et secrètement attentif aux intérêts du Qatar, donne un nom à surveiller à la police française. Paoli est un enfant d'Algérie qui, en 62, a vu ses parents assassinés sous ses yeux par des membres du FNL. Le nom donné par Ferhaoui, Bakiri, est celui du descendant de cet assassin dont il a juré de se venger. En parallèle, la DGSE cherche à le faire démettre de son poste. L'adjoint de Paoli, Franck, jongle entre l'investissement dans cette mission et l'érosion de sa vie de famille, avec une petite fille, Zoé, qu'il voit un weekend sur quatre et la femme qu'il aime vivant loin de lui depuis qu'elle a demandé le divorce. Elle, elle est journaliste et cherche à se faire un nom, avec un scoop. Elle est chargée d'interviewer Hélène Faure, candidate sans parti institutionnel à la mairie de Paris, outsider qui fait trembler les candidats sur leur fauteuil et a des chances de l'emporter. Assan Bakiri s'en est bien sorti dans la vie depuis que sa famille a quitté l'Algérie ; il est professeur d'université, vit dans un pavillon de la cité des 3000 avec son père, le fameux mercenaire du FNL, à présent diminué tant physiquement que mentalement par la maladie d'Alzheimer. Amoureux sans espoir de Zohra, la compagne de son frère mort en martyre pour l'Islam, il décide lui de tirer le rideau sur cette vie-ci au cours d'un évènement qui saura supplanter les actions de son frère. Momo aussi vit dans la cité des 3000. Lui a une chance de s'en sortir : après une petite carrière de délinquant, aux ordres du Tchétchène, le boss de la cité, il est sélectionné pour participer à un tournoi de boxe qui pourrait faire de lui un boxeur professionnel. Et puis la belle Sybille aime se pendre à son bras. Issue de la bourgeoisie parisienne, elle rêve de vivre la vraie vie, pas comme ses planqués de parents, et se prend pour une dure parce qu'elle traverse les banlieues chaude de la région parisienne au bras de son amant.



J'arrête là mon résumé de cette histoire, même s'il y a des personnages non évoqués qui ont une importance certaine dans le récit (pour en citer quelques-uns : Soul bien sûr, le ministre de l'intérieur, Delphine, Alex…).

En écrivant ce synopsis, je me dis que là est le problème de "Dawa" : il a trop de tout ! Trop de personnages, on s'y perd. Trop de milieux évoqués. Trop d'intérêts divergents. Trop de stratégies en tout genre. Trop de corruption. Trop de tenants et d'aboutissants. Chaque personnage mène sa guerre personnelle, de vengeance, de rébellion, d'espoir, de gloire, de pouvoir… Julien Suaudeau évoque trop de sujets, trop d'histoires personnelles. Chaque personnage à droit à l'évocation de son passé, de ses motivations, de ses doutes, du peu de choix qui s'offrent à lui. Ses phrases, pour évoquer la vie dans les cités, la politique, la justice, etc… sont trop longues, superposition de propositions qui n'en finissent pas de perdre leur lecteur au détour d'une virgule.

Et c'est bien dommage. Car ce premier roman de Suaudeau a quand même de grandes qualités : qu'il évoque la vie des cités ou les méandres de la politique, le discours est documenté, argumenté, ultra-réaliste. Certaines formulations font mouche. Les personnages sont fouillés, même s'ils franchissent parfois d'un pas allègre la frontière qui mène à la caricature. Le fond est intelligent, le monde décrit n'est pas noir et blanc, et chaque personnage subit son destin autant qu'il en décide.

Il n'empêche qu'à tout prendre, comme le fait cet ouvrage, j'ai trouvé le temps long, sauf sur les 100 dernières pages où l'histoire s'accélère. Il y a trop d'ambition derrière ces pages, et le récit aurait gagné en lisibilité et en puissance en étant plus synthétique. Dommage !

Un grand merci aux Editions Robert Laffont et à Babelio pour cette découverte.

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Dawa

Un pavé en plein visage, c'est la sensation que j'ai éprouvé à la lecture des premières pages de ce livre. Et quand on reçoit un pavé en plein visage, et bien ça met de mauvaise humeur, ça met en colère et ça donne envie de le renvoyer à l'expéditeur.

Ce livre, DAWA , ressemble à un parpaing par sa forme, par la couleur de la couverture et son toucher granuleux, râpeux sous les doigts, et ces quatre lettres majuscules écrites au pochoir vous regardent d'un sale œil.

Je me suis donc sentie agressée, agressée par le ton de ce livre entre vindicte et dédain. Exaspération d'autant plus forte que l'auteur est français et vit depuis huit ans aux Etats-Unis. Normalement, j'aurai du me débarrasser de ce « pavé » au bout d'une centaine de pages. Mais, reçu grâce à la Masse Critique, je me suis sentie obligée d'en achever la lecture, et maintenant, le livre terminé, je m'en rejouis.



Ce roman noir, ce sont deux tornades qui s'entrechoquent pour prendre plus de force.

La première prend son départ chez un homme, « Al-Mansour, le Victorieux, le fellaga terrible (qui) a tout perdu ». Aujourd'hui, il est ce vieillard flétri, atteint de la maladie d'alzeimer qui attend, l'enfant, ce petit garçon de onze ans devant lequel il a tué le père il y a une cinquantaine d'années. Mais il y a aussi ses fils, qu'il a entraîné dans une vie de ravage. Si l'un d'eux est mort, l'autre le hait. Ces deux hommes, l'enfant devenu directeur des services secrets, et son second fils Assan, professeur en faculté d'arabe, ne vivent que pour se venger de lui.

