Les visites des familles étaient fortement déconseillées, mais toute personne sans lien avec les patients souhaitant visiter l’asile en compagnie d’un infirmier était la bienvenue. L’établissement n’avait rien à cacher. Il ne se passait rien d’inhumain ou de dégradant entre ses murs. À Blythedale, les traitements les plus modernes étaient appliqués : diététique, bains froids, séances de relaxation et divertissements à visée thérapeutique, le tout dans une atmosphère de discipline salutaire.
Son désir de lui donner une leçon s’était retourné contre lui. Pire, il avait réveillé ses appétits. Il avait ramené dans sa cellule le souvenir de leur baiser, du contact de son corps frémissant, de sa docilité, de la douceur de ses lèvres sous les siennes…
Depuis, le manque et la frustration le taraudaient.
Il ne pouvait penser à rien d’autre. Il savait pourtant qu’il était stupide de désirer passionnément une femme qui lui échappait.
Naturellement, elle ne pouvait lui en vouloir d’éprouver tant de bonheur à la lecture de ces nombres et symboles auxquels elle-même ne comprenait rien. Cette science était pour elle une sorte de langue étrangère qu’elle aurait déchiffrée mécaniquement, sans en saisir le sens. Certains naissaient avec la bosse des mathématiques, mais Maddy n’en faisait pas partie, même si son père l’avait prénommée Archimedea, en hommage au grand savant grec.
Ce démon qu’elle combattait chaque jour à force de prières et de méditations, jamais elle n’aurait imaginé qu’un jour il lui caresserait les cheveux, qu’il sentirait la terre et le feu et qu’il répandrait en elle cette chaleur délicieuse, étourdissante. Elle avait toujours cru qu’il se présenterait à elle hideux et corrompu, et qu’il lui serait facile, à elle qui était si vertueuse, de lui rire au nez !
Edward avait également collaboré pendant plus de huit ans avec le docteur Jepson, qui préconisait de parler normalement aux patients afin de favoriser la pensée rationnelle. On devait les traiter avec douceur et compassion, tout en leur faisant comprendre que leurs conditions de vie et leur liberté de mouvement dépendaient de leur capacité à se contrôler.
La camisole rendait Christian fou, et le Gorille le savait. Elle déclenchait chez lui une terreur cauchemardesque, une peur qui dépassait toute raison, toute fierté, et qui déchaînait chaque fois en lui une pulsion de révolte incontrôlable, alors même qu’il savait pertinemment qu’il ne pouvait pas gagner.
Comment ne pas remarquer la symétrie parfaite et le relief de ses pectoraux impressionnants ?
Comment ne pas admirer une créature de Dieu d’une si insolente beauté ?
C’était aussi fascinant et émouvant que le vol majestueux d’un faucon au-dessus de la campagne.
Elle n’était pas de ces gens qui prenaient la parole en public et avaient le don de transmettre l’étincelle divine à leur prochain. Elle se contentait de vivre sa vie au jour le jour, en accord avec sa conscience. Mais, désormais, elle se savait investie d’une mission.
Avoir pour mécène un libertin décrié dans les gazettes ne serait pas très agréable, mais leurs relations se limiteraient au strict minimum. Elle se surprenait déjà à imaginer une maison plus grande, avec un jardin, et une cloche de service en état de fonctionnement…
Ce n’était pas un enfant, ni un vieillard, ni un malade terrassé par la fièvre. Elle n’avait encore jamais eu affaire à quelqu’un comme lui : un homme dans la force de l’âge, dans toute sa glorieuse virilité… et nu comme au jour de sa naissance.