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Citations de Karine Fougeray (18)


Pour la pâte, elle sait parfaitement comment s'y prendre, elle possède le coup de main comme on dit. A huit heures, chaque vendredi matin, le rituel se met en marche. Elle extirpe du placard la bassine en émail et la pose au fond de l'évier. A côté, sur l'égouttoir, elle place le paquet de sarrasin, libère au robinet un mince filet d'eau et fait en sorte que celui-ci ruisselle doucement sur la paroi de céramique blanche. Ses gestes sont si huilés, si répétés, si râpés aux coudes que son chat Mistigri pourrait les mimer s'il était moins gros.
Louise, ma cousine qui commence à avoir des seins, utilise des grands mots en racontant qu'elle monte sa pâte en plusieurs étapes religieuses et éternelles. Elle dit que c'est une messe de quatre heures, une confession d'amoureuse éternellement recommencée du fond de cette bassine cabossée.
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Mon père m'a raconté cette scène plusieurs fois et, les dernières fois, il fondait en larmes dès l'évocation des tomates. Mais j'insistais toujours, malgré le désespoir, malgré la voix cassée.
Raconte papa, raconte-moi quand maman a cessé de nous voir pour toujours. Raconte-moi comment c'est possible qu'elle ne m'ait regardée vraiment que huit jours. Les premiers huit jours de ma vie, dans une chambre de clinique, en compagnie des infirmières, des sages-femmes, des pédiatres, des cadeaux à déballer, de toutes ces choses qui m'empêchaient d'être seule avec elle.
Il faisait beau, ma mère venait d'avoir son unique enfant et elle est descendue au potager. C'était marée basse et l'air était saturé des senteurs de la vase. Alors ma mère, ma radieuse de jeune mère a tourné la tête au-delà du carré de légumes organisé en courtes allées, derrière, afin d'apercevoir le fil turquoise de l'eau qui serpentait parmi vert-de-gris. Il y avait la maison, le jardin, le potager, et puis la mer à reconquérir. Là, à cet endroit, au milieu des herbes qui entraînent pas à pas le jardin vers les vasières. Là où la terre se meurt pour la rivière, ma jeune mère a vu un cheval qui la regardait dans les yeux.
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Pour ma naissance, mon père a eu une initiative remarquable. Une idée qui a ruiné sa vie, qui l'a mise en bouillie petit à petit, et ce sans qu'il ne puisse jamais rien faire pour que cette purée reprenne à un moment ou à un autre la consistance ferme et lisse de la matière d'une vie normale. C'était un cadeau magnifique, une arme fatale affûtée de mille petits hachoirs noirs, de mille surprises improbables et tranchantes.
Il a offert un cheval à ma mère.
Mon père était fou d'elle jusqu'à ce jour de septembre où je suis arrivée pour la première fois dans ma maison, où ma mère m'a déposée amoureusement dans le berceau emberlificoté sous les dentelles. Où, tout de suite après, elle a retiré ses sandales et est sortie dans le jardin pour sentir la terre sous ses pieds nus. Elle a vérifié chaque fleur, chaque pied de roses trémières, chaque buisson d'hortensias, et bien sûr, arborant son ventre encore flasque, elle est descendue au potager, heureuse, si heureuse, pour le plaisir de reconnaître ses tomates, pour s'assurer qu'elles ne s'étaient pas enfuies lors de son séjour à la clinique. Oui, elles étaient bien là, ses tomates charnues, rouges, rondes et quelquefois déformées d'excroissances incontrôlées. Les préférées de ma mère.
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Un héros, c'est quelqu'un qui a une phrase qui parle de lui dans un livre.
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Un bistrot, dans un port.
S'y trouvent des habitués. Des pêcheurs, des travailleurs, des chanteurs, des jeunes, des vieux et des marins.
Tous ces gens déclament, rient, râlent et tapent sur le comptoir en criant: " Marcel, mets-moi un jus."
et Marcel leur sert des jus.
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Amoureuse de sa bassine, Mémé ? Moi, je vois juste de l'eau, de la farine. De la farine et de l'eau. On n'ose pas lui demander les quantités. On n'ose pas lui demander les proportions. On n'ose pas lui demander d'expliquer.
A midi, elle remonte des profondeurs de la cave le lourd galetier qui lui vient de sa mère, et qui, du temps de sa mère, lui venait de sa mère à elle. Mistigri lui jette un regard envieux au moment où elle enfonce dans le pot de saindoux le tampon à graisser, lui faisant opérer une légère rotation de gauche à droite pour l'imbiber suffisamment, mais pas trop. Le galetier est déjà chaud et, comme on n'a plus le droit d'être dans ses pattes, on entend sans le voir le grésillement de la graisse animale qui se liquéfie en traînées circulaires et brillantes sur la fonte noire et brûlante.
Elle nous nourrit de galettes. C'est sa façon à elle de donner de l'amour.
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Un passage un peu long, peut-être, mais superbe :