La seconde tornade, ce sont les municipales de mars 2014, dont la course au pouvoir est dynamitée par la menace d'un attentat à la bombe d'un groupe de djihadistes. Tout cela sur un fond de marigot entre lutte de pouvoirs, colonisation en devenir de la société française par les finances du Qatar de tous (ou presque) des points clés de notre belle démocratie en cours d'effondrement.



Deux « aires de jeux » : les beaux quartiers parisiens et la cité des 3000 à Aulnay.



Souvent les premiers romans reposent sur des données autobiographiques. Julien Suaudeau me donne plutôt l'impression de construire son récit sur son travail de journaliste d'investigation et de réalisateur et scénariste de documentaires et court-métrages. La politique il connaît et elle le passionne sans aucun doute . En 2004 il avait réalisé un documentaire consacré à la lutte des prétendants à la succession du Président de la Côte d'Ivoire Houphouët-Boigny. Il connait parfaitement les circuits politiques, financiers et policiers, leurs imbrications et leur ressorts, les chemins pour faire carrière.

En janvier dernier, il publie un article sur l'affaire Dieudonné , où se retrouvent toutes les grandes lignes de son roman : la souffrance et la détresse de ceux qui vivent au 3000, abandonnés par la puissance publique et reprise en main par les gangs qui y font la loi, la scission de la société avec le risque de voir apparaître de nouveaux boucs émissaires, etc...

Il connaît également le milieu de ces seconde, troisième génération d'émigrés plus ou moins impliqués dans le « deal », de leurs difficultés et de leurs amertumes, mais aussi de leur force.



Tout cela pour saluer le brio avec lequel il entraîne son lecteur dans une plongée infernale et sombre de ces deux sociétés, séparées par ce mur qu'est le périph, mais pas que.



Le thème dominant, celui de la vengeance : comment elle pourrit la vie de celui qui s'y consacre et pourrit celle de sa famille, ses enfants. Rien du glamour de « Colomba ». La vengeance est une spirale infinie « « Mais la vraie question, fils, ce n'est pas de qui on se venge. C'est qui se vengera de nous. »

Le recrutement pour le djihad est souvent imputé à un lavage de cerveau. Or ici, l'embrigadement des jeunes prêts à se faire exploser, ce n'est pas la raison profonde de leur engagement, ni leur désir de suicide, mais aussi « la soif d'aventure, de discipline et le désir d'accomplir des actes héroïques, de transgresser des interdits tout en servant une cause plus grande que soi » . Provocateur ce raisonnement ? Oui, mais aussi généreux. Dans ce roman, il y a aussi ces jeunes qui s'engagent et s'épaulent, se réchauffent.



C'est l'autre point fort de M. Suaudeau : sa profonde tendresse pour ses héros. Même pour Al-Mansour, le vieux fellaga, même pour son fils qui veut mettre Paris à feu et à sang, même pour ces politicars coincés. Il décrit avec la même attention ces jeunes lascars et leur devenir : ou dépouille jeté dans un terrain vague, ou chef de gang, en attente d'être supplanté, ou vieux errant dans la cité.

Par contre il est sans pitié, ni pour la gouvernance, ni pour la société française des nantis et bobos de tout poil.



Son écriture est fluide et provocante. Elle gratte là où ça fait mal. Ou du moins, c'est ainsi que je la ressens. De belles trouvailles, pleines de finesse.

Maestria dans la composition du récit : de petits chapitres qui tissent au fur et à mesure et la densité des personnages, et leurs cheminements, et l'avancée de l'intrigue. C'est vrai qu'il est un scénariste expérimenté.

En filigrane, l'image du père, comment il construit (ou ne construit pas, détruit) le futur adulte. L'importance pour l'enfant de voir ses progrès reconnu par l'adulte, par sa fratrie. Et aussi le deuil (quasi impossible) à faire de l'enfance.



Et puis, après avoir beaucoup rouspéter, tempêter , son roman m'a ouvert quelques axes de réflexion.



Joli coup de communication aussi de le publier juste avant les élections.



Ce qui me restera de ce roman ? Lucidité et tendresse.



Un joli court-métrage de Julien Seaudeau raconte bien l'histoire d'une « ré-insertion » dans la vie familiale : « Une pierre au coeur » (http://www.youtube.com/watch?v=8usG0mFleUE).

Parce qu'ils ont tous une sacrée pierre au cœur tous ces personnage de « Dawa ».



Merci pour cette "masse critique" qui m'a fait passer, en quelques pages, de la colère à l'enthousiasme.
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Dawa

Terrorisme: 5 attaques-suicides annoncées d'ici 15 jours.

"Il faut détruire Paris", prévient le commando Dawa.

Ce pourrait être le titre phare du prochain journal de 20h!



Une vidéo sur le net et c'est le remue-ménage dans toutes les strates de notre société.



Chez les gentils, on retrouve la cellule anti terrorisme en brainstormings, des policiers de terrain intuitifs et revanchards, des politiciens opportunistes, des hommes de l'ombre des cabinets, des journalistes au dents longues... Et un fonctionnement étatique discutable sur fond de secrets d'état, d'egos d'électrons libres et d'alliances géo-politiques improbables.



Et les méchants sont tous dans le camp du monde arabo-musulman, dans les banlieues et leurs cités, territoires-vivier de haine et de violence, de chômeurs, de trafics en tout genre, et de jeunes sans avenir.



Et en fait, ce n'est pas si simple...

Et bien plus que la trame terroriste, j'ai aimé le contexte social et politique.



Julien Suaudeau offre un thriller très actuel et d'une bien triste réalité, où tout manichéisme est gommé, où la part d'ombre de chaque personnage donne une densité crédible et désespérante à la narration. La psychologie y a la part belle au détriment de l'action. Certains VIP de notre monde politique se dénichent avec amusement ( j'ai particulièrement aimé le "matamore" de la place Beauvau). Les rouages de la mécanique étatique se positionnent sur un large éventail de tensions internes, d'inimitiés personnelles et de compromissions minables.

