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4.07/5 (sur 27 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Philadelphie , 1950
Mort(e) à : Santa Fe , le 13 octobre 2019
Biographie :

Kate Braverman (né en 1950 à Philadelphie ) est une romancière, auteur de nouvelles et poétesse américaine . Elle a grandi à Los Angeles.

Militante politique active dans les années 60 à Berkeley, elle a commencé à écrire et publier au cours des années 70. Elle est membre du Venice Poetry Workshop et professeur de creative writing à la California State University. Elle a également enseigné l’écriture à UCLA. Elle vit à San Francisco.
Kate Braverman est l’auteur de Lithium pour Médée (Quidam éditeur, 2006), ainsi que de trois autres romans non encore traduits (The Incantation of Frida K., Palm Latitudes et Wonders of The West), de deux recueils de nouvelles (Small Craft Warnings, Bleu éperdument, Quidam éditeur, 2015) et quatre de poésie (Postcards from August, Hurricane Warnings, Lullaby for Sinners, Milkrun). Kate Braverman a été primée plusieurs fois: The O. Henry Award, The Carver Prize, The Mississippi Review Prize and The Isherwood Fellowship.


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Citations et extraits (87) Voir plus Ajouter une citation
Elle resta un moment assise dans sa voiture. Le ciel semblait étrangement bleu, comme esquissé dans la teinte du radium ou de substances narcotiques. Ou bleu de Chine, peut-être. Était-ce une couleur? Le bleu de la mer de Chine? Le bleu du Vietnam. Quand il évoquait l'Asie, elle imaginait ce bleu, embrasé par une fièvre ancestrale, des ponts en ruines, la récolte engloutie dans des flammes bleues.
(Tu veux que j'te raconte le Mékong ?)
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J'ai douze ans et je suis dans le séjour, chez Roxanne Cohen. Je sais qu'il est risqué de se trouver dans la même pièce qu'eux. Il y a quelque chose d'affreusement défectueux chez ces pères. Ils ont cicatrices et des tubes. Ils sont difformes et couverts de bandages, brisés. On leur a enlevé les cordes vocales. Leur squelette s'effondre. Ils ne peuvent pas marcher, ne peuvent pas respirer, ne peuvent pas se laver seuls. Et les mères sont absentes. Nous avons appris à traîner le plus longtemps possible dehors. Nous jouons sans bruit dans les halls et les buanderies le long de l'allée principale. Parfois on se faufile dans un garage resté ouvert. Sur le sol en ciment nous jouons aux osselets et à la Barbie. Mais ce jour-là il fait trop froid. C'est sans doute l'hiver. Il pleut. Voilà pourquoi je suis chez Roxanne Cohen, dans leur salle de séjour. Les persiennes lacèrent l'air, gris et austère. La lumière est allumée.
(Dire ce qui est)
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Bien sûr, les choses qu'on brûle le plus de dire, altérer, atténuer, ces mots qui pourraient bel et bien changer le cours de nos vies ou les orbites mêmes de nos univers sont ceux que nous sommes incapables de prononcer, ni sur le coup, ni après coup, ni jamais. Ma mère m'aimait.
(Bleu éperdument)
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Joan sait comment Pete a occupé sa journée, lui. Le matin, il est parti faire de la plongée dans les parages de Shipwreck Beach. Il a pris des photos sous-marines. Puis il a exploré les rochers en quête de coquillages. Après quoi, il a fait cent longueurs dans la piscine de l'hôtel. C'est sa façon de cartographier les lieux où il évolue. Il a besoin de prélever quelque chose de ce monde, ne serait-ce qu'une photo ou une minuscule troque. il a besoin de sentir qu'il possède le paysage, au sens propre. S'il se met à nager, il faut absolument qu'il compte les longueurs. C'est à l'aune de ses exigences de précision et de qualité qu'il doit décrypter le visage bleu de l'eau.
(Moments décisifs)
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Il y a un bruit sec non identifié puis les lumières s’éteignent. Plus d’électricité pendant six jours. Et plus de bois de chauffage. Elle reste assise, seule, dans le noir.
