![]() |
Karl Ove Knausgård
Le livre, c’est 50 % l’écrivain et 50% le lecteur. C’est une affaire de rencontre. Interview de Baptiste Liger Lire 16 Août 2017 |
A l'occasion de la sortie de Fin de Combat, la fin de son grand travail autobiographique, voici quelques extraits de Karl Ove Knausgaard parlant de l'oeuvre qui a marqué la littérature mondiale. Véritable phénomène éditorial en Norvège et dans tous les pays anglo-saxons, voici enfin traduite l'intégralité de ce travail, avec ce tome 6 qui paraîtra le 19 août prochain. Ces extraits proviennent des interviews suivantes sur la BBC : https://www.youtube.com/watch?v=w0xXuGbaXRc et sur Louisiana Channel : https://www.youtube.com/watch?v=4qsfSeuT-4w
![]() |
Karl Ove Knausgård
Le livre, c’est 50 % l’écrivain et 50% le lecteur. C’est une affaire de rencontre. Interview de Baptiste Liger Lire 16 Août 2017 |
![]() |
Jeune homme de Karl Ove Knausgård
- Les sentiments sont les sentiments, qu'on ait sept ou soixante-dix-sept ans. Ils ont la même importance, tu comprends?
|
![]() |
Jeune homme de Karl Ove Knausgård
Le temps ne s'écoule jamais aussi vite que pendant l'enfance, jamais une heure n'est aussi courte que dans ces années-là. Toutes les possibilités sont ouvertes, on court tantôt par-ci, tantôt par-là, on fait tantôt ceci, tantôt cela, et puis sans qu'on s'en aperçoive, le soir est tombé, on se retrouve dans la pénombre, stoppé par le temps comme une barrière devant soi : oh non, il est déjà neuf heures? Mais pareillement, le temps ne s'écoule jamais aussi lentement que pendant l'enfance, jamais non plus une heure ne dure aussi longtemps que dans ces années-là. Que disparaissent cette liberté et la possibilité de courir tantôt par-ci, tantôt par-là, en pensée ou en acte, et chaque minute devient une barrière et le temps un espace dont on est prisonnier.
|
![]() |
Un homme amoureux de Karl Ove Knausgård
Je réfléchissais à tout ça, envahi de tristesse et d'impuissance, et je me tournai en pensée vers les seizième et dix-septième siècles, leurs vastes forêts et leurs grands voiliers, leurs moulins et leurs châteaux, leurs bourgs et leurs monastères, leurs peintres, leurs penseurs, leurs navigateurs, leurs inventeurs, leurs prêtres et leurs alchimistes. Comme c'eût été bon de vivre dans un monde où tout était fait à la force du poignet, du vent ou de l'eau. Comme c'eût été bon de vivre dans un monde où les Indiens d'Amérique vivaient encore en paix. O la vie représentait une véritable possibilité. Où l'Afrique n'était pas conquise. Où l'obscurité venait avec le coucher du soleil et la lumière avec son lever. Où les êtres humains étaient trop peu nombreux et leurs outils trop simples pour influer sur les populations animales, et encore moins pour les exterminer. Où on ne pouvait aller d'un endroit à l'autre sans efforts et où le confort était réservé aux riches, où la mer regorgeait de baleines, les forêts de loups et d'ours, et où il y avait encore des endroits si inconnus qu'aucun monte ne les avait imaginés, comme la Chine qu'on atteignait qu'au péril de sa vie, au bout de plusieurs mois d'un voyage dont seule une infime minorité de marins et de négociants pouvaient s'enorgueillir. Certes, ce monde-là était grossier et assez indigent, il était sale, infesté de maladie, alcoolique, ignorant et pétri de souffrances, l'espérance de vie y était courte et les superstitions nombreuses, mais il donna naissance à Shakespeare, le plus grand des écrivains, à Rembrandt, le plus grand des peintres, et à Newton, le plus grand des scientifiques, tous restés inégalés dans leur domaine respectif. Comment se fait-il que cette époque-là ait atteint une telle plénitude? Était-ce que, la mort étant plus proche, la vie était plus intense?