Vu de mon fauteuil de lectrice, ça semble tellement vrai!



La plume de l'auteur est alerte, virulente, sans langue de bois, brillante dans les dialogues. C'est un vrai plaisir de suivre certaines discussions. Dans le contexte noir du propos, l'humour ou l'ironie sont vivifiants. Julien Suaudeau nous offre sa petite philosophie personnelle et un regard plutôt pessimiste sur notre société.



Il reste un livre agréable bien qu'un peu long, bien écrit, assez documenté dans la narration pour provoquer spontanément ses images de bon thriller politico-terroriste.
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Universalisme

En France, l’universalisme fait l’objet d’un monopole intellectuel dans le discours politico-médiatique et serait menacé par un « nouvel antiracisme », « racisme déguisé » utilisant des concepts essentialisants et menaçant l’ordre républicain en déclenchant une guerre des races. Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang se proposent d’analyser ce pseudo-universalisme, d’établir « l’archéologie d’une falsification », puis d’ébaucher un « universalisme postcolonial ».

(...)

Alors qu’une inversion orwellienne est à l’oeuvre dans les discours politico-médiatiques dominants, Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang nous offrent des outils pour les décrypter et construire une résistance.



Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Le sang noir des hommes

Le cerf est-il l’animal de l’année 2019, puisqu’on le retrouve dans de nombreux romans ? L’histoire démarre dans le Mercantour avec la construction d’Isola 2000 dont l’homme qui dirige les travaux mettra deux femmes enceintes en même temps. Sylvain le légitime et Eric, enfant de la honte. Structure du roman vraiment bancale. Pas facile de se repérer dans les différentes années dont voici l’ordre : 1970, 2016, 1973, 1985, 1990, 1998-2000, 1999, 2006, 2010, 1946, 2007, 2009, 2016. L’avantage est que les personnages passent de vieux à jeune et de mort à vivant. Obligé e de relire certains paragraphes parce que certains faits incompréhensibles. Confrontation et solidarité entre les deux frères qui se trouvent ensemble au Sénégal en 2006 comme chasseurs alpins. Eric est porté disparu durant dix ans. Un revenant ou fantôme sénégalais lui parle. On va découvrir d’où vient l’argent de leur père. Trop d’événements flous avec une fin qui, comme le reste, revient en arrière. Encore un bouquin où, pour y comprendre quelque chose, il faut fortement se creuser la tête. Et même si, je doute d’être mieux éclairée.
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Universalisme

Je n’avais pas dit mon dernier mot ! Déçue par Emancipation : luttes minoritaires, luttes universelles ? j’ai persévéré et commandé à ma libraire préférée cet Universalisme par Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang chez Anamosa. La collection se propose de « s’emparer d’un mot dévoyé par la langue au pouvoir, de l’arracher à l’idéologie qu’il sert et à la soumission qu’il commande pour le rendre à ce qu’il veut dire. » Michel (Foucault) je sais que tu n’es pas loin de ces lignes et que tu souris de contentement. Et moi donc !

Pour des raisons personnelles, j’ai trouvé il y a quelques années sur ma route Léopold Sédar Senghor, son itinéraire politique, ses œuvres, sa place d’homme d’Etat, d’académicien et de lettré. Sa civilisation de l’universel. Et depuis, je me bats avec cette notion pour essayer de démêler ce qu’elle a de porteur des dangers de certaines de ses acceptions.

Par les temps qui courent, il est facile d’exacerber les postures au point de ne laisser aucune complexité à des notions et de les opposer gaillardement afin d’alimenter la polémique. D’un côté l’universalisme républicain qui déclare l’homme « sans étiquette » afin de mieux protéger l’égalité entre tous. De l’autre, des hommes et des femmes qui refusent que soit niés une histoire, une différence de traitement de fait, le scandale d’une république qui exclut. Le risque fustigé : que cette demande de reconnaissance soit le terreau d’un particularisme défaisant l’unité républicaine.

Evidemment, vu comme ça, on a peu de chances de s’en sortir. C’est que, pour Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang, nous ne sommes sortis de la décolonisation que pour entrer dans une colonialité. Dans un régime qui impose le silence et le déni sur tout le colonialisme et demande à tous de s’intégrer en faisant fi du passé. C’est en se taisant qu’on oubliera. C’est dans ce silence que se forgera le creuset égalitaire. Et c’est faire montre de dolorisme victimaire ou de sentiment antidémocratique que de voir les choses autrement. Je retrouve la réflexion déployé dans le remarquable Ci-gît l’amer de Cynthia Fleury.

Incroyable comme ce mécanisme résonne avec celui développé dans les groupes où l’incestuel règne. Logique de domination par le langage, par l’imposition de ce qui peut être dit, pensé, montré et de ce qui ne peut exister et dont on ne parle donc pas.

Fort de ce principe, l’universalisme ne peut être que celui de l’homme blanc, la domination condescendante et ethnocentrée d’une Europe elle-même coupée de ses douleurs et de ses origines métissées. Ce petit livre le montre admirablement. L’analyse est fine, elle revient sur l’assaut du Capitol par les partisans de Trump, sur les discours de nos hommes politiques, la mise à distance prudente qu’ils font des revendications noires, les cantonnant à de nécessaires luttes américaines, loin de notre France, terre des droits de l’homme, forcément exempte de ce type de problématiques. Elle montre tous les impensés derrière le mot « universel » et met en avant ce qu’il faudrait y voir pour que la notion soit opérationnelle. Un universel qui prenne en considération cet espace-temps où nous sommes tous les produits des colonisations successives, en tant que colons, en tant que colonisés, et où le décentrement du regard vers la possibilité d’un autre point de vue coexistant avec le nôtre est la seule manière de faire.