Erica pense aux vies des poètes américains de ce siècle. Ils sautent depuis des ponts et des navires. C’est un mois de janvier élastique, un mois de janvier tissé d’inventions dissolues, de deuils perpétuels et d’amulettes. Les poètes enfoncent leurs têtes dans les fours. Attirés qu’ils sont par le pouls de la flamme bleue. Leurs crânes sont des plazas de chagrin et de pourriture. Ils ont au fond des yeux des entrepôts et des jetées. Il y a le déchirement atroce du coeur au moment de partir. Puis ils s’enquillent du monoxyde de carbone par la bouche. N’ont de cesse de tomber malades sous l’évangile fielleux de la lune. C’est une saison de crimes. Ils portent leurs pathologies comme on porte des guirlandes, des colliers de fleurs de frangipanier. Ils tournent en rond dans les centres commerciaux. Ils sont en quête de quelque chose d’inéluctable et n’ont jamais la moindre certitude. Alors ils font de leurs enfants des orphelins. (« Blues d’hiver »)
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Elle tente d’élucider pourquoi tant de poètes américains se sont auto-détruits et ce que cela révèle de notre société. Elle a choisi Hart Crane, Anne Sexton et Sylvia Plath comme exemples. Entre-temps, elle doit mélanger de la farine et de l’eau afin d’obtenir une pâte pour les collages de Flora, des photographies découpées dans des revues que la petite plaque ensuite sur du papier gris cartonné. Entre-temps, Erica doit changer sa fille, trouver un chandail, une deuxième et une troisième paires de chaussettes montantes. Elle doit lui brosser les cheveux et les dents, aussi.
Erica songe à Hart Crane sautant d’un navire au large de Cuba. Elle voudrait soudain s’agenouiller et prier pour les poètes. Elle imagine leurs visages immaculés ravagés, des colliers de lunes mises à sac, des chicots noirs en guise de dents. Les poètes, ces collections de croissants de lune et de bandages inutilisés, d’images confuses et d’adieux éprouvants. Qui portent des camées vénéneux. Qu’accompagne la prophétie de ponts et de trains lointains.
Flora lui tire la manche. Lui demande de changer les habits de sa Barbie. Erica s’échine à glisser le bras de la poupée dans le vêtement miniature. Puis Flora veut de la glace. Erica lui dit d’aller la chercher toute seule.
— Je suis trop petite pour l’attraper, explique Flora.
Elle reste patiente.
— Prends une chaise, crie Erica. Utilise tes deux mains.
Elle n’arrête pas de dire à Flora d’utiliser ses deux mains. Possible que la symétrie ne soit pas un phénomène naturel. Qu’elle relève, somme toute, de l’acquis.
— Je ne peux pas, concède Flora. Je ne peux pas, c’est tout.
Elle a l’air surprise et apeurée. Elle se met à pleurer.
C’est plus tard, bien après la crème glacée. Erica boit de la vodka russe pure. Elle soupire. Elle se dit souvent que le seul moyen de se réfréner serait qu’on la capture et qu’on lui couse la bouche. Quatre mois plus tard, quand elle apprend que le réacteur nucléaire de Tchernobyl a fondu, son premier réflexe est d’écumer les magasins de Cotati pour se constituer un stock de vodka russe. Juste au cas où la contamination de l’eau ou de l’air en Russie aurait une incidence sur les exportations d’alcool. Juste au cas où ils cesseraient d’en produire. (« Blues d’hiver »)
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Entrais-je le matin dans la cuisine, vêtue de mon uniforme rassurant, c’était pour trouver ma mère plantée près du four, en robe de chambre, l’air ailleurs, fumant cigarette sur cigarette. Des plateaux de cookies refroidissaient sur le plan de travail. En général, il n’était pas rare qu’elle passe la nuit à en préparer, juste avant de céder à nouveau à la tentation de boire. Et durant des semaines, voire des mois, c’en était fini des cookies. Ma mère était occupée à picoler, la porte de sa chambre verrouillée, une bouteille de vodka sur sa table de chevet. La radio diffusait les Rolling Stones ou les Eagles.
