Vidéo de Lara de Vallès alias Abhilasha
On fait le mal sans le vouloir. Peut être faut-il trop de courage pour faire le bien.
EMILY toise sa soeur du regard, toujours haineuse. Soudain, elle pleure.
Pardonne-moi, Charlotte ! Je fais le mal malgré moi ! (Elle se jette dans les bras de sa soeur qui reste très froide.) Mais...mais... ne me parle pas de ce passé que je cherche à oublier à tout prix ! J’ai trop souffert, Charlotte, trop ! (Elle crie, semble se débattre avec les démons du passé.) Je ne veux pas revivre, même par la pensée, une vie que je n’aimais pas, une vie que je ne voulais pas, une vie qui n’en était pas une. J’ai crû mourir sous le poids de tout ce malheur... Je n’entendais pas des bruits comme tu en entends maintenant dans ta tête, grande soeur ! Oh non... ! C’était le silence, mais quel silence ! Pas celui de la lande qui res- semble à une caresse, un silence qui vous pénètre l’âme et la rassérène. (Charlotte lui caresse les cheveux, mais reste cepen- dant toujours de glace.) Non, ce silence- là ressemblait à la mort ; il m’entrait dans les chairs, les torturait et m’arrachait des cris de bête. Il emplissait ma tête d’une coulée de plomb et lorsque j’ouvrais les yeux en plein jour, ils se refermaient aus- sitôt emplis d’horreur. Car je voyais des pantins, aux visages déformés par les vices, aux corps frémissants de haine et de jalousie. Et lorsqu’ils venaient à moi, entourés de ces ténèbres tout autour d’eux, je me sentais aussi vulnérable que l’oisillon qui lève la tête vers le ciel et qui le voit empli d’oiseaux de proie... Alors ce sont des hommes, ces êtres malfai- sants ? Des hommes ? Tout comme moi ?
Lara De Vallès
EMILY
Seuls les poètes ont de belles âmes ?
BRANWELL,
Ils sont prêts à la perdre pour un bon mot comme un joueur mettrait sur table toute sa fortune parce qu’ils espèrent...
EMILY
Quoi ? Qu’est-ce qu’ils espèrent ?
BRANWELL, mélancolique
Ils se trompent, soeurette. Ils espèrent en vain... et ils ne savent même pas ce qui les fait errer comme des fous tout le jour et qui le soir venu, les fait sombrer dans un puits sans fond... Les poètes ne gagneront jamais rien. Ils sont maudits par les hommes, maudits... par... (Il montre du doigt le ciel.) Lui... Ne sois pas poète, Emily, car sinon la vie s’écoulera de tes veines... ! Oui, tu pourrais être un grand poète mais... il ne faut pas...; tu pourrais perdre la vie pour quelques mots... Ces mots qui t’arrachent des lambeaux de
chair, ces mots qui écorchent et brûlent ton âme !
EMILY, songeuse
Un mot... quelques mots... qui se seront abreuvés dans la source de la vie qui coule dans mes veines...
BRANWELL
...Des mots... qui éclateront... qui resplen- diront dans les ténèbres qui obscurcissent nos esprits...
EMILY
...Comme des blanches étoiles dans la nuit de nos tristes errances... .
(On entend un coup de feu tiré du haut du presbytère). EMILY (fait le geste de tirer) Pan! Du premier coup, en plein dans le mille! (On entend un deuxième puis un troisième coup de feu). BRANWELL, (moqueur) Raté, oui! Le révérend père vieillit! Sa vue baisse! ANNE, (apeurée) Oh, ce que j’ai peur à chaque fois! Je ne réussis pas à m’y habituer. Mais qu’est-ce qu’il vise? EMILY, (sérieuse) Il vise le clocher de l’église. ANNE, (apeurée) De sa chambre? EMILY, (ironique) Il considère que son feu doit traverser le cimetière, réveiller quelques morts trop endormis à son goût, pour pouvoir ensuite ricocher sur le bronze du clocher et le faire tinter. BRANWELL (roule des yeux) Ding dong! C’est la lumière de Dieu qui siffle après un bref passage dans le monde des Endormis! CHARLOTTE, (levant la tête de son livre) Qu’est-ce que tu dis encore?! Branwell fait une acrobatie, arrive juste à hauteur de Charlotte qui se tenait à l’autre bout du salon et lui crie en plein visage, tout en articulant chaque mot: BRANWELL Je dis, ma vieille, que notre père est fou et que nous le serons tous bientôt, aussi! CHARLOTTE, (méprisante) C’est chose faite en ce qui te concerne!
De nos souffrances jaillit une source intarissable de feu dans laquelle baignent les âmes sans artifice.
Sois le roi des poètes ! Reviens dès enfers et chante les secrets des Dieux que nous connaissions enfin les vérités du monde infernal.
BRANWELL chantonne
Chantez mes amis ! Chantez avec le Fou !
Le fou sait les danses perdues (Il se lève et entame une drôle de danse.)
Viens ma belle viens te perdre avec moi (Il prend par la main une serveuse et danse avec elle.)
Le fou sait les chansons du pa-is
le pa-is des petits elfes des jolies fées et d’un drôle de Merlin l’enchanteur !
Le fou voit le fou parle mais pas comme vous sa parole est folle
et il voit l’enfer au fond des verres !
Le fou le fou c’aurait pu être vous
mais c’est pas vous... !
Pas aujourd’hui mais p’têtre demain
... le vent du Rajasthan, sec et coupant, portait sur son dos la chanson de l’enfant ; c’était celle que Baghu Bai, la troisième fille d’Amrita Devi, lui avait fredonnée. Avec la voix enchanteresse d’Oninao que le vent avait enveloppé afin d’en conserver la fraîcheur, tous ressentaient avec une grande émotion l’immense peine de la mère tout en étant baignés par les senteurs d’un lait tendre et suave.
...L'homme s'est cru propriétaire du Vivant. La planète est devenue une marchandise. L'homme l'a donc exploitée, à outrance. Et ce au détriment de l'ensemble du Vivant et par conséquence de lui-même. Il a rejeté l'idée du Bien Commun...
Emily : « Mon âme est telle une brebis qui a soif de ce que ton berger ne peut lui donner à boire. (Elle réfléchit.) Je veux... encore plus : l’Invisible, la Mort, dans ce qu’elle a de plus effrayant : sa réapparition dans la vie. »
Emily : « Je me dirigeais vers la Source Enchantée. Là où coule un ruisselet d’eau de cette roche brune qui rend la terre humide et si douce que lorsqu’on s’y repose, l’on se sent comme l’oisillon dans son nid de plumes... »