C’est vif, c’est intelligent, c’est percutant, éclairant. C’est court aussi. Une fulgurance qui fait du bien et qui remet les idées en place.

Je ne sais pas encore ce que cet éclairage fait à l’universalisme de Senghor, où placer exactement sa vision mais nul doute que mon regard est déjà décrassé de bien des scories. Suite au prochain épisode !

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Dawa

Dawa c'est l'appel aux musulmans mais c'est aussi le foutoir. Dawa c'est bien ce qui règne dans cette France au bord de l'implosion. Les hommes politiques sont impuissants, la police et les services de renseignements se font la guerre. Les CRS peinent à maintenir l'ordre dans les banlieues. Les jeunes issus des banlieues n'ont pas d'espérances et leur avenir s'arrête aux limites du périphériques.



Julien Suaudeau met en scène une galerie de personnages devant recouvrir tous les aspects de la société. Dans la présentation on faisait allusion à Balzac. Pourquoi pas? Mais à la lecture on se rend compte que cela était présomptueux. C'est malheureux à dire mais j'ai trouvé les personnages très clichés, surtout ceux des jeunes. Bien que devant représenter une réalité, ils cumulaient trop de stéréotypes pour être réalistes. Par moment j'avais l'impression de me trouver dans un mauvais reportage de TF1. Du côté des représentants des institutions, c'était le même constat. Les flics n'arrivent pas à sortir du schéma "trop de travail donc fin du couple. Les politiques en place sont insipides, ce sont leurs conseillers qui ont le plus grand rôle.



Le romans se situe dans un contexte d'élections municipales ce qui fait écho à l'actualité. Ce fait donne le sentiment d'avoir plus à faire à une œuvre journalistique qu'à une œuvre littéraire. Peut-être en raison d'une volonté de s'ancrer dans une réalité datée, Dawa n’acquièrera pas le caractère intemporel des œuvres de Balzac.
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Dawa

« Dawa » premier roman de presque 600 pages de Julien SUAUDEAU n’est pas au sens propre du terme un thriller mais plutôt un polar sociopolitique !



Difficile d’en raconter l’intrigue en quelques lignes :



A la veille de l’indépendance algérienne, un enfant voit ses parents mourir sous ses yeux. Devenu adulte, il n’aura de cesse de se venger. Un demi-siècle plus tard, un groupe terroriste annonce que cinq bombes vont exploser dans Paris. Quel lien existe-t-il entre ces deux affaires ? Au milieu de ces deux évènements, la cité des 3000 d’Aulnay-sous-Bois avec sa population en totale déperdition, les services du renseignement intérieur et du contre espionnage et pour finir les instances musulmanes françaises en cheville avec les politiciens de tout bord, compromis à la limite de la corruption afin de servir leur besoin de réussite personnelle ! Je m’arrêterai là pour l’intrigue.



« Dawa » est un roman dense dans lequel Julien SUAUDEAU nous dépeint des personnages écorchés vifs, terriblement seuls, quelque soit le milieu social auquel ils appartiennent, menant chacun de leur côté sa guerre personnelle, sa vengeance, sa rébellion. Il nous décrit au vitriol tout ce qui représente pour lui la France d’aujourd’hui : la menace terroriste islamiste, des cités en ébullition et un pouvoir politique totalement dépassé , bref une République en totale faillite.



Ce roman reste avant tout une fiction mêlant il est vrai différents thèmes tristement réalistes de nos jours : le terrorisme, le désespoir social, la solitude….



Malgré de nombreuses longueurs, j’ai pour ma part beaucoup apprécié cette lecture. Certes c’est un roman très noir, d’un pessimisme extrême sans la moindre lueur d’espoir. Mais je veux y voir également un immense cri de colère de la part de son auteur, qui tape là où ça fait mal sans aucune concession, contre ces instances politiques qui depuis tant d’années ont baissé les bras ! Et pour moi c’est cela aussi la lecture !



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Dawa

Une vidéo inquiétante est massivement partagée sur les réseaux sociaux. Cinq hommes cagoulés y apparaissent assis en tailleur devant une bannière portant une inscription en arabe. Des explosifs et des détonateurs sont posés sur une table. le groupe terroriste nommé «Dawa al-Islamiya» promet de mettre Paris à feu et à sang dans un délai de quinze jours. L'homme qui a pris la parole au nom du groupe a parlé un français sans accent. « Da'wa » est littéralement l'appel à rejoindre les enseignements du prophète dans l'islam mais il a pris un sens plus commun puisqu'il désigne aussi le désordre social, le bordel. Nous sommes à la veille d'élections municipales. La panique s'empare de l'opinion publique. Pascal Paoli, le patron du renseignement intérieur, met tout en oeuvre pour identifier et arrêter les membres du réseau. le temps est compté.



Julien Suaudeau dépeint une République en faillite. Deux mondes coexistent : d'un côté les beaux quartiers et les ministères avec leurs luttes de pouvoir intestines faites de coups foireux ; de l'autre, les banlieues de Seine-Saint-Denis où le seul ordre qui prévaut, c'est celui des trafiquants de drogue. L'auteur sait évoquer le poids du passé colonial de la France, l'influence grandissante des investisseurs qataris et l'absence de valeurs et la perte du goût de l'intérêt collectif. de la part des élites politiques



Le roman est d'une construction aboutie. Les scènes se succèdent, haletantes, avec l'angoisse de l'ultimatum annoncé par le groupe terroriste. le lecteur suit une galerie de personnages, du petit dealer au Directeur de cabinet ; cette diversité des personnages symboliques permet de balayer l'ensemble d'une société en crise. Tout est plausible, on se demande parfois quand commence la fiction, à quelques exceptions près, notamment les apparitions abracadabrantesques de la CIA.