Puis, tout à coup, les cookies réapparaissaient par plateaux entiers ou enveloppés dans du papier aluminium et empilés. Elle reprenait les réunions et observait les trois premières étapes. Elle admettait avoir perdu la maîtrise de sa vie. Elle priait pour qu’une puissance supérieure à sa personne lui rende la raison. La troisième étape lui donnait du fil à retordre, car il lui fallait confier sa volonté et sa vie aux soins de Dieu tel qu’elle le concevait. L’ennui, c’est que ma mère ne concevait point Dieu. (« Bleu éperdument »)
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Jamais l’homme primitif ne pourrait se soumettre à l’hôpital. Un homme primitif insisterait pour être entouré de ses objets les plus magiques. Il y aurait des prières et des chants collectifs, un souffle commun entretenu. Des feux de camps pour flamboyer dans l’obscurité, les étincelles des bûches de cèdres, l’air hérissé de rouge dans le noir, sang et fumée. Il y aurait des amulettes, des charmes, des totems. Les masques seraient repeints. Les calebasses à percussions, sorties de la hutte du guérisseur. Il y aurait des danses, des peintures de sable, des reconstitutions chantées des victoires de la tribu sur le mal, des morts aléatoires et des naissances inexpliquées, une sorte de tintement singulier.
Le guérisseur implorerait la terre. Et la terre répondrait. Les os sacrés de tous les sages décédés rongeraient la nuit noire et rouge et soulèveraient la poussière des tombes fantasmagoriques. Le rêve s’y plierait et le squelette articulerait de vrais mots d’une bouche aux lèvres et à la langue réincarnées.
L’hôpital était trop vide et uniforme. C’était un espace dénudé, une antichambre de la mort. Ici, les shamans revêtaient des costumes particuliers, masques blancs et blouses blanches. Ils maintenaient des rituels antiseptiques. Communiquaient en un dialecte privé ancestral. À leur façon appauvrie, ils s’efforçaient de préserver le mystère. Ils adhéraient à des formes ancestrales, mais vidées de leur substance, de leurs relations aux pouvoirs impénétrables.
Les docteurs portaient des stéthoscopes autour du cou et communiaient avec des machines, mais ce n’était pas suffisant, pas tout à fait. Je voulais des cornes d’antilopes sur leurs têtes, des percussions et des tambours. Je voulais une bénédiction tonitruante et prodigieuse, des sels magiques, de la fumée colorée, des genoux sur la poussière, des étoiles guidant les prières.
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Il y avait chez Gerald quelque chose d'inachevé. Plus tard, je le verrais comme le produit d'une fabrique d'astronautes androïdes. Non pas qu'il ait ressemblé à un astronaute. Mais plus exactement parce qu'il semblait en être le reflet. Il avait l'étoffe d'un modèle réduit. Il était comme ces gadgets aux détails parfaits mais non-fonctionnels, attachés aux ponts des bateaux en plastique, ces mitraillettes miniatures collées aux maquettes d'avion. D'apparence parfaite, mais rien qui marchait, rien.
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Puis Beverly Hills nous a tendu ses bras verts, un vert propret et ordonné par contraste avec la densité excessive dans laquelle la jungle nous avait attirées. Il flottait dans l’air une impression de certitude et de fiabilité, à l’image de ce berceau dont, comme je le soupçonnais déjà, on m’avait plus ou moins privée. Je discute avec ma grand-mère sur la terrasse en brique près de la piscine carrelée de vert. Le jardinier joue du sécateur et de la tondeuse. Je nage avec Dominique. Je ne vois pas ma mère. Elle n’aime pas nager, elle n’aime pas le soleil. Dominique et moi sommes hâlées, des perles d’eau chlorée scintillent sur notre peau. Ma mère a choisi de rester en retrait dans un coin du jardin, à l’ombre. Elle scrute les oiseaux de paradis qui pointent le bout de leur tête orange et violette entre les bougainvillées. Elle est dénuée de toute expression. Carnet sur les genoux, stylo en main, elle n’écrit pourtant rien. Les pages sont vierges. Cette abondance de blanc ne présage rien de bon et je le sens. Bizarrement, j’ai peur que ça me retombe dessus, mais non. (« Bleu éperdument »)
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