Kim Zupan
Trop loin de Dieu éditions Gallmeister
Coup de de Kim au rayon Littérature
Une atmosphère particulière
Les montagnes et les ruisseaux du Montana pourraient presque rendre la vie bucolique si un climat extrême ne sévissait pas tant dans la région, façonnant fatalement les vies de ceux qui la peuplent.
On entre dans ces vies par celle de Hickney, anti-héros très attachant de ce roman,
Kim Zupan parvient à nous emmener au-delà de nos attentes, dans un ailleurs qui nous saisit et nous enveloppe. Il prend le temps d'installer son roman, de laisser le lecteur goûter à son atmosphère particulière, de déployer subtilement toute la complexité de ses personnages et de brosser le portrait de ces villes américaines laissées en déshérence.
Derrière l'âpreté de ces vies singulières se tisse aussi une incroyable histoire d'amitié qui donne toute son humanité au roman. C'est un vrai bonheur de retrouver l'univers de l'auteur après son premier roman
Les Arpenteurs qui m'avait déjà laissé un grand souvenir de lecture et dont je garde encore en mémoire les personnages comme s'ils avaient fait partie de ma vie, nul doute qu'il en sera de même pour ceux de
Trop loin de Dieu !
-- Kim
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Fin du mois d'août et les cirques d'altitude arboraient encore des croissants et des bandes de neige, et dans le brouillard de chaleur estival ils semblaient avoir été peints au couteau sur la toile de fond bleu-violet.
En contrebas devant eux, un arbre séculaire s'élevait au centre d'un immense rocher, ses branches décorées de corbeaux.
Le soleil se leva, rouge et indécis dans le ciel d'août, brouillé par des incendies lointains, et il trouva John Gload traversant ce matin-là les hautes plaines et les buttes que des peintures avaient rendues célèbres, leurs contours prenant forme au loin en une géométrie rosée, leurs plateaux enflammés, et le long de leurs versants ombragés, des rapaces descendaient et survolaient les champs de céréales mûres.
Autour de lui, tout est blanc, à part les arbres dont les cimes sont visibles à présent en dessous de lui, ainsi que les lichens vert pâle et mordorés de rouille sur les rochers où il est assis. Dans la lumière du jour qui surgit, ces couleurs chatoient comme des fleurs tropicales.
Le plus important, c'est l'intimité d'une personne.
On fait ça, parfois – regarder en arrière et se dire, j'aurais dû faire ceci ou cela, ou je ne sais pas quoi. (..) J'en ai pas beaucoup, des moments comme ça, rien qu'une poignée, mais je suis persuadé d'un truc. Il faut jamais les laisser te miner le moral. On a fait ce qu'on a fait, à l'époque, et à l'époque, c'était la chose à faire.
L’ombre pareille à une encre malveillante glissait dans les ravines et donnait une forme sinistre aux totems de grès et aux rochers escarpés vêtus des débris rejetés par l’inondation, et il y avait bien assez de silhouettes pour peupler les rêves et les cauchemars des esprits, même les plus sains. Les érables et leurs ombres crépusculaires ressemblaient à des mandragores ou à des créatures griffues, les rapaces qui planaient dans le ciel leur donnaient voix, et les racines des pins sombres serpentaient sur le sol accidentés comme des vipères.
Pour le reste d’entre nous, pensa Millimaki, la distance entre la raison et la folie est infime, une frontière fine comme du parchemin et tout aussi fragile pour contenir le monstre. Il était en chacun de nous, pensa-t-il. Il était en lui. Une demi-seconde de colère aveugle et la lame s’abat. Il observa la parcelle de terre retournée où un cadavre avait reposé, encore récemment. À un certain stade, pensa-t-il avec lassitude, ce n’était plus que de la viande.
Dans le jardin voisin de la veuve, les frênes étaient enflammés par les derniers rayons de lumière, et de petits oiseaux brun-gris dans les branches supérieures apparaissaient aussi éclatants que des perroquets.
Ce sont les actes des hommes qui disent vrai.