La force de ce roman est qu'il est porté par un message politique précisé par l'auteur dans une entrevue : "Je suis exaspéré par ce contresens absolu qui nous fait croire à un clash ethnoculturel entre la France blanche et chrétienne et la France issue de l'immigration, alors que les constructions identitaires résultent d'une bonne vieille lutte des classes entre ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors". Le problème est donc social et non pas culturel ou idéologique à l'image de ces jeunes français qui deviennent kamikazes moins par conviction religieuse que pour se venger d'une société qui les a rejetés.



Julien Suaudeau dresse un portait amer et noir de la société française d'aujourd'hui pour en dénoncer les disparités sociales et les reniements de la République. Un roman contemporain et militant. Un roman choc.
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Dawa

Premier roman de Julien Suaudeau, à 39 ans qui vit depuis 5 années à Philadelphie. Ce qui est étonnant, parce que la trame de ce roman relate parfaitement l’état d’esprit de La banlieue nord de Paris actuellement et depuis plusieurs années.

Les 3000 à Aulnay, Paris, le 9-3 le cadre est posé, la rancœur, l’impression de ne pas être vus, pas compris, pas aidés, le foyer de cet incendie est près à être ravivé à n’importe quel moment. Les politiques qui, cherchant davantage à se faire ré-élire ou à prendre ou conserver les places intéressantes, se laissent corrompre par des mains pleines d’argent. Tandis que les policiers désabusés, ne savent plus ce qu’ils doivent faire ! On ne travaille pas ! Mais on passe beaucoup plus de temps à chercher, mettre au point, et réaliser des plans pour prendre aux autres ce qui leur manque : l’argent. Un monde sous marin vit autour de cela.

C’est dans cette ambiance qu’un petit réseau s’organise pour faire un "coup" avec plusieurs objectifs visés. Il faut lire le roman pour en savoir davantage.



Cet un bon premier roman, mais il est parfois un peu long dans la description de certains faits. Il y a plusieurs moment de poésie, de nostalgie aussi, et on ressent que l’auteur à côtoyé les 3 éléments protagonistes : la banlieue, la police, les politiques. Il ne prend pas parti pour un des camps, même si on aimerait qu’il le fasse, on vit ce qu’il écrit et on se dit ; « mais quand va-t-il nous dire pour qui il est ? » Non, il relate, comme un journaliste parfaitement objectif, et c’est pas si mal, puisqu’en fin de compte on possède tous les éléments pour juger soit-même.

Je ferai un petit reproche à Julien Suaudeau : les phrases sont très souvent beaucoup trop longues. Ce n’est pas facile à suivre, il faut les relire pour en comprendre le sens. Très bon roman qui attend peut-être une suite…
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Le Français

Après Dawa, Le Français est le deuxième roman de Julien Suaudeau. Il est aussi passionnant que dérangeant. Il est en tout cas à découvrir.



« Je ne suis pas une petite chose et je vous arracherais le cœur de mes mains si elles étaient libres. » Ainsi se termine ce court roman (étonnamment court d’ailleurs par rapport au pavé de 500 pages qu’était Dawa). Cette phrase dure et dérangeante vous donne un résumé de l’état dans lequel on referme la dernière page de ce roman : fortement perturbé !



Le narrateur du Français est un jeune homme normand vivant à Evreux dont on ne connait que peu de choses (blond aux yeux bleus et une vingtaine d’années sont les seules informations que l’on possède). Rien ne le prédestine à tout ce qu’il va suivre dans le roman. Mais les violences du beau-père (verbales et physiques), une mère malade, une vie morne et terne sans réel avenir ou perspective, Stéphanie qui ne veut pas de lui et la mort tragique lors d’un rodéo d’un voyou connu du quartier vont changer sa vie. Par un enchainement de circonstances donc et pour échapper à la police, il va se rapprocher de trafiquants yougoslaves, qui eux même vont le mettre en relation avec le gérant d’un cybercafé à Bamako au Mali. C’est le départ tant espéré, le nouveau but de sa vie. De Bamako au Mali où il découvrira l’islam, il arrivera en Syrie, tombera dans l’engrenage de l’islamisme et deviendra acteur du djihad. Tragique itinéraire d’un enfant gâché, plus connu par son surnom « Le Français »...



« Seul Allah est digne d'être loué et Mahomet est son prophète. Les jours ont passé et je me suis habitué à ce baratin. Si vous vous répétez n'importe quoi assez longtemps, tôt ou tard vous finissez par y croire. C'est le cours naturel des choses. Les publicités fonctionnent de cette façon, la musique des mots vous donne envie de croire qu'ils sont vrais. Le Coran, je le lisais, je voyais bien qu'on me racontait des histoires, et en même temps je m'habituais peu à peu à ces phrases qui vous présentent le monde sous un jour simple et bien ordonné. »



Julien Suaudeau joue beaucoup sur l’ambiguïté du narrateur. Ce dernier s’engage dans le djihad, devient le pire des barbares mais pas par fanatisme religieux. A l’inverse même, il a l’air parfaitement conscient de ce vers quoi il va, les conséquences de ses actes, mais il le fait tout de même… Il y a toujours une raison, une ressemblance, un espoir, un but… jusqu’à la chute finale (j’ai eu beaucoup de mal avec le dernier chapitre…)



« C’était comme si ce qui m’arrivait était devenu abstrait, indifférent. J’avais l’impression d’avoir tout laissé derrière moi, la vie, l’avenir, les possibilités, les sentiments. Je vivais à côté de moi-même, sidéré par le rêve d’être une personne, et incapable de le vivre. Je ne pouvais pas m’en détacher, mais je n’arrivais pas non plus à me jeter dedans, comme le font tous les hommes, les désespérés surtout. »



De ce fait, cela ne plaira pas à tout le monde. D’aucuns trouveront ce récit trop improbable.

