Le bonheur est facile. Je me demande pourquoi il n'y a pas d'avantage de gens qui le pratique.
George croit en Dieu, mais uniquement de la marque Église anglicane telle que promue à la télévision en vertu de l’accord sur l’égalité du temps de parole, néanmoins il est Ouvert d’Esprit car il a vu de Sacrés Drôles de Trucs en Inde et dans des coins comme ça. Il est trop bien élevé pour laisser transparaître sa religion, ce qui est fort congru. Ce n’est pas un imbécile. Vous penseriez qu’il était commandant par intérim pendant la guerre ; en réalité, il était général de brigade en titre et a reçu la médaille de l’Ordre du Service distingué, la Croix militaire et quantité d’autres colifichets, seulement là encore, ses manières trop sévères lui interdisent d’user de son grade ou de ses décorations dans la vie civile.
Le tabac et les alcools forts y sont bon marché, et l’impôt sur le revenu généreusement bas, toutefois j’imagine que ces bienfaits disparaîtront, de même que les écoles privées, dès que les socialistes jouiront d’une véritable majorité et commenceront à n’en faire qu’à leur tête.LA POPULATION Elle se compose de nombreuses strates. Premièrement, les vacanciers, qu’il n’est nul besoin de décrire, Dieu les bénisse. Leur nom est légion. Ensuite, les agriculteurs, qui sont tous de vieille souche jersiaise et qui, l’air de ne pas y toucher, dirigent l’île pour leur propre satisfaction feutrée. Ils ont de vieux noms disgracieux, de vieilles têtes disgracieuses, et de vieilles épouses carrément hideuses.
Un officier, ça doit avoir de la classe, des dettes, du panache, et, par-dessus tout, des agents de recouvrement, qu’il peut virer à coups de cravache pour leur donner de l’appétit au petit déjeuner, vous ne trouvez pas ?) George est de taille moyenne, d’apparence ordinaire et de poids normal. Ses amis ne le remettent pas toujours, ce qui est tout l’intérêt, n’est-ce pas ? À son club dans son fauteuil préféré, ils le reconnaissent, bien sûr, parce que c’est sa place, vous comprenez. Les meilleurs barmen l’identifient également, mais eux, c’est leur boulot. Ses vêtements sont d’une telle discrétion dans le bon goût qu’ils frisent presque le déguisement, la cape d’invisibilité, peut-être.
Je ne suis pas résident permanent de Jersey ; je n’ai pas assez d’argent pour que cela vaille la peine d’esquiver le fisc et ma femme en a bien trop pour s’en préoccuper. En réalité, j’habite Londres, mais quoique je n’y sois pas exactement persona non grata, certaine branche de la police préfère que je séjourne ailleurs un moment. Le motif ne vous intéressera pas et rien dans les petits caractères ne m’interdit d’être un peu cachottier, n’est-ce pas ?
Sam est outrageusement gentil, sympathique, tolérant, et n’a jamais un mot dur pour quiconque, cependant j’ai depuis longtemps perçu chez lui un substrat de folie qui en ferait, face à une provocation suprême, un ennemi redoutable s’il en est. Il jouait diablement bien au backgammon jusqu’au jour où l’électricien s’y est mis, à partir de quoi il n’y a plus touché ; il est comme ça. J’arrive parfois à le battre au poker.
Le bon vieil artisan jersiais parle quelque chose qui s’apparente à de l’anglais, jusqu’au moment où l’on essaie de le comprendre : on s’aperçoit alors que c’est comme un Australien tentant d’imiter un Liverpudlien. Les sons sont complètement déformés et la plupart des phrases commencent par « Ma fé » pour se terminer par le vocable « Hein ? ». C’est un idiome fort déplaisant que l’on peut très vite prendre en grippe.
Elle est, je suppose, givrée – ou alcoolique, ou kleptomane, ou autre bizarrerie du même tonneau –, et il m’arrive de me poser des questions sur Violette elle-même : elle emploie d’étranges tournures verbales et a tendance à dire des choses comme « Les lapins se reproduisent comme des petits pains ».
Les îles sont farouchement fidèles à la Couronne et trinquent toujours « à la reine, notre duc ». Elles possèdent toutes des lois et des constitutions particulières, héritées d’un lointain passé, ainsi que certaines coutumes pour le moins saugrenues. J’y reviendrai plus tard.
Le collège où nous étions condisciples n'avait rien d'excellent. Riche en ce qui concerne la sodomie et compagnie, mais un peu pauvre pour ce qui est de l'honnêteté, de l'honneur et autres suppléments de luxe, même s'ils en parlaient copieusement à la chapelle.