"J'ai roulé pendant encore cinq kilomètres et j'ai atteint le village un peu avant onze heures, au milieu d'une flaque de soleil qui a duré le temps que dure ce genre de miracle ici. Assez longtemps pour qu'une chaumière marron vire dans l'instant au rose bonbon, pour que les collines sombres se muent en pommes vertes. Trop rapidement pour que ma mémoire enregistre les couleurs réelles de ce qui composait le paysage. Tout changeait, tout mouvait, les rayons solaires chutaient subitement du plafond et plantaient leurs étincelantes lames de couteaux au hasard des toitures, des champs, des rues".
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- Sur la cale: "La porte couine et quelqu'un qui n'est pas du coin entre dans le bar. C'est peut-être un touriste, un commercial, un homme qui cherche son chemin. Mais tous savent qu'il n'est pas du coin parce qu'il n'a pas l'attitude adéquate. L'homme se dirige vers le comptoir et ne dit pas: "Marcel, mets-moi un jus, mais: un café, s'il vous plaît." Il boit son café et demande alors à toute l'assemblée: "à quelle heure est la pleine mer, aujourd'hui?""

- Elle fait des galettes, c'est toute sa vie: "Elle nous nourrit de galettes. C'est sa façon à elle de donner de l'amour."

- A la pêche: "Il pleure. Oui, c'est nul, il pleure, à son âge. Là, le cul dans cette mare, son doigt qui pisse le sang. Son portable noyé est un poisson mort au ventre métallique qui rigole vers le paradis."

- Ballon vole: "Il lit Ouest-France, elle tricote en silence. Autour d'eux, on entend juste le froissement du papier journal et le cliquetis des aiguilles. Ils ne regardent pas la mer parce que cela fait cinquante ans qu'ils viennent là et qu'elle n'est jamais partie sans crier gare."

- Les bonnes: "Elle entendit enfin le sens des mots du dentiste. Et sut qu'il y avait un bas, un haut, et qu'ils ne pouvaient se rejoindre."

- A la vase de chocolat: "On va faire un gâteau à la vase de chocolat."

- Bain de mer: - -

- La mer a tout emporté: "Pour tout cela, vrai, il remercia la mer."

- Un amour de crustacé: "Finalement, la blonde se soumet, elle n'a pas le choix. - Je prendrai... je prendrai un café, s'il vous plaît"

- Week-end: "- Voilà, c'est que nous deux, ce week-end, on ne va pas venir. Enfin, on aimerait pour une fois, à titre exceptionnel, ne pas aller en bateau. Tu comprends? Dis, tu veux bien comprendre?"

- L'appel des sirènes: "Un jour, mon père, qui n'était jamais là, m'avait placé devant ses yeux: "Petit, il n'y a que la mer qui vaille. Pour autant, méfie-toi de cette farceuse qui revêt innocemment les couleurs de la femme alors même qu'elle a le coeur futile de la sirène et le sein lourd du malentendu des hommes. Et ceux-là danseront toujours comme des funambules irrésolus sur le fil tendu entre l'une et l'autre."