Il n’en reste pas moins pour moi que cet opus est une belle étude critique des jeunes paumés de nos banlieues (donc qu’on peut « aisément » embrigader en leur offrant un but dans la vie), voire des politiques menées (et de la guerre ou tout semble permis… on trouve en fin de roman quelques scènes de torture inhumaines très factuelles et descriptives, donc très difficiles à accepter. Ames sensibles s’abstenir…)



« C’était la vie de ces hommes-là : mentir, faire croire, tromper ; Les raisons pour lesquelles ils agissaient ainsi n’avaient aucune importance dans le fond. »



Un dernier mot sur l’écriture : elle est remarquable. Elle rend la lecture très fluide, d’autant plus que le récit est très documenté. L’auteur semble savoir de quoi il parle, ce qui rend l’intrigue très réaliste et la lecture passionnante.



Roman choc de cette rentrée littéraire sur un sujet dramatiquement d’actualité, servi par une belle écriture, le Français ne vous laissera pas indifférent. Je ne peux que vous le conseiller.



4/5


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Dawa

Julien Suaudeau livre avec Dawa un copie noire et dense sur un sujet peut-être encore tabou : le terrorisme lié à la religion. Si le sujet, vaste, est ici superbement traité - on entre véritablement dans les arcanes de ces cellules fondamentalistes - , le style de l'écrivain pêche quant à lui devant la multiplicité de la tache à accomplir. Dans le genre, DOA m'avait semblé plus pertinent.

Dawa, c’est le bordel qu'on ressent un peu trop à la lecture d'un roman qui digresse parfois et oublie de se concentrer sur son motif originel et fondamental mais que le lecteur pondère aisément en n'oubliant pas la qualité de premier roman de l'ouvrage.

Il y a fort à parier qu'on entendra reparler de Julien Suaudeau avant longtemps.
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Dawa

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce premier roman de Julien Suaudeau ne laisse pas indifférent...

Dans un contexte social et politique très actuel, l'auteur nous plonge dans la banlieue et les cités désespérantes du 9/3, là où l'espoir s'en est allé, il y a bien longtemps. Il nous emmène aussi dans les beaux quartiers de Paris et on s'aperçoit bien vite que tout n'est pas si simple : les parts d'ombre sont des deux côtés...

Dawa, c'est aussi une histoire de vengeance, de racines, de haine et de violence...C'est encore deux personnages forts et intenses...

Le style est dense, percutant. Suaudeau nous livre une vision et une analyse sans fard de notre société contemporaine

Et c'est certainement cela qui m'a le plus gênée (perturbée ?) : le pessimisme très (trop) réaliste de notre monde d'aujourd'hui...

Merci à Babelio et aux éditions Robert Laffont
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Dawa

C’est Victor, un ami lecteur, turboprof plutôt branché, qui m’a montré la pile de trois exemplaires, dans la petite librairie où nous aimons nous rendre entre deux cours : « Dawa, tiens ils ont Dawa, ici ! Je pensais que c’était réservé aux Parisiens... ».



Je dis la pile, parce qu’il suffit de peu de volumes pour monter haut. Et il me fourgue aussitôt le pavé : « Rate pas cette occasion unique de prendre de l’avance sur les critiques ! Excellent, tiens je te l’offre. Ne lis surtout pas la quatrième de couverture, qui ne donne pas tellement envie...»



Un cadeau de Victor ne se refuse pas : on a pris cette mauvaise habitude (pour ce qui reste de nos petits salaires) de s’offrir ce qu’on ne peut pas ou ne veut pas prêter.



Bonne pioche forcée : en près de 500 pages, ce Dawa se lit comme un thriller.



De Fred Vargas, à laquelle je voue un culte particulier, j’ai tout lu, et j’adore retrouver Adamsberg, comme j’ai adoré découvrir le Paoli de Julien Suaudeau, son passé, ses failles, son intelligence des situations, ses combines, ses réseaux... Mais Dawa est je pense bien plus qu’un thriller, dont il a pourtant tous les ingrédients pour forcer à y passer plusieurs nuits.



Sans en avoir l’air, on s’imprègne d’une véritable analyse politique et sociale de notre société française, à la dérive sur bien des plans. Et là, tout y passe : du cabinet ministériel et ses « éléments de langage » au plus profond de la désespérance des banlieues, là où les flics ne s’aventurent que sous le bouclier des CRS, et où seule la peur tient de ciment.



Magouilles au sommet, trafics en tous genres, mais surtout de stups, dans les cités d’où l’Etat a été chassé depuis longtemps pour que seules y règnent les bandes de petites et grosses frappes... avec pour seule concurrence (ou complicité) les prêcheurs salafistes ou modérés. Pendant que le Qatar avance ses pions, aussi bien dans les plus hautes sphères qu’à la Courneuve.



Le plus étonnant est que ce Suaudeau, que la quatrième de couverture (j’ai quand même regardé) dit vivre aux USA, semble tout aussi à l’aise pour décrire à merveille tous ces milieux, leurs rituels et leurs travers. Et pour décrire le monde des polices et de leurs guerres intestines. Un polyglotte, sans doute.

Boxeur, en tout cas. Comme son Momo, dont les yeux se teintent parfois au pochoir. Au pochoir, comme les quatre lettres du titre en couverture... Paoli, Momo et tant d’autres : les personnages créés par Suaudeau, on se prend à les aimer, au moins à les comprendre.



