J’observe les premiers rayons du soleil se frayer tant bien que mal un chemin à travers le ciel, distillant une lueur chaude sur les flots. Je contemple aussi longtemps que je le peux, luttant contre le poids de mes paupières, refusant de laisser s’achever cette nuit de magie unique. Enfin, quand je n’ai plus la force de regarder, je m’endors sous un ciel d’or.
La vieille demeure était inhospitalière, avec ses meubles recouverts de draps et ses volets clos, mais, à moi, elle semblait calme et accueillante. Çà et là, d’étranges rais de lumière fendaient l’obscurité et conféraient aux pièces un air de tristesse somnolente. On aurait dit la princesse endormie d’un conte de fées, attendant seulement qu’on la ramène à la vie.
On pourrait penser que grandir dans un cirque est une fête permanente mais, crois-moi, ce n'est pas barbe à papa et petits poneys blancs tous les jours! Bon, un peu quand même. Mais tu dois aussi suivre des cours pour savoir faire cette barbe à papa à la bonne teinte de rose et super extra cotonneuse. Et je te passe les détails sur ce qui sort de l'arrière-train des jolis petits poneys blancs.
La difficulté, ce n'est pas d'être seul. C'est de trouver quelqu'un avec qui discuter qui en vaut la peine.
- Tu imagines si la vie ressemblait aux Hauts de Hurlevent ? Heathcliff est un vrai cauchemar. Ce serait insupportable.
- Je pensais plutôt à Roméo et Juliette.
- Dans les deux cas, tout le monde meurt à la fin. Je ne trouve pas ça tellement romantique.
Mais les festivités sont soudain interrompues par un grondement, un vrombissement de plus en plus sonore. Je me retourne et découvre un convoi de quatre belles automobiles qui foncent vers nous en rugissant. Les musiciens cessent de jouer et tout le monde se fige pour observer, bouche bée, les voitures qui filent sur al route. Du toit décapoté de chacun des véhicules surgissent des hommes et des femmes vêtus de tenues de soirée somptueuses. Ils applaudissent, crient et nous saluent sur leur passage. Au moment où la dernière voiture nous dépasse, une fille brandit d'une main une bouteille de champagne ouverte. Elle est éblouissante, avec sa robe à franges argentée et sa coupe à la garçonne sculpturale encadrée par un serre-tête orné de pierres précieuses. Nos regards se croisent et elle m'adresse un sourire canaille de sa bouche écarlate. page 41

Je reste bouche bée. A la porte se tient la femme la plus spectaculaire que j'ai jamais vue. Elle est grande et voluptueuse, très loin d'incarner l'idéal de beauté qu'on trouve dans les magazines mais il semble évident qu'elle n'en a rien à faire. Sa robe de soie blanche s'affranchit des dictats de la mode du moment : elle épouse ses formes et met en valeur sa taille de guêpe. Ses cheveux bruns à la garçonne sont coupés très courts sur la nuque et ses immenses yeux bleus sont surmontés de cils si longs que c'en est presque comique. UN splendide collier de diamants scintille autour de son cou et, malgré la chaleur de la soirée (...) elle anégligemment drapé ses épaules dans une sorte d'étole de fourrure blanche. Après s'être assurée que tous les regards sont braqués sur elle, elle s'en débarrasse d'un mouvement d'épaule, l'attrape d'une main et laisse nonchalamment traîner l'extrémité par terre tandis qu'elle se dirige vers le canapé le plus proche où elle la laisse tomber. Elle révèle ainsi l'arrière de sa robe, coupée en un V profond et audacieux qui laisse voir une portion non négligeable de sa peau lisse. Tout en elle est sensuel, chargé d'une promesse que je ne suis pas tout à fait sûre de bien interpréter.
J'ai senti un frisson d'excitation et cherché à mon tour ma case. Quand j'ai trouvé ma plaque gravée d'un "Poppy Pym", j'ai été frappée par l'étrangeté de voir mon nom ici, dans ce majestueux bâtiment. Levant les yeux vers les hauts plafonds en pierre, l'élégant lustre en fer forgé et le bel escalier monumental, je me suis sentie très petite mais aussi, pour la première fois, capable de m'imaginer ici et de trouver ma place dans cet univers impressionant. Cette sensation m'a traversée comme un picotement chaud du bout des doigts à l'extrémité des orteils.
Je ne vais plus me contenter d'être celle qu'on voudrait que je sois.
Ne s’ennuient que les gens ennuyeux.