Car aimer et être aimée en retour doit être la chose la plus exquise qui soit.
Parlez-moi donc de Sydney. Le port, l'opéra. Je ne connais pas mais j'adorerais y aller.
- En fait, mon lieu préféré est le Jardin botanique. Il se trouve à Nielsen Park, un petit parc posé sur l'eau. La plage, là-bas, s'appelle Shark Beach, mais, en réalité, c'est un endroit fabuleux pour s'y baigner.
Ed haussa les sourcils, impressionné.
- Il y a un long banc semi-circulaire en pierre qui propage le son, de telle sorte qu'une personne assise à une extrémité peut parler en chuchotant à une autre assise à l'autre extrémité.
- C'est tout à fait charmant, dit Ed admiratif. Je m'en souviendrai. Et de la plage aux requins aussi.
- Et ici, nous avons un crocus bleu du Chili, dit-il. Tecophilaea cyanocrocus. Il pousse sur les versants des Andes et on le croyait disparu à l'état sauvage jusqu'en 2001, même si c'est une fleur d'agrément très répandue.
Anna se pencha pour examiner les fleurs aux pétales d'un bleu iridescent. Elles étaient magnifiques. Elle ne croyait pas en Dieu, mais elle ne pouvait pas nier que la nature était l'œuvre d'un créateur divin.
- Le Tecophilaea tient son nom de Tecofila Billiotti, une illustratrice botanique et fille du botaniste Luidi Aloysius Colla de Turin, lui expliqua-t-il.
Enfin, elle se dirigea vers une galerie érigée un peu à l'écart, où elle passa un long moment à admirer les centaines d'illustrations de Marianne North, une artiste aventurière qui, curieusement, était contemporaine de la mystérieuse illustratrice de l'album d'Anna. S'étaient-elles connues ? Marianne avait beaucoup voyagé et ses peintures décrivaient la flore de lieux aussi éloignés que les îles Sandwich, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique. Anna admira longuement un banksia écarlate avec le port de Sydney en toile de fond, et son pays lui sembla soudain très lointain.
Elle avait tout de même vu la Davis Alpine House, l'élégante serre de Nash, édifiée à l'époque victorienne, ainsi que la Waterlily House, qui renfermait des lis géants, mais aussi des nénuphars Victoria Amazonica de plus d'un mètre de diamètre, avant de s'aventurer sous le tunnel fleuri de la pergola de roses, où se trouvaient la fameuse rose "Danse des sylphes" et la "Mary Wallace".
La médecine botanique n'en est qu'à ses débuts. Il y a une profusion de plantes un peu partout, dont nous ignorons l'existence. Notre mission consiste à identifier des plantes qui pourraient nous aider à guérir un grand nombre de maladies, depuis le cancer jusqu'aux maladies cardiaques. Les alcaloïdes, en particulier, sont très intéressants. Ce ne sont pas juste de jolies fleurs.
- Et maintenant, on cherche comment conserver les graines grâce à la cryogénie.
- Tu veux dire que vous les congelez, comme des embryons ?
- Exactement. Sauf qu'il y a beaucoup d'espèces originaires de nos forêts équatoriales qui n'apprécient pas d'être déshydratées ou congelées. Si bien que nous sommes obligés de trouver d'autres modes de conservation.
C'est une famille de plantes appelées herbes à sorcières, expliqua Hal, bien qu'Anna sache parfaitement de quoi il s'agissait. Elles sont apparentées à la belladonne, la jusquiame noire et la mandragore. Hautement toxiques, même si on leur prête des vertus aphrodisiaques. Dans certains pays, la culture en est interdite.
- L'illustration botanique, du fait de sa grande précision, permet de répertorier les espèces vivantes d'aujourd'hui et de les préserver pour les générations futures. Les illustrateurs travaillent en collaboration avec des chercheurs et des conservateurs. Un diplôme a même été créé en ce domaine.
- C'est une plante extrêmement dangereuse, expliqua Sofia d'une voix sombre. Et devenue très rare, heureusement. Ma mère et les autres machi l'ont toujours gardée secrète. Dans des mains malfaisantes, elle est capable d'anéantir un village entier. Et elle peut tuer celui qui tente de la cueillir.