Cette fiction se termine dans la France d’aujourd’hui. Et quand je dis aujourd’hui, c’est mars 2014 avec ses élections municipales, en particulier à Paris (je comprends la remarque de Victor), avec son remaniement ministériel à venir, avec un « PR » inexistant, avec un ministre de l’intérieur pressé d’atteindre la case Matignon pour gagner celle de l’Elysée, au coup suivant. Celui-là, Julien Suaudeau ne semble pas beaucoup l’apprécier !



Un peu dangereux, sans doute, de coller à l’actualité, mais je crois cependant que Dawa est suffisamment bien écrit pour conserver l’intérêt du lecteur à-venir : celui d’avril 2014, de cet été, de l’an prochain...



J’aime aussi cette prise de risque de l’auteur (et de l’éditeur) : risque d’une toute autre nature que celui des personnages, qui mettent le plus souvent leur peau en balance.

Le risque d’écarter toute une tranche de lecteurs... Avouons-le, c’est plus dérangeant de se lire comme nous sommes, comme nous ne voulons peut-être pas nous voir, que de suivre nos « pères » dans un roman sur l’IRA d’il y a vingt ans, ou sur le Liban en guerre (pas celle en cours ou à venir, la précédente...).

Je vois mal les lycéens décerner leur prochain Goncourt à un livre aussi peu fait pour le consensus.



Professionnellement et par intérêt, j’ai dévoré « les banlieues de l’Islam » et autres plus récents ouvrages de Gilles Képel, les « fractures françaises » de Christophe Guilluy. Mais par son style et par sa fiction Dawa m’apporte le côté vivant ... et réel, que ces auteurs académiques ne peuvent traduire.



Une seule réserve : la dernière phrase en dix lignes, de ce qui constitue l'épilogue. J'ai relu trois fois sans vraiment comprendre. Alors que tout le reste est si fluide... Mais il était pas loin de trois heures du mat'.

Bref, vous l’avez compris, je recommande, chaleureusement. Et comme Victor m’y incite, je partage avec vous, avant que les pros s’y mettent... Et comme c’est ma première critique dans Babelio, je n’y vais pas par quatre chemins : un maxi d’étoiles !



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Dawa

Abordé à la veille des attentats du 13 novembre dernier, Dawa se révéla, dans l’émotion de ces moments, particulièrement saisissant. C’est que l’histoire de ces jeunes de banlieue mal dans leurs peaux, confits dans un désespoir qui pousse à la haine de la société dans laquelle ils vivent, décidés sous la houlette d’un universitaire bien intégré mais assommé par le poids de son histoire familiale, à se faire sauter dans les grandes gares parisiennes un vendredi 13 au nom d’un islam mal digéré avait alors un écho bien particulier. La presse ne s’y est pas trompée, qui s’est saisie du roman de Suaudeau pour y voir une sorte de vision prophétique, et a offert quelque tribune à l’auteur.

Il va de soi, pourtant, que Dawa n’est rien d’autre qu’un roman qui a pour lui d’être particulièrement bien documenté. Surtout il montre bien comment le roman noir est apte, lorsqu’il est bien mené, a saisir les failles de nos sociétés. Julien Suaudeau, en fin de compte, n’a fait que mettre en musique un morceau qui existait déjà ; il a réuni de fragments, les a assemblé, a extrapolé, pour arriver à donner une cohérence à l’ensemble et à le doter de cette force romanesque qui le rend d’autant plus percutant.

Cette histoire d’apprentis terroristes lancés dans un projet destructeur et manipulés autant par celui qui les y a entrainés que par les divers services de renseignements jouant avec bien des intérêts contradictoires – vengeances personnelles, campagne électorale tendue, guerre entre factions – se révèle donc comme un roman ambitieux et clairvoyant. Mené tambour battant, Dawa est de ces livres qui accrochent le lecteur et arrivent à allier l’efficacité et l’intelligence.

On s’y laisse entrainer avec fascination et, aussi, une certaine admiration pour ce premier roman complexe et réussi, même s’il n’est pas exempt de défauts, en particulier quelques fils tirés un peu trop vite, comme cet infiltration de Franck, le policier, et d’autres, comme cet affrontement qui traverse le temps, de la guerre d’Algérie à nos jours, entre Al-Mansour et Paoli, qui s’étirent longtemps pour ne mener finalement pas à grand-chose. Cela dit, répétons-le, intelligent, engagé à sa manière et d’une efficacité redoutable, Dawa mérite incontestablement les éloges qui lui ont été faits.


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Le Français

Le narrateur est un jeune homme sans histoire. Il traîne son ennui à Evreux, ville moribonde dans laquelle les perspectives sont rares. Il travaille comme livreur. Seule Stéphanie, la jeune femme dont il est amoureux apporte un peu de joie à sa morne vie même si cet amour est à sens unique. A la maison sa vie n'est pas rose non plus. Sa mère malade cherche du travail en vain et son beau père passe son temps à le rabaisser et à le tabasser.



Un soir avec Stéphanie, ils se rendent à l'invitation d'une petite frappe locale, sur les pistes désaffectées d'un aéroport pour un rodéo à moto dans lequel le voyou a un accident duquel il succombera. Pour échapper à la police ( qui ne l'a jamais suspecté de quoi que ce soit) mais surtout pour fuir une vie dont il n'a rien à espérer, il se rapproche de trafiquants "Yougoslaves" pour gagner son billet de sortie. Le responsable le met en relation avec un gérant de cyber cafés à Bamako. C'est le départ tant espéré.



