Citations de Karen Blixen (421)
Tous les falbalas, par lesquels les femmes soulignent leur féminité, contribue à rendre leur conversation aussi vide que celle des officiers en uniforme ou des prêtres en soutane.
… à dater de l’instant où, plein de reconnaissance, je l’aurais saluée bien bas pour la dernière fois, les voluptés physiques qu’elle pourra éprouver par la suite au cours de son existence, ne seront que l’écho de mon étreinte céleste.
C’est bien plus qu’un bout de terrain que l’on prend aux indigènes quand on leur enlève la terre de leurs ancêtres. C’est leur passé, leurs racines, leurs traditions, leur être véritable, leur vie. Si on les prive des choses qu’ils ont l’habitude de voir et qu’ils s’attendent à voir, cela revient à leur arracher les yeux. Les peuples primitifs ressentent cela bien plus fortement que les peuples civilisés.
Quand les Masais furent chassés de leurs terres anciennes, au nord de la ligne de chemin de fer, jusqu’à la réserve actuelle, ils conservèrent les noms de leurs montagnes, de leurs plaines et de leurs fleuves pour les donner aux montagnes, aux plaines et aux fleuves du nouveau territoire. C’est un phénomène troublant pour celui qui voyage dans cette contrée. Les Masais emportèrent leurs racines coupées comme une amulette dans un sac et tentèrent, dans leur exil, de conserver le passé à l’aide d’une formule magique.
Le soir, à l’heure où les premières étoiles s’allumaient, j’allais m’asseoir au bord de l’étang, au moment où les oiseaux arrivaient. Les oiseaux aquatiques ont un vol ferme et décidé qui diffère des autres. Ils vont d’un point précis à un autre. Ils coupent le ciel limpide et tombent sans bruit dans l’eau, comme des flèches qui auraient été tirées par un archer céleste.
Pour les Kikuyus, rien au monde n’a plus d’intérêt et d’importance qu’une vache et son veau. Effusions de sang, sorcellerie, amours, et même les étranges inventions des Blancs, tout est balayé et laisse la place à leur passion du bétail ; c’est comme une fournaise flamboyante, cela sent l’âge de pierre, comme lorsque l’on allume un feu avec un silex.
La forêt vierge africaine est une région pleine de mystères. A cheval, on croit pénétrer dans une ancienne tapisserie verte dont certains endroits sont passés ou assombris par l’âge, mais qui a conservé une infinie richesse de nuance de verts. On ne voit aucunement le ciel, mais les rayons du soleil qui traversent les feuillages se posent et jouent de maintes façons en ces lieux. La mousse grise qui pend des arbres comme une longue barbe et les plantes volubiles qui enserrent les troncs et les branches donnent à la forêt un cachet lourd de sens et de secrets.
Sa force d’âme face à la souffrance était semblable à l’endurance d’un vieux soldat. Rien ne pouvait le prendre au dépourvu. Son expérience et sa conception de la vie l’avaient préparé au pire.
La rencontre que j'ai faite en Afrique d'une race essentiellement différente de la mienne a contribué puissamment à l'heureuse expansion de mon univers. La tendresse est née entre nous au premier regard
J’ai maintes fois vu des girafes arpenter la plaine, avec leur grâce incomparable, quasi végétative, comme s’il ne s’agissait pas d’un troupeau d’animaux, mais d’une famille de rares fleurs colossales, tachetées et montées sur de hautes tiges. (p.30)
J’écrivais dans la salle à manger au milieu des multiples feuilles qui jonchaient la table, car il me fallait aussi régler les comptes et les budgets, et répondre aux petites notes désespérées du contremaître. Mes gens me demandaient ce que je faisais, et quand ils apprirent que j’essayais d’écrire un livre, ils virent cela comme une ultime tentative de nous tirer d’affaire, et ils me demandèrent souvent comment j’avançais. Ils entraient et me contemplaient longuement, leurs têtes sombres se fondaient si bien avec les panneaux foncés de la salle à manger que, le soir, j’avais l’impression d’avoir pour seule compagnie de longues robes blanches suspendues au mur. (p.70)
Au cours des longues années à venir, les girafes réveront-elles jamais de leur pays perdu ? Mais ùoù sont donc passés l'herbe et l'aubépine, les fleuves et les points d'eau, et les montagnes bleues ? Le vent des plaines, si vif, si clair et tellement embaumé ne souffle plus sur elles. Où sont donc les girafes qui couraient à leurs côtés quand elles se mettaient à galoper sur ces terres ondoyantes ?
C'est à cette femme que je dois d'avoir compris des mots tels que larmes, cœur, désir et étoiles, qu'emploient les poètes. Elle était elle-même une étoile.
Simon avait appris, par l'expérience de sa propre vie, qu'il ne faut compter sur l'aide de personne en ce monde, mais que chacun doit se tirer d'affaire seul.
J'avais une ferme en Afrique, au pied des collines de Ngong.
J’ai possédé une ferme en Afrique au pied du Ngong.
[...] il trouva le mot dont il fallait qualifier la nature de ces bateaux : c'était « superficiel » : ils restaient à la surface de l'eau. C'est en cela que résidait leur puissance. Le danger pour un bateau, c'est d'aller au fond des choses, d'échouer. Les vaisseaux sont creux, c'est le secret de leur existence ; les plus grandes profondeurs sont à leur service tant qu'ils restent creux.
Au tout début de la saison des pluies, la dernière semaine de mars ou la première d'avril, j'ai entendu le rossignol dans la forêt africaine. Pas le chant dans son entier : quelques notes, les premières mesures d'un concert, une répétition générale ininterrompue puis reprise. On aurait dit que quelqu'un était perché dans un arbre de la forêt ruisselante et accordait un violoncelle minuscule. Mais c'était bien la même mélodie, avec cette même richesse et cette même douceur, qui devait bientôt résonner dans les forêts d'Europe, de la Sicile à Helsingor.
Lullu m'est venue de la forêt comme Kamante m'était venu des plaines. A l'est de ma ferme se trouvait la forêt de la réserve du Ngong qui, à cette époque, était presque entièrement une forêt vierge. Je fus donc triste lorsque l'on abattit les vieux arbres pour y planter des eucalyptus et des grevilleas à la place. Cette forêt vierge aurait pu faire un parc magnifique pour Nairobi.
Dans un milieu où la femme est regardée comme le soutien de la civilisation et de l'art, on a tendance à se montrer un peu moins exigeant sur le chapitre de sa vertu. Les jeunes filles de la campagne pouvaient encore être strictement surveillées mais le mariage les affranchissait, le plus souvent très jeunes.
Leurs danses (celles des grues couronnées)ressemblent aux danses rituelles. Peut-être les grues essayent-elles de concilier le ciel et la terre à la manière anges qui montaient et descendaient de l’échelle de Jacob. Avec leur jolie couleur grise,leur petite calotte de velours et leur couronne en forme d’éventail, ces oiseaux déroulent sous nos yeux des fresques animées. La danse finie, ils s’envolent dans un bruit de carillon, je ne sais pas si ce bruit provient de leur gosier ou de leurs ailes, mais on dirait que des clochettes sont attachées à leurs ailes et qu’elles sonnent la fin de l’office. on peut les entendre longtemps après que les oiseaux ont disparu dans le ciel comme un carillon dans les nuages.