Il est compliqué de parler d’un livre aussi introspectif. Dans Journal de ma solitude, Kabi Nagata parle de ses relations avec ses parents, de son sentiment de solitude, des conséquences de la publication de Solitude d’un autre genre, de ses dépendances, de son mal-être…
Je tiens à préciser que je n’ai pas lu son précédent manga, Solitude d’un autre genre, dont le récit, lui aussi autobiographique, est lié car il y a des conséquences sur la vie de Kabi Nagata suite à sa publication. Ce n’est pas particulièrement gênant de ne pas l’avoir lu, me semble-t-il, mais, qui sait, peut-être que si j’avais lu ce manga, j’aurais un avis plus tranché sur Journal de ma solitude.
Maintenant, commençons par le dessin. Pour le coup, on accroche ou pas. Grâce à une histoire indépendante à la fin de cet épais (et très grand) manga, on peut voir ce que donne le style plus travaillé (ou plutôt avec des outils plus variés) de Kabi Nagata : du noir, du blanc, du gris clair, du gris foncé, des détails vestimentaires, un peu aussi dans les décors, des ombres… Pour le récit de Journal de ma solitude, c’est du noir, du blanc et un rose pâle ; si certaines cases sont peaufinées, d’autres au contraire sont d’une grande sobriété. Surtout, globalement, les personnages ont un trait épuré, sans réels détails. Les chapitres ayant été dans un premier temps publiés sur le net, je me demande si cela n’a pas influencé le trait de Nagata. Pour ce que j’en ai pensé, ma foi, ça ne m’a pas déplu et certaines planches sont assez marquantes de par le soin qui leur a été apporté. Par ailleurs, l’aspect assez mignon du dessin est plutôt bienvenu, permettant d’adoucir quelque peu le propos – mais sans adoucir le mal-être de la mangaka.
Au sujet du récit, Kabi Nagata ne nous épargne rien. Je vous parlais à l’instant de mal-être mais c’est bien trop vague : il y a bien sûr la solitude qu’elle ressent, alors même qu’elle vit encore chez ses parents, mais il y a aussi sa dépression, la rancœur de sa famille qu’elle sent à son égard, ses échecs à vivre seule, ses tentatives de suicide, son alcoolisme et son pipi au lit, etc. Et tout ce mal-être qui suinte presque des pages, la mangaka nous le transmet presque. Certes, le livre fait 340 pages mais ce n’est pas ça qui fait que j’ai mis du temps à le lire : c’est parce que c’était dur et déstabilisant. Autant, au début, j’avais une empathie forte pour Kabi Nagata mais cela s’est transformé, petit à petit, en gêne. Je trouve ça fort et courageux de sa part de nous partager tout cela mais, pfiou, il faut s’accrocher ! Heureusement, il y a des moments (bien trop rares) qui apportent du bonheur à Nagata, et cette dernière nous le transmet (on se réjouit pour elle) ; c’est ce qui m’a permis de tenir jusqu’au bout. Pour ce qui est de la gêne, ce n’est pas un sentiment de honte mais plutôt le fait de se retrouver oppressé·e par tout ce mal-être, toute cette détresse. L’empathie n’est jamais bien loin mais on finit par étouffer, par ne plus pouvoir soutenir Nagata tant on a du mal à rester soi-même debout devant tout ce déferlement de peur, de reproches, de déceptions, de dépression.
Au final, je ne sais pas trop quoi penser de Journal de ma solitude. C’est tellement personnel et introspectif que j’ai l’impression d’entrer dans l’intimité d’une inconnue, et il y a tellement d’émotions vives et dures que j’ai été débordée. Il y a des réflexions intéressantes, notamment autour de la solitude et de la dépendance aux autres mais je ne sais pas sûre que ça vaut la peine de subir tout ce mal-être. Lire ou ne pas le lire : feuilletez-le, lisez peut-être les premiers chapitres, et voyez si vous voulez poursuivre.
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