Pour la suite rendez-vous sur le blog : leslecturesduhibou.blogspot.fr lien ci-dessous.
Lien : http://leslecturesduhibou.bl..
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Le Français

Ce n’est pas demain qu’Amazon remplacera mon cher libraire. Sachant que j’avais bien aimé Dawa, on en avait discuté à plusieurs reprises, c’est lui qui me prévient début août de la prochaine sortie de ce deuxième roman de Julien Suaudeau : « Je vous en mets un de côté ? ».

Et voilà que « Le Français » m’a captivé pendant deux jours, même si le captif dans cette histoire est plus le héros que le lecteur.

Je dois dire que je n’ai lu aucun jusqu’à présent des quelques romans qui mettent en scène les djihadistes occidentaux, mais le manque d’éléments de comparaison ne m’empêchera pas de trouver celui-là excellent. À une réserve près : la lettre au papa, des trois dernières pages qui détonne (dans tous les sens du mot). Ce sur quoi je préfère ne pas m’étendre, laissant à chacun le soin de se faire son idée.

Pour le reste, c’est plus de 200 pages d’une écriture alerte et remarquable. Et documentée : à croire que l'auteur est allé séjourner ce qu'il faut au Mali, et enfin dans ce "nulle part" qui attire tant de candidats habilement recrutés.

Un récit on ne peut plus contemporain et à la première personne. Un récit très factuel, mais qui en dit long sur la fragilité et les inhibitions de ce Français ébroïcien (ainsi se nomment les habitants d’Evreux, qui ne seront peut-être pas ravis de la façon dont cette ville est dépeinte). Comment ce brave garçon glisse de proche en proche vers l’horreur, non pas à cause de convictions mais simplement du fait des circonstances ? Voilà qui n’est pas sans rappeler le parcours de tant de bons employés du Troisième Reich.

Je sais que Babélio aime bien les citations, mais il y a là trop de belle matière : mieux vaut lire « Le Français » qu’en découper ne serait-ce qu’une partie, laissons le couteau au repos, il en a fait bien assez !

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Dawa

Avant tout, je dirais que ce livre est un livre de colère, colère contre la Société, contre l'injustice, contre l'arbitraire, contre tous les pouvoirs, contre tous les autres....

Ce livre est une condamnation de ce que devient notre société, c'est le décodage de nos erreurs, de nos mauvaises interprétations, de nos hésitations, de notre refus de comprendre. C'est la faute au pouvoir politique qui n'a pas réussi à dénouer les écheveaux d'embrouilles, de combines.

C'est la faute aux différentes administrations, incapables de faire respecter de simples règles de bonne conduite.

C'est la faute à ?

Ce livre est un incendie allumé en pleine ville, dans ce grand Paris à la dérive, il n'y a plus de pompiers pour venir au secours de la vie, la justice est pourrie, la sécurité ne peut plus être assurée, il n'y a plus de grandes valeurs morales auxquelles se référer avec certitude.

Mais une fois que l'on a dit tout ça, on fait quoi ?

La gauche a failli, elle a bien sûr fait des erreurs, elle n'en est plus qu'à essayer de conserver le pouvoir, elle a trahi, elle a laissé de côté les classes défavorisées qui ont cru en elle !

Peut être que l'on peut être déçu par les années de socialisme mitterrandien, peut être que l'on peut être amer, peut être que ... Mais, pourquoi tant de virulence dans les références à l'actualité brûlante de la fin 2013 et de ce début de 2014 avec la prédiction des remaniements ministériels, des déroutes électorales, et ces portraits au vitriol de nos dirigeants actuels !

Pourquoi tant de grandes phrases assassines : "Ils se sont fait élire sur une illusion lyrique, comme toujours, mais quand la bête n'a plus que la peau sur les os, on ne fait plus de politique : on gère la dépression nationale, on pilote le déclin avec un gouvernail grand comme une pièce de cinq francs."

Mais, mais, .... , ce n'est certainement pas la droite libérale, ni bien sur l'extrême droite de matin brun qui peut nous apporter la solution pour résoudre la crise économique, sociétale, mondiale, ...

Mais n'est il pas si facile de critiquer, sans même dire il suffisait de, y a qu'à , ....

La colère est un bon moteur et peut être utilisée pour faire bouger les choses, réfléchir, faire prendre conscience des problèmes dans le but d'y trouver une solution .... mais elle a tendance à aveugler et à faire perdre toutes raisons.

La dénonciation ne sert pas à grand chose quand elle est gratuite et qu'elle ne cherche pas à proposer au moins des embryons de solution, ou des voies de réflexion.

Le chemin de l'évolution est une route très longue, surtout si on ne veut pas laisser trop de monde sur les bas côtés.

Notre avenir nous devons encore l'inventer sans pour cela faire appel à de vieux démons populistes !

Mais j'avoue que la plus belle conclusion que je peux donner à cette critique sera la reprise de la fin du livre, certainement la phrase et l'idée la plus aboutie de ce roman et la plus émouvante :

"...., il n'y a que ça de vrai, sans quoi nous sommes nus sur terre.Tout le reste, la gangrène des êtres et le sadisme anonyme des institutions, les fureurs et les emportements, les soubresauts et les fièvres de ce monde voué à la fin au grand vide, quand il ne restera plus rien ici qu'une vaste zone périurbaine, tachetée de centres commerciaux, de plateformes d'appels et de concessionnaires de voitures, quelque soit l'entêtement des enragés de tout poil à ce que cette planète sans âme s'embrase auparavant, tout le reste n'est que le songe falot dans la tête d'un infortuné, qui ne portait plus les hommes dans son cœur après les avoir trop aimés."

J'aurais donc peut être la faiblesse d'attribuer cette maxime à Julien et d'excuser ces débordements au nom de l'amour trahi, et je vous laisse découvrir ce qu'il y a de vrai !
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