Sa jeune femme le comblait d’un amour profond et allait donner naissance à leur premier enfant. Serait-ce un garçon, ou une fille ? Peu lui importait, pourvu que ce petit être ait les yeux et le sourire de sa chère épouse…
Il avait aimé Séria dès le premier regard qu’il avait posé sur elle. L’artiste qu’il était avait admiré la grâce sauvage, le regard fier, les courbes souples de son corps de cavalière.
Son bonheur n’était pas dû à la vue magnifique dont il jouissait depuis sa maison, ni à ce coucher de soleil si particulier qui transformait en or scintillant chaque parcelle de terrain, fraction de maison ou petit volatile qu’il illuminait. En d’autres circonstances, autant de beauté et de poésie ne l’auraient pas laissé indifférent. Mais la situation actuelle justifiait sa distraction.
Je préfère cette folle espérance au noir avenir que vous nous promettez. Ainsi, j’ai encore le courage d’aller me battre lorsque revient le printemps. Grâce à elle, je transforme cette exaspérante impuissance qui est la nôtre en une rage féroce qui fait fuir nos ennemis. Face à leur nombre toujours grandissant, je veux crier « Sévenaï ! » en attaquant, et non « Göderin ! ».
Notre corps fonctionne différemment de celui des autres. Il nous informe des changements profonds qui l’assaillent… Ainsi, lorsque j’ai rencontré ton père, cet instinct si particulier qui est le nôtre m’a soufflé de m’attacher à ses pas.
Vous, nos aînés, vous vous laissez commander sans répondre, tels de serviles marionnettes. Les Göderin vous promettent des miettes de pouvoir contre notre fierté et notre dignité. Mais quel soldat accepterait d’être dirigé par des chefs tels que vous ? Des chefs qui ont renié leurs Serments passés par opportunisme, par lassitude, par oubli ?