- Stage de voile: "La nuit c'est pire. Le savoyard ronfle comme un lave-vaisselle, les filles gloussent des heures en fumant des paquets de cigarettes avant de se mettre au lit. Il serre les dents dans son sac de couchage poisseux, lutte contre son propre corps qui penche toujours du mauvais côté, et quand enfin il réussit à se caler contre les équipets, il entend le skipper qui entonne: "Attention, on va virer!" Et là, sa carcasse rebascule, il écoute son estomac traverser son ventre en repoussant les autres organes sur son passage comme un sauvage qui se fraie un chemin dans la jungle à grands coups de machette. Il doit se lever, se hisser en slip dans la nuit froide, ramper jsuqu'aux filières et offrir sa bile au plancton phosphorescent."

- Retour en grâce: "Mon regard a survolé les ombres et j'ai distingué le profil d'Alex, loin devant. Sa douleur m'est rentrée en plein ventre parce que j'ai vu qu'il souffrait plus que moi et cela m'a effrayée. Ses lèvres semblaient toutes raplaties, mangées, blanches à force d'être écrabouillées l'une contre l'autre. Mes jambes sont restées solides malgré tout. L'amour s'était donc tari, enfin."

- Comment ne pas perdre la tête: "Amoureux, ça oui qu'il l'était! Mais elle n'a pas eu le cran, elle n'est jamais venue au rendez-vous. Une nuit, une nuit toute entière il a poireauté là-haut, à se ronger les sangs. Pour rien."
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"Les hommes ne passent-ils pas leur vie à chercher quelque chose ?"
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"On ne voit jamais que ce que l'on souhaite réellement voir".
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On y est allé. Félix a commandé deux douzaines d'huîtres et une bouteille de muscadet, parce que, de la même manière que certaines filles, les huîtres supportent mal le champagne, a-t-il justifié.
Puis il a ri, tout seul et très fort, fier de lui.
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Je suis entrée dans le bar, droit vers le comptoir et j'ai com­mandé un kir avec autant de cassis que de vin de Champagne. Pour être exacte, j'ai dit :
- Autant de couleur rouge que de couleur blanche.
L'intérieur était sombre. L'air mouillé. Il se collait aux peaux. Le bar en bois imitait une demi-coque et l'homme derrière a haussé les épaules en ouvrant des yeux comme deux sous-tasses :
- Pas de Champagne ici !
J'ai répondu :
- Quoi en remplacement ?
- Du blanc sec, du muscadet, de l'habituel pour faire du kir normal, quoi.
Les clients s'étaient tus pour tendre l'oreille à notre petit échange verbal, qui, de banal, prenait une tournure moins insignifiante.
Je ne me suis pas démontée :
- Je paierai le prix. Je ne suis pas touriste. J'ai besoin de bulles.
J'ai marqué un point car le patron a changé d'expression et j'ai senti en lui la curiosité l'emporter sur le reste.
- O.K., a-t-il dit, asseyez-vous là - il me désignait une table en bois - je vais voir ce que je peux faire.
Alors, je lui ai donné le coup de grâce. J'ai murmuré :
- Vous me le servirez dans une bolée de cidre.
Je me suis encore radoucie, j'ai souri du mieux que je pouvais et j'ai ajouté :
- S'il vous plaît.
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"Il faut accepter le destin. Son destin. Accepter, accepter, voilà le secret d'une vie."
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"ça veut dire quoi, créer ? ça veut rien dire, couillon, ça veut tout dire. ça signifie être vivant sur la terre. ça veut dire être capable d'extraire de soi des sentiments et de les représenter, ces émotions uniques, parce qu'elles n'appartiennent qu'à toi, mon vieux, et que rien ni personne n'aurait pu prendre ta main et l'exprimer à ta place."
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"Elle va où bon lui semble, la mer. Peu importe du moment qu'elle nous revienne. Parce que tout nous revient. A longeur de temps tout recommence, comme les marées".
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"Dans un élan où tout mon être a chaviré vers autre chose, je me suis approchée de chaque tableau et je les ai observés religieusement, les uns après les autres. Je n'ai pensé qu'à une seule chose, une évidence qui m'a transpercée de part en part : cet homme peint des tableaux pour que les hommes nagent dedans."
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