Minna ne supportait aucune intrusion dans ses affaires privées. Elle avait commencé très tôt à s'intéresser au sexe opposé et tous nos efforts pour l'éduquer afin qu'elle affiche un comportement plus réservé, celui d'une vraie lady, demeurèrent vains. Quand nous fermions la porte, elle sautait par la fenêtre. Et nos tentatives pour lui trouver un mari digne d'elle n'eurent pas plus de succès. J'ignore s'il faut accuser la prétendue attirance des contraires, mais il est un fait (lamentable) : Mina choisissait toujours ses flirts parmi les mâles les moins recommandables du secteur. Tous les matous affreux, borgnes et ayant les oreilles en dentelle semblaient exercer sur elle une irrésistible attirance.
Plus ils étaient laids, plus ils lui apparaissaient séduisants. Je me souviens de l'avoir vue folle de passion pour un vieux débauché boiteux avec la queue en zigzag, des oreilles à claire-voie et l’œil gauche fermé. La première fois qu'elle le vit, elle se pâma d'une façon si éhontée que j'ai du mal à la décrire. Au point qu'en pareilles occasions j'avais l'habitude de dire que cette chatte n'était pas à moi.
Michael JOSEPH (Minna Minna Mowbray)
Tous les rats, souris et taupes qu'elle attrapait étaient aussitôt rapportés à la maison et déposés aux pieds de sa maîtresse, qui s'empressait de la complimenter. Il n'y avait qu'une ombre au tableau : jamais Juno n'était parvenue à comprendre la différence existant entre poil et plume, ni pourquoi sa protectrice la grondait aussi sévèrement chaque fois qu'elle revenait avec un oiseau.
Harriet BEECHER STOWE (Juno)
Jusqu'alors, je n'avais jamais entendu parler de ce contrat selon lequel un homme qui nourrit un chat se voit obligé de continuer de le faire aussi longtemps que l'un et l'autre vivront. Apparemment, Heathcliff, qui connaissait mieux cette loi que moi, insista pour que je m'y conforme à la lettre. Il disparaissait au crépuscule mais, le lendemain matin, je le retrouvais sous la véranda, attendant son petit déjeuner. Avec ses grands yeux fiers de hibou et sa queue déplumée, il me rappelait un acteur au chômage qui serait rentré dans un grand restaurant avant l'arrivée des clients : devant une table vide, la serviette autour du cou, il patiente en essayant de faire croire qu'il va payer sa note, en se demandant combien de temps "ils" vont mettre avant de l'expulser. Quand il m'a vu, Heathcliff s'est roulé sur le dos et s'est mis à ronronner bruyamment. Je lui ai donné son assiette de lait.
Lloyd ALEXANDER (Heathcliff)
Tout le monde le sait, les chats ne détestent rien tant que l'eau. Il suffit de voir comment les nôtres secouent leurs pattes après avoir marché dans une flaque, ou l'air dégoûté qu'ils prennent si une goutte de pluie leur tombe sur le nez ou le dos ! Mais cette chatte de la Sierra Nevada était extrêmement consciencieuse. Elle sentait qu'il était de son devoir de faire quelque sacrifice pour ses amis et c'est pourquoi, après avoir bien réfléchi, elle décida que sa place se trouverait désormais au sommet du monitor (l'énorme lance par où l'eau jaillit) ; ainsi perchée, en dépit des douches inopinées qu'il lui arrivait, par moments, de recevoir, elle restait fidèlement à son poste, attentive à tout mouvement de la paroi, prête à filer prestement, le reste des mineurs lui emboîtant le pas, jusqu'à la cabane. Elle remplit cette tâche qu'elle s'était assignée à elle-même avec une telle constance que les hommes prirent vite l'habitude de ne plus s'inquiéter du danger que représentait la paroi sur le point de s'effondrer, attendant que Pussy donnât le signal du départ. Dès qu'elle sautait du petit lit douillet qu'ils lui avaient aménagé sur le monitor, ils criaient : "Le chat ! Le chat !" et se ruaient vers la sortie. Et moi, j'étais arrivée pour la visite juste à un de ces moments-là : le chat, très consciencieusement, emmenait ses amis loin du danger.
Un chat bien consciencieux (Agnès A. Sandham)
C'est ce même chat qui, un jour, sur les plateaux du Lincolnshire, m'a apporté, pour parfaire mon éducation et susciter ma fierté, une musaraigne à gorge blanche. Il me l'avait lancée sur la figure alors que je dormais sous ma tente. Mais elle n'était malheureusement pas morte et c'est dans les jambes de mon pyjama que j'ai dû la rechercher. William passait la nuit à chasser et m'apportait systématiquement ses trophées les plus hétéroclites.
Les chats qui nageaient et roulaient à bicyclette ( N. Teulon Porter)
Un chat est, par conséquent, un compagnon bien mieux adapté. Son sens de l'indépendance invite tout le monde à en faire autant. Un chat sait s'amuser tout seul et s'il a envie de se promener, il part. Bien sûr, un chien nous manifeste son affection de façon plus démonstrative, mais n'oublions pas qu'il remue la queue aussi bien devant tous les passants qui lui marquent quelque attention. Jamais un chat ne ferait cela. La plupart du temps, il reste à distance. Et cette réserve a même souvent le don d'horripiler ceux qui l'aiment. Ceux-là même qui s'évertuent, en "parlant bébé", à amadouer et à attirer un chat, sont parfois furieux de constater que leurs efforts restent vains et que l'animal persiste à les ignorer.
Le cerisier ( Derek Tangye)
L'armée des États-Unis a tenté, un jour, d'entraîner des chats en vue d'opérations militaires. Comme ils possèdent des yeux nettement plus performants que ceux des humains, leur permettant de voir parfaitement même dans une obscurité presque totale, l'armée avait pensé qu'ils pourraient servir de guides aux soldats lors de patrouilles nocturnes. En 1968, un certains nombre de ces animaux spécialement entraînés furent envoyés au Vietnam par bateau, où l'on devait leur faire subir des tests in situ, c'est-à-dire dans la jungle. Nous ne surprendrons aucun propriétaire de chat en annonçant que ce fut un fiasco retentissant.
De piètres recrues
Celui qui ne se sent pas d'inclination ou d'aptitude à assumer la responsabilité d'un animal doit, en toute conscience, s'abstenir d'en posséder. Ne pas oublier qu'un animal dorloté, chien ou chat, est toujours, pour les enfants, un merveilleux "plus" dans la vie familiale ; mais un animal négligé, mal éduqué et mal soigné n'est qu'une source d'ennuis.
Juno (Harriet Beecher Stowe)
Cette histoire a, bien sûr, une morale. A n'en pas douter, l'attention et la tendresse que nous apportons aux animaux ne peuvent que développer, chez eux, des aspects de leur nature dont nous osons à peine rêver. L'amour engendre l'amour, les soins réguliers suscitent des habitudes régulières, elles aussi, et c'est ainsi que nos compagnons deviennent agréables et intéressants.
Juno (Harriet Beecher Stowe)