Un peu plus tard, installé sur la longue terrasse contiguë au salon, et qui surplombe la baie de Sète, j'observais un filet de lune glissant à la surface de l'eau. Le noir liquide se couvrait d'une mince pellicule d'argent: la mer se gravait d'elle-même au rythme d'un léger frémissement, et la matière opaque devenait alors passage de lumière obéissant au plus secret des astres.
Ainsi le noir chez Pierre Soulages ne s'organise qu'autour d'un principe de lumière et de communion. Il ne se fonde si obstinément, si complètement, que pour mieux capter la puissance d'un souffle, une présence seconde, le rayonnement même de l'univers dans sa ronde perpétuelle.
Cela se passait vers la fin d'un mois d'août. Nous étions proches d'un soir de pleine lune et la nuit, à cette date, ne semblait plus tout à fait la nuit. L'air était doux, bercé par quelques ombres végétales tandis qu'au loin des barques de pêcheurs tremblaient sur l'eau comme de petites étoiles frileuses.
(Le noir) est, par excellence, la couleur qui dans un parfait équilibre, articule ensemble l'apparition et la disparition, le clair et l'obscur, l'être et le néant.