Le compte-rendu conserve cependant certaines lacunes, ce qui laisse ouvertes des questions gênantes sur les événements qui eurent lieu ce jour-là. Par exemple, quand on quitte une chambre d’hôtel, les badges n’enregistrent rien. Si le procureur de l’Etat de New York était parvenu à m’intenter un procès, la plupart de ces lacunes auraient été abordées, que ce soit par l’accusation ou par la défense. On aurait opposé ton témoignage au mien. Une nouvelle histoire serait apparue, qui donnerait à chaque acteur un mobile et une sensibilité. Le procès pénal s’est effondré à cause de doutes jetés sur ta crédibilité, des doutes surtout liés à des déclarations mensongères dans ton dossier d’immigration il y a des années, et non pas à notre rencontre sexuelle.
Si je pouvais te parler, mon intention principale serait de te convaincre que je ne suis pas un malade mental, même si je reconnais qu'il n'est pas tout à fait évident que je n'en sois pas un. (Écrire cette lettre que je ne pourrai jamais envoyé témoigne en ma défaveur quant à cette hypothèse sur ma santé mentale).
Mariama, tu ne liras jamais cette lettre : si je l’envoyais, notre règlement au civil en serait invalidé et le procureur rouvrirait le dossier pénal. Je n’ai aucune raison de l’envoyer, car je ne te demanderai jamais pardon. Ma faute était trop grande, je m’en suis sorti et j’ai trop de plaisir à rester libre. De plus on raconte que tu es analphabète. Néanmoins il faut admettre qu’il y a un certain avantage moral à reconnaître nos erreurs, même en privé, pour se repentir, pour chercher à rectifier notre comportement. Plus on fait ses comptes de manière honnête, complète et exacte, plus on en tire de bienfaits. En l’occurrence, j’agis donc comme toujours pour mon propre compte.