+ Lire la suite |
![]() |
Un homme amoureux de Karl Ove Knausgård
Un jour, il y avait eu un incendie de forêt le long de la voie de chemin de fer. Ca aussi, c'était fantastique. Tout un flanc de coteau embrasé, à quelques mètres seulement du train. Les flammes léchaient juste certains arbres tandis que d'autres en étaient entièrement la proie. Des langues orange serpentaient dans les champs et sortaient des buissons, dans la clarté du soleil d'été qui, sous un ciel bleu pâle, rendait la scène comme transparente Oh ça me comblait, c'était sublime, c'était le monde qui s'ouvrait à moi |
![]() |
Jeune homme de Karl Ove Knausgård
Je n'ai revu aucun d'eux [mes amis d'enfance] depuis cet été-là et quand je fais des recherches sur Internet pour voir quelle tête ils ont, ou bien ce qu'ils sont devenus, je ne trouve personne. Ils ne font pas partie des gens qu'on peut trouver là, ils appartiennent à une classe dont les parents sont ouvriers ou fonctionnaires, qui ont grandi à la périphérie de tout sauf de leur propre vie. Je n'ai aucune idée de ce que je suis pour eux, sans doute un vague souvenir, quelqu'un qu'ils connaissaient quand ils étaient enfants, car depuis dans leur vie, ils se sont fait tant de choses entre eux, il s'est passé tant d'événements, et d'une telle force, que les petits faits advenus pendant l'enfance n'ont pas plus de poids que la poussière que soulève une voiture en passant ou que le duvet d'un pissenlit fané que le souffle d'un enfant éparpille. Oh, n'était-ce pas une belle image? Les événements ne se succèdent-ils pas en s'éparpillant au-dessus du petit pré de notre histoire, puis retombent en brins d'herbe et disparaissent?
+ Lire la suite |
![]() |
Un homme amoureux de Karl Ove Knausgård
- La sainteté. Aucun homme moderne ne veut etre un saint. Quelle vie que celle d'un saint? Souffrance, sacrifice, mort. Quel est le con qui veut une bonne vie intérieure sans avoir de vie extérieure? Les gens ne pense à l'introspection que quand elle peut les faire avancer dans leur vie extérieure. Que pense l'homme moderne de la prière? Pour lui, il n'en existe qu'un seul type, la prière de demande. On ne prie que quand on veut quelque chose.
|
![]() |
Jeune homme de Karl Ove Knausgård
C'était étrange de voir à quel point tous les grands arbres avaient une personnalité propre qui s'exprimait par une posture absolument unique et par ce qui se dégageait de l'ensemble formé par leur tronc et leurs racines, leur écorce et leurs branches, et le rapport entre ombre et lumière. C'était comme s'ils parlaient. Non pas avec une voix, évidemment, mais à travers ce qu'ils étaient et qu'ils tendaient en quelque sorte à celui qui regardait.
|
![]() |
La mort d'un père de Karl Ove Knausgård
C'est cette décomposition en soi qu'on appelle "écrire". Dans l'acte d'écrire, il y a plus destruction que de création.
|
![]() |
Jeune homme de Karl Ove Knausgård
La mémoire n'est pas un élément fiable dans la vie, pour la simple raison que la vérité n'y est pas primordiale. Et ce n'est jamais l'exigence de vérité qui détermine si la mémoire se souvient fidèlement d'un événement ou pas, mais l'intérêt de chacun. La mémoire est pragmatique, elle est traitre et rusée bien que sans animosité ni méchanceté, au contraire, elle fait tout pour satisfaire son hôte. Elle refoule certaines choses dans le néant de l'oubli, en déforme d'autres jusqu'à les rendre méconnaissables, se trompe galamment sur d'autres encore, et pourtant elle se souvient de quelques-unes clairement, correctement et exactement. Mais voilà, il n'est jamais donné à personne de savoir ce dont on se souvient correctement.
|
Comment s'appelle le père de Katherine ?